Une session au goût amer

La 32ème Session de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples qui s’est tenue du 17 au 23 octobre 2002 à Banjul, Gambie, n’a pas su répondre aux attentes de la société civile africaine et internationale.

Si la FIDH se félicite de l’adoption par la Commission des Lignes directrices et de Mesures d’interdiction et de prévention de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradant en Afrique (lignes directrices de Robben Island) et du projet de Déclaration sur les principes sur la liberté d’expression en Afrique, elle déplore cependant qu’aucune résolution n’a été adoptée par les Commissaires en dépit des appels répétés des ONG internationales et africaines, notamment sur la situation des droits de l’Homme en Côte d’Ivoire et en République Démocratique du Congo ou sur la situation des défenseurs des droits de l’Homme et le Nouveau partenariat pour le développement en Afrique (NEPAD).

La Commission a pourtant pour mandat de promouvoir et protéger les droits de l’Homme dans les conditions fixées par la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, entrée en vigueur en 1986. Son rôle prend toute sa mesure lorsque l’on sait les perpétrations massives des violations des droits de l’Homme sur le continent et le peu d’adhésion des Etats africains aux instruments régionaux et internationaux de protection des droits de l’Homme : si 20 pays ont ratifié le Statut de la Cour pénale internationale ; 6 pays ont ratifié le Protocole additionnel à la Charte africaine, portant création de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples alors que 15 ratifications sont nécessaires à son entrée en vigueur ; sur 53 Etats parties à la Commission africaine, 44 ne sont pas à jour de leur rapports périodiques (20 pays n’ayant jamais soumis de rapport).

La FIDH et nombre de ses ligues africaines membres présentes à cette session en tant qu’observateurs, ont pu noter la confusion dans laquelle se sont ouverts les débats. La nouvelle du raccourcissement de la session à une semaine au lieu de deux et l’absence initiale du quorum - seuls trois commissaires sur les onze étaient présents - ont largement perturbé l’ordre du jour et les séances publiques.

La principale conséquence de cette confusion a été le report à la prochaine session de l’unique rapport pays à l’ordre du jour, celui de la République Démocratique du Congo (RDC), alors même que la situation des droits de l’Homme est fortement préoccupante tant dans les territoires sous contrôle du gouvernement que ceux administrés par les rebelles.

Même si la Commission insiste dans son communiqué final sur les préoccupations des ONG quant à la situation des droits de l’Homme en Côte d’Ivoire suite à la mutinerie du 19 septembre 2002, aucune résolution n’a été prise à cet effet. Pourtant, des recommandations avait été adressées aux Commissaires, notamment par la FIDH et la LIDHO, son organisation membre de Cote d’Ivoire.

La FIDH espérait également que la Commission se saisisse enfin de la question de la protection des défenseurs des droits de l’Homme en Afrique. Les nombreuses interventions des ONG ont rappelé que les défenseurs sont encore trop souvent harcelés, menacés, illégalement arrêtés, détenus voire torturés sous des prétextes divers d’appartenance à l’opposition politique ou encore, suite au 11 septembre 2001, à des groupes terroristes. La FIDH, dans le cadre de son programme conjoint avec l’OMCT, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, a appelé, cette année encore et pour la 7ème fois consécutive, la Commission africaine à créer un mécanisme - " point focal " ou rapporteur spécial - sur la question des défenseurs. Aucun argument ne peut valablement justifier les hésitations et atermoiements de la Commission à cet égard. Pourtant, une nouvelle fois, ce mécanisme a été refusé par les Commissaires.

La question du NEPAD a quant à elle été reportée au prétexte qu’il était encore trop tôt pour que la Commission prenne position sur la place des droits de l’Homme dans les politiques de développement économique du continent africain.

L’absence de la Commission sur des sujets aussi essentiels qui relèvent de son mandat est inquiétante. Son apathie contraste avec le développement manifeste et exemplaire en Afrique de la société civile et du mouvement indépendant des droits de l’Homme.

La FIDH tire la sonnette d’alarme quant au peu de résultats de la Commission et s’étonne qu’aucune des préoccupations des ONG n’aient été entendues par les Commissaires, qui en l’espèce ont failli à leur mission devant, en toute circonstance, reposer sur les principes d’intégrité et d’impartialité prévus par l’article 31 de la Charte africaine. La FIDH appelle ce mécanisme régional de protection des droits de l’Homme à se montrer effectivement à la hauteur des attentes de la société civile et à répondre favorablement à sa mobilisation. La FIDH réitère sa disponibilité à soutenir tout effort de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples à cet effet.

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