L’UA doit placer les droits humains au centre de son action pour la résolution des conflits et des crises

11/06/2015
Communiqué
en fr

L’Union africaine (UA) doit placer les droits humains au centre de son action pour la résolution des conflits et des crises. Son 25ème Sommet, qui se tient actuellement en Afrique du sud, doit se solder par la prise de décisions fortes permettant d’enrayer les cycles de violences et de garantir durablement la sécurité des populations civiles.

Pour Karim Lahidji, président de la FIDH, « l’UA affiche régulièrement sa détermination à garantir la sécurité des civils dans les zones instables. Des actes concrets doivent désormais se substituer aux déclarations d’intention si elle veut préserver sa crédibilité et sa légitimé à intervenir sur de telles situations  ».

Aux efforts de médiation politique doit être associée une stratégie axée sur la protection des droits humains. Plusieurs mesures concrètes peuvent être prises dans ce sens. L’UA doit renforcer sa capacité à documenter et dénoncer les violations des droits humains perpétrées dans les zones de conflits et de crises et soutenir les initiatives permettant de garantir leur non-répétition. Elle doit pour cela parfaire le cadre de déploiement et de suivi de ses commissions d’enquêtes et d’observateurs des droits humains et renforcer la coordination entre ces mécanismes et ceux des Nations unies. L’UA doit par ailleurs renforcer l’activation de ses mesures de sanctions contre ceux qui se rendraient responsables de violations des droits humains et soutenir activement les mécanismes de justice permettant de lutter contre leur impunité. L’UA doit enfin porter une attention particulière à la protection des défenseurs des droits humains qui opèrent dans les zones à risques.

De telles mesures doivent être appliquées immédiatement pour plusieurs situations. Au Soudan du Sud, pays pour lequel l’UA a mis en place, dès mars 2014, une commission d’enquête visant à faire la lumière sur les violations commises depuis l’éruption du conflit en décembre 2013, l’organisation doit rendre publique les conclusions et recommandations formulées par cette commission. La publication du rapport de la commission a été suspendue au motif qu’elle entraverait le processus de négociations politiques entre les parties en conflit. Or, ces dernières semaines ont vu une reprise des hostilités entre factions armées, en particulier dans l’État de l’Unité où des informations ont fait état d’incendies de villages, de viols et de recrutement d’enfants dans les rangs des combattants. La publication du rapport de la commission d’enquête de l’UA doit permettre de lever le voile sur les responsabilités dans la commission des crimes et s’accompagner de la mise en place de mécanismes de justice crédibles permettant aux victimes de recouvrer leurs droits, de renforcer le système judiciaire national et de prévenir de nouvelles atrocités.

Au Burundi, alors qu’un nouveau calendrier électoral vient d’être adopté, l’UA doit s’assurer de la tenue d’élections générales inclusives, crédibles, transparentes et sécurisées. De tels scrutins passent par la reprise du dialogue politique, la fin de la répression des opposants au troisième mandat du Président sortant, par la lutte contre les agissements des Imbonerakure, par l’assurance de la libre participation des partis d’opposition au processus électoral et la garantie de la liberté de la presse et d’action de la société civile. Or, ces conditions ne sont aujourd’hui pas réunies et l’UA doit activer les mesures régies par ses textes pour prévenir toute détérioration de la situation. À l’heure où défenseurs et journalistes sont l’objet de stigmatisation, d’intimidation et de menaces, l’UA doit donner suite à sa décision de déployer des observateurs des droits humains au Burundi. Elle doit s’assurer que de tels observateurs disposent des moyens, y compris matériels, leur permettant de documenter et de dénoncer les violations et que leur action s’inscrive dans le cadre d’une coordination avec le bureau du Haut commissariat aux droits de l’Homme des Nations unies présent dans le pays.

Le climat pré-électoral en Guinée est lui aussi source d’inquiétudes. À quatre mois de l’élection présidentielle, le dialogue politique entre le gouvernement et l’opposition est totalement bloqué et le climat social tendu sur des lignes communautaires, voire ethniques. Considérant le passé récent de violences électorales dans le pays, l’UA doit prendre toutes les mesures nécessaires pour que les prochaines élections soient libres, démocratiques et transparentes. Les garanties d’une vie politique apaisée passent notamment par la reprise des discussions entre le pouvoir et l’opposition afin de régler les différends persistants sur le calendrier électoral et l’organisation du scrutin présidentiel, la protection des droits civils et politiques ainsi que des libertés fondamentales, et la responsabilisation de tous les acteurs politiques dans la gestion des manifestations afin que ces dernières ne se transforment pas en nouveau cycle de violences. C’est dans ce contexte que le Capitaine Moussa Dadis Camara, ancien chef de la junte militaire, a annoncé, le 11 mai 2015, sa candidature à la prochaine élection présidentielle, et son retour en Guinée à la fin du mois de juin 2015. Les violences à caractère politique, l’impunité et les entraves à l’indépendance de la justice étant les causes de la récurrence des graves violations des droits humains perpétrées en Guinée depuis des décennies, l’UA doit peser de tout son poids pour que lesprocédures judiciairesconcernant ces dernières, et notamment l’affaire du massacre du 28 septembre 2009, aboutissent et contribuent ainsi à l’éclatement de la vérité et de la justice, aspects essentiels au processus de réconciliation nationale.

Au Mali, malgré la signature, le 15 mai 2015, de l’accord pour la paix et la réconciliation, la situation sécuritaire, particulièrement au nord du pays, reste précaire. Ces derniers mois, les affrontements entre groupes armés et forces armées maliennes pour le contrôle des localités du nord ont entraîné la mort de plus de 150 personnes et fait des dizaines de blessés. Sur le plan judiciaire, les procédures nationales ouvertes à l’encontre de présumés responsables des violations graves des droits humains perpétrées dans le nord au cours du conflit armé ouvert en 2012 demeurent fragiles et demandent à être soutenues pour aboutir à des procès équitables et contribuer à la non-répétition des crimes. C’est la responsabilité de l’UA que de s’assurer que toutes les parties respectent strictement les accords de cessez-le-feu et appliquent l’accord de paix de mai et que les procédures judiciaires aboutissent.

« Le droit des victimes de crimes à obtenir justice et réparation ne doit plus être sacrifié sur l’autel de considérations politiques. L’engagement de l’UA dans la lutte contre l’impunité doit passer par un soutien renforcé aux procédures judiciaires nationales et internationales », a déclaré Mabassa Fall, représentant de la FIDH auprès de l’Union africaine.

Lire la suite