Préoccupations et recommandations de la FIDH adressées aux chefs d’Etat et de gouvernement à l’occasion du 12eme sommet de l’Union africaine

23/01/2009
Communiqué

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) fait part de ses préoccupations et recommandations auprès des chefs d’Etat et de gouvernement à l’occasion du 12ème sommet de l’Union africaine (UA) qui se tient à Addis Abeba du 26 janvier au 3 février 2009.

Sur les questions de paix et de sécurité en Afrique

République démocratique du Congo

Au second semestre 2008, l’est de la République démocratique du Congo a été une nouvelle fois déchirée par les conflits. Les combats ont repris dans le Nord Kivu entre le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) et les Forces armées de la RDC (FARDC) en violation de l’accord de paix de Goma de janvier 2008. Le chef rebelle Laurent Nkunda a appelé au soulèvement national. Les combats sont menés en violation totale du droit international humanitaire par les différentes parties au conflit. Les civils sont toujours les premières victimes : massacres, enlèvements, atteintes aux libertés individuelles, pillages des villages, recrutement forcé et utilisation d’enfants soldats, les viols et autres formes de violences sexuelles à l’égard des femmes et des filles, actes de torture, restrictions à la distribution de l’aide humanitaire. Il y aurait plus d’un million de déplacés de guerre dans cette région. Les défenseurs des droits de l’Homme qui dénoncent cette terrible situation sont l’objet de graves menaces et de harcèlement. La région de l’Ituri redevient également une zone intense de combats entre les forces congolaises et les hommes du chef d’Etat major du CNDP, Bosco Ntaganda, sous mandat d’arrêt international émis par la Cour pénale internationale. Les demandes répétées de la part de la population civile de voir la MONUC renforcée n’ont pas trouvé satisfaction. Les tentatives de médiations lors des conférences de Nairobi (Kenya) n’ont pas permis de trouver une solution politique au conflit.

La FIDH recommande aux chefs d’Etat et de gouvernement à l’occasion du 12ème sommet de l’UA de :

 Condamner les graves violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire commises par l’ensemble des parties au conflit ;

 Condamner particulièrement les violences sexuelles perpétrées par les hommes en armes et demander aux autorités congolaises de prendre toute les mesures nécessaires pour que les victimes de ces crimes aient droit à une justice et à réparation ;

 Exiger que les auteurs des crimes les plus graves soient poursuivis et jugés et, à cet effet, encourager le travail de Cour pénale internationale et demander aux autorités congolaises et aux autres Etats parties de coopérer avec la Cour ;

 Appeler le CNDP à appliquer strictement le cessez-le-feu et à s’engager pleinement dans une résolution politique du conflit ;

 Condamner tout soutien extérieur aux troupes du CNDP ;
Appeler la communauté internationale à renforcer les moyens en hommes et en logistique de la MONUC ;

 Exiger des autorités congolaises et des responsables du CNDP qu’ils assurent l’intégrité physique et morale des défenseurs et qu’ils prennent toutes les mesures nécessaires pour que leurs droits soient pleinement respectés ;

Soudan

Cherchant à étayer l’argument selon lequel le Conseil de sécurité de l’ONU devrait surseoir à l’examen de la délivrance d’un mandat d’arrêt par la Cour pénale internationale à l’encontre du Président Omar el-Béchir, le Soudan n’a cessé de prétendre au second semestre 2008 que des améliorations importantes ont été enregistrées au Darfour.
En réalité, entre juillet et octobre 2008, les bombardements gouvernementaux et les combats au Nord Darfour ont entraîné le déplacement de quelque 90.000 personnes. En octobre, les forces gouvernementales et leurs milices alliées ont mené des attaques contre 13 villages au moins à proximité de Muhajariya, au Sud-Darfour. À cette occasion, au moins 44 civils auraient été tués. Même en novembre, après que Khartoum eut déclaré un « cessez-le-feu unilatéral et sans condition », l’armée soudanaise a continué de bombarder des villages au Nord-Darfour et au Darfour occidental.

La force de maintien de la paix Nations Unies/Union africaine (MINUAD) fonctionne à moins de 50 pour cent des capacités prévues dans son mandat et fait l’objet d’attaques répétées. Le gouvernement soudanais s’est à nouveau engagé à honorer ses obligations et à faciliter le déploiement de la force, mais ces promesses doivent encore se traduire en actes.

