Une simple chambre d’enregistrement des interventions ?

A la lecture du communiqué final de la 33ème session de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples, tenue à Niamey, Niger, du 15 au 29 mai 2003, la FIDH s’inquiète de l’absence de réaction des commissaires sur l’actualité pourtant vive et parfois alarmante eu égard à la situation des droits de l’Homme en Afrique.

A l’instar de la précédente session tenue à Banjul en octobre 2002, la Commission, dont le mandat est de s’assurer du respect par les Etats africains des dispositions de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, n’a émis aucune recommandation à l’égard des gouvernants africains violant ostensiblement les droits humains : Rien sur les violences policières au Zimbabwe, rien sur les crimes graves commis en RDC ou au Burundi, rien sur les violations des libertés fondamentales en Mauritanie, Algérie, Tunisie, rien non plus sur la peine de mort au Nigeria et au Soudan, etc.

Seuls furent adoptés par la Commission africaine, et la FIDH s’en félicite, les lignes directrices et les principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique et les rapports de missions effectuées par les Commissaires en Afrique du Sud, au Burkina faso, en Côte d’Ivoire, en Namibie, en Ouganda, au Sénégal et en Zambie.
Sur ce constat, la FIDH considère le silence des Commissaires face aux graves violations des droits de l’Homme en Afrique comme une contradiction avec la vocation même de cette institution et comme un mépris à l’égard des victimes et défenseurs des droits de l’Homme qui ne cessent de dénoncer l’aggravation de la situation des droits de l’Homme sur le continent.

La FIDH et ses organisations membres de RDC, Tunisie, Algérie, Côte d’Ivoire, Burundi, Zimbabwe, Burkina Faso et du Niger, ont assisté à cette session et présenté des projets de résolution concernant des thèmes aussi important que le Nouveau partenariat pour le développement en Afrique (Nepad), la Cour pénale internationale (CPI), l’organisation d’élections libres et pluralistes et la protection des défenseurs des droits de l’Homme.

A cet égard, la FIDH, dans le cadre de son programme conjoint avec l’OMCT, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, a appelé, cette session encore et pour la 8ème fois consécutive, la Commission africaine à créer un mécanisme de protection (" point focal " ou rapporteur spécial) des défenseurs. Malgré l’intérêt porté à cet égard par certains Commissaires, ce projet a été une nouvelle fois écarté par la Commission.
(http://www.fidh.org/intgouv/ua/cadhp/index.htm)

En outre, nos trois ligues membres de la République démocratique du Congo (Rdc) ont rendu un rapport alternatif sur la situation alarmante des droits de l’Homme en Rdc sur fond de transition politique. Mais les autorités congolaises n’ont pas daigné se présenter au Niger pour l’examen de leur rapport périodique. Ce manquement révèle un certain dysfonctionnement de l’instance régionale en reflétant l’attitude générale des gouvernements africains à l’égard de la Commission qui, pour la plupart, accumulent un retard considérable dans l’examen de leur rapport, voire n’en n’ont jamais remis un seul.

L’action de la Commission semble ainsi s’effacer face à la realpolitk africaine : manque de réaction des Commissaires à l’actualité africaine, difficultés économiques restreignant les missions d’enquête et le développement de son activité, contingence politique issue du cumul des mandats de certains commissaires, retards considérables des Etats africains dans la soumission de leur rapport périodique, etc. Si la Commission demeure un lieu d’échange et de dialogue entre la société civile et les représentants des gouvernements, l’affaiblissement de son rôle inquiète la FIDH. Son mandat de promotion et de protection du respect des droits de l’Homme sur le continent doit amener la Commissionà condamner les Etats qui violent les dispositions régionales relatives aux droits humains ou, à défaut, l’institution perdra en crédibilité et s’éloignera d’un soutien populaire pourtant essentiel à son fonctionnement.

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