Paris, 15 mai 2024. Produire plus d’armes en Europe, même au prix de la démocratie. C’est l’effet du Fonds européen de défense, cette enveloppe de 8 milliards d’euros, financée par le contribuable et dirigée par la seule Commission européenne sans le moindre droit de regard du Parlement Européen. Pourtant les représentant⋅es des peuples de l’UE devraient se saisir de cette question, en particulier lorsque la croissance du secteur européen de l’armement ne profite pas seulement aux capacités de défense de l’Ukraine mais aussi à des pays tels que l’Arabie Saoudite, le Qatar, les Émirats arabes unis, l’Égypte ou encore Israël.
Ainsi les entreprises subventionnées par l’UE ne rechignent pas à poursuivre ou nouer de nouveaux contrats auprès de pays du Moyen-Orient commettant de graves atteintes aux droits humains. Les exportations d’armes vers ces pays sont pourtant en contradiction totale avec la Position commune de l’UE sur les exportations d’armement. Des États oppressifs et violents, à l’intérieur comme à l’extérieur de leurs frontières. La poursuite ou la reprise de conflits dans plusieurs pays comme en Syrie, en Irak, au Liban, au Yémen et dans l’enclave de Gaza, illustre ce crescendo de violence infligeant des souffrances à des millions de personnes, en particulier aux femmes et aux enfants.
« Les représentant⋅es élu⋅es de l’UE ne doivent pas fermer les yeux sur une Europe qui arme des bourreaux. Le Parlement Européen doit se saisir de cette question et légiférer pour une position commune coercitive. Il est nécessaire également que le Parlement européen encadre et contrôle la distribution du Fonds européen de défense afin de garantir le strict respect des critères liés aux droits humains. Le cas échéant, la responsabilité potentielle et la complicité des gouvernements et des entreprises dans la perpétration par les autorités répressives et les belligérants de conflits armés, de violations des droits humains et de crimes internationaux pourrait être engagée. » déclare Yosra Frawes, responsable du bureau Maghreb et Moyen-Orient de la FIDH.
Pour Tony Fortin, de l’Observatoire des armements « L’Union européenne a construit un modèle où les États et les industriels détiennent quasiment tous les pouvoirs, alors que le rôle du Parlement reste marginal. Cette opacité et ce manque de transparence ne sont pas le produit du hasard mais du refus de donner des outils de contrôle effectifs aux député·es européen·nes et aux acteurs de la société civile. C’est donc bien le contrôle parlementaire et démocratique qu’il faut construire au niveau européen si on veut inverser la logique en cours et faire en sorte que les États exportateurs soient soumis à un réel contrôle indépendant sur le respect de leurs engagements en matière des droits humains. »
« La violence et l’oppression contre les peuples du Moyen-Orient n’est pas une fatalité », déclare Alice Mogwe, Présidente de la FIDH. « Les moyens de cette violence, actuellement déployée par Israël à une échelle inégalée à Gaza, sont vendus par des membres de l’UE. Les valeurs européennes s’arrêtent là où commencent les contrats d’armements. »
Sur la période 2018-2022, l’UE représentait à elle seule 24% des ventes d’armes dans le monde, avec le Moyen-Orient comme première région cliente. La France est le premier exportateur européen vers la région, suivie de près par les autres États-membres tels que l’Allemagne ou l’Italie.
Le rapport est disponible ci-dessous :