Les autorités soudanaises ont également annoncé une série de mesures prétendument destinées à améliorer la justice nationale pour les crimes perpétrés au Darfour, notamment un nouveau procureur pour le Darfour. Néanmoins à ce jour, le procureur n’a examiné que trois affaires et aucune nouvelle poursuite n’a été engagée en lien avec les principales atrocités.

La FIDH recommande aux chefs d’Etat et de gouvernement à l’occasion du 12ème sommet de l’UA de :

 Condamner les graves violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire commises contre les civils et les humanitaires par l’ensemble des parties au conflit ;

 Exiger que les auteurs des crimes les plus graves soient poursuivis et jugés et, à cet effet, encourager le travail de Cour pénale internationale et demander aux autorités soudanaises et aux autres Etats parties de coopérer avec la Cour ;

 Exiger de l’ensemble des parties qu’elles s’engagent résolument dans le règlement politique ;

 Demander aux belligérants de cesser toute attaque contre les humanitaire et de faciliter leur accès pour leur permettre d’accomplir pleinement leur travail ;

 Appeler la communauté internationale à renforcer les moyens en hommes et en logistique de la MINUAD ;

 Exiger des autorités soudanaises qu’elles cessent toute attaque, harcèlement et menaces contre les défenseurs des droits de l’Homme ;

Somalie

La situation en Somalie est particulièrement grave. Les affrontements entre les troupes du Gouvernement Fédéral de transition (TFG) appuyées jusqu’au mois de janvier 2009 par l’armée éthiopienne contre les insurgés de l’Union des tribunaux islamiques, particulièrement la branche radicale des Al Shabab, se sont intensifiés au cours du second semestre 2008 et la population civile en paie chèrement le prix.

Les combats font toujours rage dans la Province de South Central, dans et autour de la capitale Mogadiscio. Les affrontement menés au mépris des conventions de Genève ont fait de très nombreux morts parmi les civils, plusieurs centaines en 2008. Plus de 80.000 personnes ont été forcées de déplacer pour échapper aux combats. Ceux-ci empêchent l’accès aux humanitaires, eux-mêmes victimes des belligérants. Près de 200 incidents visant les humanitaires ou leurs biens ont été rapportés par les Nations unies sur l’année 2008. 35 humanitaires ont trouvé la mort. Certains, enlevés en 2008, sont toujours aux mains de leurs ravisseurs. Les journalistes sont la cible privilégiée des belligérants.

Avec le retrait des forces éthiopiennes, intervenues unilatéralement au mépris des règles internationales en vigueur, et la fragilisation du TFG confirmée par la démission récente de son président, la situation va demeurer extrêmement délicate compte tenu du contrôle de nombreux territoires par les insurgés et le retour en force des seigneurs de guerre. L’AMISOM, sous financée, en effectivité réduite (3.400 soldats burundais et ougandais, loin des 8.000 hommes initialement prévus) risque d’être débordée par la situation et de ne pouvoir remplir pleinement son mandat. La mise en oeuvre de l’accord de Djibouti obtenu en juin entre le gouvernement somalien et l’opposition islamiste modérée pour un accord de partage du pouvoir et de trêve paraît de moins en moins réalisable.

La FIDH recommande aux chefs d’Etat et de gouvernement à l’occasion du 12ème sommet de l’UA de :

 Condamner les graves violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire perpétrées par l’ensemble des belligérants ;
Condamner spécifiquement toute attaque contre les civils ;

 Condamner toute attaque contre les humanitaires, les journalistes et les défenseurs des droits de l’Homme ;

 Demander aux belligérants de faciliter l’accès des humanitaires pour leur permettre d’accomplir pleinement leur mandat ;

 Condamner la pratique des enlèvements ;

 Appeler la communauté internationale à soutenir fortement l’AMISOM pour augmenter ses effectifs et renforcer ses moyens logistiques pour permettre la mise en oeuvre pleine et entière de son mandat ;

 Continuer à soutenir le processus de règlement politique du conflit ;

Zimbabwe

Au Zimbabwe, le processus politique est dans l’impasse malgré les tentatives de médiation de Thabo Mbeki et de la SADC. Robert Mugabe refuse toujours le partage du pouvoir5 et fait régner la terreur contre toute personne dénonçant cette situation. Les membres du MDC de Tsangvirai et les défenseurs des droits de l’Homme sont particulièrement en danger. Dernier exemple en date, Jestina Mukoko, directrice de l’ONG Peace Projet est jugée ainsi que 14 autres militants des droits de l’Homme, pour tentative de constitution de milices dans le but de renverser le gouvernement.

