Intervention de la FIDH sur la situation des droits des femmes en Afrique

Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs les Commissaires,

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) demeure préoccupée par le fait que les femmes en Afrique continuent d’être l’objet de discriminations et de pratiques néfastes. Afin de lutter contre ce déni de droits l’Union africaine s’est dotée en juillet 2003, du Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples relatif aux droits des femmes. Ce Protocole, dont les dispositions engagent les États parties à assurer la promotion, la réalisation et la protection des droits des femmes, offre ainsi des garanties spécifiques aux droits des femmes africaines.

Néanmoins, cinq ans après l’adoption du Protocole, de nombreux obstacles demeurent quant à sa mise en oeuvre effective. Non seulement plus de la moitié des États membres de l’Union africaine ne l’ont toujours pas ratifié, mais, comme l’ont démontré les nombreuses missions d’enquête de la FIDH, parmi ceux qui l’ont ratifié, trop peu ont incorporé ses dispositions en droit interne, laissant ainsi le champ libre au maintien des lois et pratiques discriminatoires tels que les mariages forcés ou précoces, les violences conjugales, les violences sexuelles, les mutilations génitales féminines, les trafics de femmes, la prostitution forcée, les difficultés d’accès des femmes à la propriété, au travail, à l’éducation, à l’héritage ou encore à la santé.

Par ailleurs dans les conflits armés comme en République démocratique du Congo (RDC) ou au Soudan, les crimes sexuels sont utilisés comme une arme de guerre par les belligérants. Les femmes sont devenues un champs de bataille, un enjeux de guerre. Les auteurs des violences sexuelles, miliciens, insurgés, rebelles mais également des membres de l’armée et des services de sécurité, jouissent d’une impunité quasi-absolue. En RDC, du fait de cette culture de l’impunité, les violences sexuelles se sont généralisés et banalisées dans la société et ces pratiques, jusqu’à lors circonscrites aux zones de guerre, se sont répandues dans l’ensemble du pays. C’est pourquoi, la FIDH et ses organisations membres et partenaires en RDC ont organisé en novembre 2007 et avril 2008, des missions de plaidoyer, en RDC et en Europe afin que les autorités congolaises et les institutions régionales et internationales se mobilisent pour enrayer ce fléau notamment en ratifiant le Protocole sur les droits des femmes, en luttant contre l’impunité des auteurs de crimes sexuelles et en reconnaissant la justiciabilité internationale de ces crimes. La FIDH appelle la communauté régionale et internationale à mettre en place avec les autorités congolaises des instruments originaux permettant de juger les auteurs de ces crimes et permettre aux victimes de se reconstruire. Ces propositions doivent être étendues aux zones de conflits et celles qui l’ont été ces dernières années comme au Liberia ou en Côte d’Ivoire et au Soudan. Dans ce pays, le viol est aussi l’une des principales forme de violence perpétrée à l’égard des femmes et des fille et dans la région du Darfour la situation est particulièrement alarmante. De nombreux observateurs internationaux présents au Darfour ont dénoncé la généralisation des violences sexuelles perpétrées par les forces gouvernementales et les milices Janjaouid contre les populations civiles, à une large échelle et selon une pratique établie et répétée.

Madame la Présidente,

C’est forte de ce constat que la FIDH et ses organisations membres, associées à six organisations régionales de défense des droits des femmes présentes sur tout le continent, a décidé de lancer en 2008 une grande campagne africaine de promotion des droits des femmes. Cette campagne vise non seulement à ce que les États membres de l’Union africaine, ratifient les instruments régionaux et internationaux de protection des droits des femmes et réforment en conséquence leur législation nationale ; mais développent aussi des politiques actives et progressistes en faveur des femmes afin qu’elles soient pleinement intégrées à la vie politique, sociale, économique et culturelle..

À travers cette campagne, la FIDH souhaite accompagner et soutenir le travail de la Rapporteure spéciale sur les droits des femmes en Afrique et de la Direction femmes, genre et développement de l’Union africaine, chargées de veiller à la mise en oeuvre et au respect des dispositions de ce Protocole.

À cet égard, la FIDH invite les États parties à respecter et à mettre en oeuvre les principes et objectifs contenus dans la Déclaration solennelle sur l’égalité entre les hommes et les femmes en Afrique, adoptée par la conférence de l’Union africaine en juillet 2004 et aux termes de laquelle ils se sont notamment engagés à renforcer les mécanismes juridiques pour assurer la protection des femmes à tous les niveaux, à mettre fin à l’impunité des auteurs des violations des droits des femmes et à soumettre des rapports à la Direction femmes, genre et développement de l’Union africaine sur la mise en oeuvre de cette déclaration.

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