Intervention de la FIDH sur les migrations en Afrique

Madame la Présidente,
Mesdames et messieurs les Commissaires,

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) souhaite attirer votre attention sur les problématiques migratoires propres au continent africain. Les migrations africaines sont quantitativement très importantes. Sur les quelques 200 millions de migrants estimés en 2006 au plan international, environ un tiers serait d’origine africaine. En outre, l’Afrique représente à elle seule un tiers des réfugiés et la moitié des déplacés internes de la planète.

Ces migrations sont avant tout des migrations internes. Ainsi, la moitié des migrants africains vivent dans un autre pays du continent et les neuf dixième des exilés africains trouvent refuge dans un pays limitrophe de leur pays d’origine. Ce sont donc principalement d’autres pays africains qui subissent le choc des fortes pressions migratoires liées aux conflits et aux catastrophes naturelles qui surviennent sur le continent, et qui accueillent une part importante des travailleurs migrants. Par ailleurs, près d’un migrant sur deux (47%) en Afrique est une femme ; les femmes et les enfants constituent également 70% des réfugiés et déplacés internes du continent.

Qu’ils soient d’initiatives volontaires ou forcés, les flux migratoires en Afrique sont principalement causés par l’importance des violations des droits de l’homme subis par la population civile africaine : le franchissement des frontières ou le déplacement forcé à l’intérieur de son propre pays est souvent la conséquence de conflits armés, de la mauvaise gouvernance, d’un environnement économique et social insécurisant. Ainsi, les conflits et les violations massives des droits de l’Homme au Soudan, en RDC, en Somalie, au Tchad et au Kenya ont provoqués depuis le fin de l’année 2007 le départ forcé de plusieurs centaines de milliers de personnes.

Le chemin migratoire est également parsemé de violations graves des droits de l’Homme : les drames se multiplient aux frontières d’une Europe devenue forteresse, dans les embarcations de fortune en Méditerranée ou dans les soutes d’un avion, d’autres se heurtent aux barbelés qui entourent Ceuta et Melilla ou doivent bien souvent survivre dans des camps où les conditions de vie sont déplorables, comme en Mauritanie.

Enfin, le droit d’asile semble aujourd’hui particulièrement menacé, alors que l’accueil des personnes fuyant l’oppression est une obligation internationale, et un droit et un devoir humain élémentaire. Un nombre de plus en plus important de personnes concernées ne peuvent accéder à la détermination du statut de réfugié.

Ainsi, la FIDH a mené une mission d’enquête en Afrique du Sud sur les 500 000 migrants sans-papiers et le cadre juridique et politique appliqué à leur entrée, leur séjour ainsi que leur conditions de travail et de vie. Cette enquête, illustrée par des témoignages documentés de migrants en situation irrégulière issus de divers pays africains, met en lumière d’inquiétantes violations des droits de l’Homme perpétrés contre les migrants : abus dans le processus de demande d’asile, arrestations arbitraires ou illégales, détentions et expulsions, exploitation au travail, accès restreint aux services de santé et à l’éducation, conditions de vie précaires, et inefficience des voies de recours.

Si les violations des droits de l’Homme perpétrées contre les migrants en Afrique du Sud résultent notamment d’une politique d’immigration axée principalement sur les problèmes de sécurité et de contrôle de la population, elles illustrent aussi les sentiments de xénophobie, tant en Afrique que dans le reste du monde, à l’égard des migrants, les liant ou les rendant même responsable, des problèmes sociaux et des crimes qui frappent les sociétés contemporaines.

Afin de mettre fin et de prévenir ces violations des droits de l’Homme, la FIDH appelle les États membres de l’Union africaine (UA) non seulement à assurer le respect de la dignité et des droits des migrants mais également à renforcer leur cadre juridique nationale pour protéger les migrants contre les abus.

A cet égard, l’UA compte prochainement se doter d’une Convention sur les droits des personnes déplacées et réfugiées en Afrique dont la portée, unique en son genre, doit permettre aux États africains de bénéficier d’un instrument juridique commun et protecteur. La FIDH tient à saluer et soutenir cette initiative de l’UA et souligner le rôle significatif du Commissaire Tom Nyanduga, Rapporteur spécial de la CADHP pour les personnes déplacées et réfugiées en Afrique, dans ce processus.

La FIDH appelle donc les États membres de l’UA à soutenir eux aussi le processus d’élaboration de cet instrument et de l’adopter dans les meilleurs délais.

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