La paralysie politique entraîne de graves conséquences économiques et sanitaires, le choléra ayant fait plusieurs centaines de morts dans ce pays.

La FIDH recommande aux chefs d’Etat et de gouvernement à l’occasion du 12ème sommet de l’UA de :

 Exhorter Robert Mugabe à accepter la formation d’un gouvernement d’union nationale ;

 Condamner toute répression contre les membres des partis politiques d’opposition et les défenseurs des droits de l’Homme ;

Mauritanie

La Mauritanie, premier pays à avoir ratifié la Charte africaine sur la démocratie, les élections et la gouvernance, est également le premier à l’avoir violée ! Alors que le pays sort d’un processus politique de transition qui avait mené aux premières élections démocratiques, une junte militaire menée par le général Ould Abdel Aziz à pris le pouvoir par les armes au mois d’août dernier. Le président déchu Sidi Ould Cheikh Abdallahi est demeuré en résidence surveillée pendant près de 4 mois. Les putchistes ont refusé de répondre à l’ultimatum lancé le 23 septembre 2008 par le Conseil de paix et de sécurité de l’UA exigeant le retour à l’ordre constitutionnel. Au contraire, les libertés publiques ont été gravement atteintes, à travers notamment la répression brutale de nombreuses manifestation et la censure des journaux.

A la suite des consultations nationales sur la démocratie, la junte aurait accepté le déroulement d’élections présidentielles en mai 2009, autorisant aux membres du gouvernement actuel de se présenter à la condition de démissionner de leur fonction.

La FIDH recommande aux chefs d’Etat et de gouvernement à l’occasion du 12ème sommet de l’UA de :

 Refuser la présence de tout représentant de la junte au pouvoir à l’occasion de ce sommet ;

 Maintenir la suspension de la Mauritanie de toute instance de l’UA ;

 Exiger la tenue d’élections présidentielles transparentes dans les plus brefs délais ;

 Exiger de la junte le respect inconditionnel des droits garantis par la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples ;

 Appliquer les sanctions mentionnées par le Conseil de paix et de sécurité dans le communiqué en date du 22 décembre si la Mauritanie ne répond pas ses injonctions avant le 5 février 2009 (PSC/MIN/Comm.3(CLXIII)) ;

Guinée

Le 23 décembre 2008, quelques heures après l’annonce du décès du président Conté à 74 ans, après 24 ans en poste, des militaires du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) ont pris le pouvoir au mépris des dispositions constitutionnelles et ont porté le capitaine Moussa Dadis Camara à la tête de l’Etat.

Le 28 décembre, quelque 20 chefs des forces terrestres, aériennes et maritimes, ainsi que les responsables de la force de sécurité de l’ère Conté ont été dégradés et assignés à d’autres tâches dans l’armée par la junte.

Le 29 décembre, l’Union africaine a suspendu la Guinée de ses activités.
Plusieurs généraux du temps de l’ancien président guinéen Lansana Conté ont par la suite été arrêtés le samedi 3 janvier par la junte. L’ancien chef d’état-major de l’armée, le général de division Diarra Camara, l’ex-chef d’état-major de la marine, le vice-amiral Ali Daffé, ainsi que son adjoint le contre-amiral Fassiriman Traoré figurent sur la liste de personnes arrêtées.

La FIDH recommande aux chefs d’Etat et de gouvernement à l’occasion du 12ème sommet de l’UA de :

 Refuser la présence de tout représentant de la junte au pouvoir à l’occasion de ce sommet

 Maintenir la suspension de la Guinée de toute instance de l’UA

 Exiger la tenue d’élections présidentielles transparentes dans les plus brefs délais

 Demander à la junte le respect inconditionnel des droits garantis par la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples

 Libérer tous les militaires arrêtés arbitrairement

Sur le procès d’Hissène Habré au Sénégal

Hissène Habré a fui au Sénégal en 1990. En 1992, une Commission d’enquête du ministère tchadien de la Justice a accusé le gouvernement Habré de 40 000 assassinats politiques et de torture systématique. En 2000, un groupe de victimes a déposé plainte contre M. Habré au Sénégal, mais cette procédure s’est soldée par une décision d’incompétence des autorités judiciaires sénégalaises. Les victimes se sont alors tournées vers la Belgique, et en septembre 2005, un juge belge a inculpé M. Habré de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et de torture. Un mandat d’arrêt a été décerné contre lui. Comme le Sénégal ne l’a pas extradé, en mai 2006, le Comité des Nations Unies contre la torture (CAT) lui a reproché d’avoir violé la Convention contre la torture et l’a enjoint, soit d’extrader M. Habré, soit d’engager des poursuites contre lui. Les autorités sénégalaises ont alors demandé à l’Union africaine (UA) de lui recommander une ligne de conduite.

