Bilan mitigé pour la 58ème Session ordinaire de la Commission africaine en cette année africaine des droits humains

(Paris, Banjul), La FIDH et ses 5 organisations présentes à Banjul se félicitent des résolutions adoptées par la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP) lors de sa 58ème session ordinaire, en particulier sur la protection des défenseurs des droits humains. Nous regrettons en revanche que les recommandations de la société civile en matière de lutte contre l’impunité n’aient pas été pleinement prises en compte, et nous réitérons l’importance du rôle de la CADHP en soutien aux victimes dans la quête de justice pour les crimes les plus graves perpétrés sur le continent.

La FIDH se félicite en effet de l’adoption par la CADHP d’une résolution forte sur la situation des défenseurs des droits humains en Afrique. Cette résolution condamne fermement « les entraves aux activités des défenseurs des droits de l’homme et toutes formes de violences et de représailles perpétrées contre eux » et exhorte les États à libérer les défenseurs des droits humains arbitrairement détenus, à mettre un terme à toute forme de harcèlement et autres formes d’actes d’intimidation et à prendre toutes les mesures nécessaires pour enquêter, poursuivre et juger les cas de violations des droits des défenseurs. La FIDH, qui mène depuis de nombreuses années un plaidoyer actif auprès de la CADHP pour la protection de ces défenseurs, notamment au travers de ses interventions orales à chaque session [1] et ses appels urgents, se félicite de cette prise de position et appelle les États membres de l’Union africaine (UA) à prendre les mesures qui s’imposent pour protéger efficacement les droits des défenseurs des droits humains.

« L’Union Africaine a déclaré 2016 l’année africaine des droits humains. La CADHP doit donc plus que jamais dénoncer les violations des droits humains perpétrées sur le continent et garantir également le respect des principes de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples afin d’assurer une protection effective des populations civiles africaines, et notamment des défenseurs de droits humains. Cette résolution marque un pas dans ce sens et doit être suivi d’actions »,

Mabassa Fall, représentant de la FIDH auprès de l’Union africaine

En revanche, la FIDH s’inquiète vivement de la position formulée par la Commission dans sa résolution sur la lutte contre l’impunité en Afrique, dans laquelle elle appelle les États membres à ratifier le Protocole portant statut de la Cour africaine de justice et des droits de l’Homme plus communément appelé le Protocole de Malabo. La FIDH rappelle que ce Protocole contient une clause consacrant l’immunité des chefs et hauts fonctionnaires de l’État, qui ne peut s’accorder avec le droit des victimes à obtenir vérité, justice et réparations pour les crimes les plus graves et quels que soient les auteurs de tels crimes. Cette position de la Commission va à contre-sens des recommandations adoptées par la société civile lors du Forum sur la participation des ONG aux travaux de la 58ème Session ordinaire de la Commission africaine. Nous réitérons ainsi l’absolue nécessité de rejeter les immunités pour les crimes internationaux et appelons la Commission et les États membres de l’Union africaine à soutenir les mécanismes judiciaires existant tant aux niveaux nationaux qu’au niveau régional et international, y compris la Cour pénale internationale, dans l’enquête et la poursuite des auteurs des violations graves de droits humains sur le continent.

« La CADHP doit formellement renforcer ses recommandations et ses actions en matière de lutte contre l’impunité et de justice, en prenant en compte les préconisations et les inquiétudes de la société civile et des victimes de violations des droits humains. Il doit être rappelé aux États leur obligation d’enquêter, poursuivre et juger les auteurs des crimes les plus atroces quelle que soit leur fonction officielle au sein de l’État. »

Karim Lahidji, président de la FIDH

La CADHP est l’organe chargé de surveiller le respect des droits énoncés dans la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples. Créée en 1991, elle a son siège à Banjul. Elle comprend 11 commissaires de 11 pays africains. Sa 58ème Session ordinaire s’est tenu à Banjul, du 6 au 20 avril 2016 où, en plus de statuer sur les violations des droits humains dans les situations de crise et débattre de certaines thématiques prioritaires sur la protection des droits humains sur le continent, elle a examiné à cette session le respect des droits humains en Namibie, au Mali et en Afrique du Sud. La FIDH était présente à Banjul lors de la session publique du 6 au 13 avril avec ses organisations membres issues notamment du Mali, d’Afrique du Sud, du Burkina Faso et de Côte d’Ivoire qui ont présenté leurs observations sur la situation des droits humains dans leurs pays respectifs.

A l’issue de cette session, la Commission a adopté 12 résolutions, dont trois relatives à des situations spécifiques notamment en République du Congo et au Nigeria.

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