En juillet 2006, l’UA, s’appuyant sur les recommandations du Comité d’Eminents Juristes Africains, a demandé au Sénégal de poursuivre Habré « au nom de l’Afrique », ce que le Président sénégalais, Abdoulaye Wade, a accepté.

Plus de 2 ans et demi se sont écoulés depuis la décision de l’UA, près de 3 ans depuis la décision du CAT et cela fait maintenant 18 ans que M. Habré réside au Sénégal. Bien que ce pays ait effectué des réformes législatives conséquentes afin de permettre d’établir la compétence des juridictions sénégalaises pour connaître des crimes reprochés à M. Habré, il est grand temps qu’il entame les poursuites à son encontre. Le Sénégal prétend qu’il attend une assistance financière internationale, mais comme expliqué dans le mémo ci-joint, cette assistance lui a déjà été offerte.

La FIDH recommande aux chefs d’Etat et de gouvernement à l’occasion du 12ème sommet de l’UA de :

 Demander au Sénégal qu’il entame, sans délai, les poursuites judiciaires contre l’ancien président du Tchad, afin d’assurer son jugement rapide et équitable ;

 Soutenir financièrement l’organisation du procès de Hissène Habré, et de demander à la communauté internationale d’en faire autant ;

Sur la justice internationale

Pour l’ensemble des conflits et crises qu’a connu l’Afrique en 2008, l’impunité est une des causes de la récurrence des graves violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire et des grandes difficultés à entrevoir des processus politiques et de paix viables et durables.

C’est pourquoi la FIDH et ses ligues oeuvrent pour que justice soit rendue au niveau national et, à défaut, en cas d’incapacité ou de non volonté des juridictions nationales, aux niveaux régional et international, satisfaisant ainsi au droit des victimes à un recours juste et efficace.

En ce sens, la FIDH a, par exemple, organisé un important plaidoyer pour que les tribunaux congolais prennent en compte les plaintes de victimes de crimes internationaux et notamment de crimes sexuels, véritable arme de guerre utilisée par les belligérants dans les zones de conflit, et pourtant banalisée sur l’ensemble du territoire en raison notamment de l’impunité de leurs auteurs. La FIDH soutient ainsi des victimes congolaises devant la CPI. La FIDH soutient aussi des victimes tchadiennes devant la justice sénégalaise contre l’ancien dictateur Hissène Habré, relayant ainsi le souhait de l’Union africaine de voir jugé l’ancien président tchadien au Sénégal sur la base de la compétence universelle au nom de l’Afrique. La FIDH s’est également réjouie de la décision prise par la Cour de justice de la CEDEAO condamnant l’Etat du Niger pour n’avoir pas protégé une de ses ressortissantes contre la pratique de l’esclavage. La FIDH s’est aussi mobilisée, notamment via un séminaire organisé en novembre au Kenya, pour étudier les pistes possibles de mise en responsabilité des entreprises violant les droits de l’Homme. En outre, la FIDH soutient des survivants du génocide au Rwanda pour que justice leur soit rendue en France où se trouvent de nombreux présumés génocidaires, en toute impunité. La FIDH leur fournit un appui judiciaire, déposant des plaintes avec constitution de parties civiles et appelant les juridictions françaises à exercer leur compétence.

Par ailleurs, la FIDH s’est félicitée des avancées importantes de la CPI concernant la lutte contre l’impunité dans le monde, particulièrement en Afrique, comme l’illustre le transfert de Jean-Pierre Bemba à la Haye et l’ouverture d’une nouvelle enquête sur les crimes les plus graves commis dans les Kivus par le Procureur de la CPI.

Pourtant, nombreux sont ceux qui depuis quelques temps semblent vouloir opposer justice et paix, notamment au nom d’une justice du nord qui viendrait perturber les efforts de paix et s’ingérer dans les affaires judiciaires des pays du sud. Surfant sur l’actualité des affaires Jean-Pierre Bemba et El Beshir devant la Cour pénale internationale et les mandats d’arrêt qui ont été délivré contre les officiels rwandais par un juge d’instruction espagnol et français, la justice internationale serait selon eux une justice de blancs, une justice qui ne fait que reproduire des schémas néo-colonialistes. Une justice qui jugerait les instances judiciaires nationales insuffisamment mûres pour pouvoir juger leurs propres ressortissants et s’arrogeraient ainsi le droit de pouvoir les juger à leur place. Pire, selon eux toujours, ceux qui luttent dans certains pays pour que soit reconnu aux victimes le droit à la justice, parfois au péril de leur vie, sont désormais stigmatisés, et accusés de faire le jeu des pays du nord.

Ne nous élevons pas contre la lutte contre l’impunité des crimes les plus graves commis sur le continent africain. Rappelons que les Etats africains constituent près d’un tiers des Etats parties à la CPI. Rappelons également que ce sont ces mêmes Etats, (l’Ouganda, la RDC et la RCA) qui ont saisi la CPI afin qu’une enquête soit ouverte sur les crimes graves commis sur leur territoire. Rappelons enfin que ces conflits figurent parmi les plus graves que connaît actuellement l’humanité, que leurs victimes se comptent par millions et que l’impunité de leurs auteurs était jusqu’alors entière. D’autre part, exigeons aussi des juridictions nationales du nord qu’elles poursuivent aussi les auteurs de crimes de leurs pays, et à défaut que la justice internationale s’en charge. Agissons pour que les pays du Nord cessent de protéger leurs ressortissants des poursuites pour les crimes atroces commis sur divers continents. Aussi puissants qu’il soient, ils ne doivent pas non plus échapper à leurs responsabilités. C’est ce que de nombreuses organisations de défense des droits de l’Homme comme la FIDH s’efforcent de faire. Ainsi, Donald Rumsfeld, en tournée de promotion en France en 2007, a senti passer de très près le vent de la justice. Visé par une plainte pour torture, l’ancien Secrétaire d’Etat américain à la défense n’a dû son salut qu’en s’enfuyant de la façon la plus rocambolesque et honteuse qu’il soit en rejoignant en catimini l’ambassade de son pays. Rumsfeld a fait de la même manière l’objet de procédures dans 5 pays. Des dossiers se construisent pour les crimes commis par les occidentaux en Afghanistan, Irak et à Guantanamo, des poursuites sont parfois engagées et dans tous les cas, il est indispensable que ces représentants du nord répondent de leurs crimes de la même façon qu’ils exigent que d’autres le fassent. Nous constatons que cela n’est pas toujours le cas, et nous ne cesserons de nous mobiliser par tous les moyens pour y soit remédier. Ce, non seulement au nom de leurs victimes privées de toute justice, mais aussi au nom de l’universalité des droits de l’Homme, et donc de la justice internationale.

Remettre en cause la justice au motif que certaines résistances freinent son action n’est pas une bonne démarche. Il faut au contraire nous unir pour vaincre ces résistances, et faire en sorte que la justice pénale internationale s’applique, enfin, de façon universelle.

La FIDH recommande aux chefs d’Etat et de gouvernement à l’occasion du 12ème sommet de l’UA de :

 Ratifier et mettre en oeuvre le Statut portant création de la Cour pénale internationale ;

 Ratifier l’accord sur les privilèges et immunités de la CPI ;

 Coopérer pleinement avec la Cour pénale internationale dans l’exécution des enquêtes et des poursuites, en particulier pour l’exécution effective des mandats d’arrêts, et la protection des témoins au terme de la conclusion d’accord de réinstallation des témoins avec la CPI ;

 Conclure un accord de coopération et d’assistance entre la CPI et l’UA ;

 Adopter en droit interne les dispositions relatives au droit pénal international et au droit international humanitaire et prendre les mesures nécessaires pour que les juridictions nationales puissent exercer leur compétence (universelle) pour connaître des graves violations des droits de l’Homme ;

 S’assurer que les responsables des violations graves des droits de l’Homme et du droit international humanitaire soient poursuivis et jugés par les tribunaux nationaux ;

 Soutenir et coopérer avec les Etats tiers qui enquêtent et poursuivent les auteurs des crimes les plus graves lorsque les Etats sur le territoire duquel les crimes ont été commis n’ont ni la capacité ni la volonté de les juger ;

 Coopérer avec Interpol pour l’exécution des Notices Rouges et des mandats d’arrêt internationaux ;

 Respecter l’indépendance de la justice ;

 Adhérer aux Principes Caire-Arusha sur la compétence universelle eu égard aux graves violations des droits de l’Homme et les mettre en oeuvre ;

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