Intervention de la FIDH sur le point "Réfugiés, déplacés"

Madame la présidente,
Mesdames et messieurs les Commissaires,
Honorables représentants des États

Au préalable de son 36ème Congrès qui s’est tenu à Lisbonne en avril 2007, la FIDH a organisé un Forum sur le thème « Migrations et droits de l’Homme » auquel ont participé de nombreux experts issus d’organismes onusiens et humanitaires et des représentants de la société civile. La FIDH souhaite vivement remercier le Commissaire Nyanduga, Rapporteur spécial sur les réfugiés et déplacés, pour sa présence à cet événement et ses pertinentes interventions portant sur les questions migratoires en Afrique.

Ce forum a permis de mettre en lumière un certain nombre de problématiques migratoires propres au continent africain. Les migrations africaines sont quantitativement très importantes tant en terme de ratio par rapport à la population du continent qu’en chiffres bruts rapportés à une échelle mondiale. Sur les quelques 200 millions de migrants estimés en 2006 au plan international, environ un tiers serait d’origine africaine. En outre, l’Afrique représente à elle seule un tiers des réfugiés et la moitié des déplacés internes de la planète.

Ces migrations sont avant tout des migrations internes. Ainsi, la moitié des migrants africains vivent dans un autre pays du continent et les neuf dixième des exilés africains trouvent refuge dans un pays limitrophe de leur pays d’origine. Ce sont donc principalement d’autres pays africains qui subissent le choc des fortes pressions migratoires liées aux conflits et aux catastrophes naturelles qui surviennent sur le continent, et qui accueillent une part importante des travailleurs migrants. Par ailleurs, près d’un migrant sur deux (47%) en Afrique est une femme ; les femmes et les enfants constituent également 70% des réfugiés et déplacés internes du continent.

Qu’ils soient d’initiatives volontaires ou forcés, les flux migratoires en Afrique sont principalement causés par l’importance des violations des droits de l’homme subis par la population civile africaine : le franchissement des frontières ou le déplacement forcé à l’intérieur de son propre pays est souvent la conséquence de conflits armés, de la mal gouvernance, d’un environnement économique et social insécure.

Le chemin migratoire est également parsemé de violations graves des droits de l’homme : inutile à ce propos de rappeler les drames qui se multiplient aux frontières d’une Europe devenue forteresse : de nombreux migrants meurent dans des embarcations de fortune en Méditerranée ou dans les soutes d’un avion ; d’autres se heurtent aux barbelés qui entourent Ceuta et Melilla. Les migrants financent souvent leurs départ grâce aux économies de tout un réseau social ou en s’endettant, ils parcourent plusieurs pays, exercent des emplois de fortune le long du chemin, doivent payer des passeurs et échapper à la police... De nombreuses femmes migrantes sont victimes de violences, d’abus sexuels, de trafic d’êtres humains.

La fin du parcours migratoire est aussi souvent émaillée des plus graves violations des droits de l’homme. Ainsi, les réfugiés ou personnes déplacées peuvent être souvent victimes d’agressions, de meurtres, de viols, et de pillages. Ils doivent bien souvent survivre dans des camps où les conditions de vie sont déplorables, faute de moyens et de possibilité d’acheminer l’aide internationale.
Par ailleurs, les conditions de vie des femmes migrantes dans le pays d’accueil peuvent les exposer à des risques plus grands : abus sexuels et prostitution...

D’importants problème d’accès aux soins se posent aussi aux migrants : ceux ayant contracté le VIH/sida sont plus souvent affectés par les maladies opportunes, d’autant plus graves qu’ils ont en général un accès plus limité que les nationaux aux structures de soin et aux médicaments.

Egalement, on a assisté au cours de la dernière décennie à une montée de la xénophobie et des nationalismes, souvent accompagnée de flambées de violence ou de graves discriminations, dans plusieurs pays africains qui accueillaient un grand nombre de migrants. L’adoption par les gouvernements de politiques centrées sur des régimes juridiques et des statuts administratifs de plus en plus contraignants accentue ces phénomènes de rejet.
Enfin, le droit d’asile semble aujourd’hui particulièrement menacé, alors que l’accueil des personnes fuyant l’oppression est une obligation internationale, et un droit et un devoir humain élémentaire. Un nombre de plus en plus important de personnes concernées ne peuvent accéder à la détermination du statut de réfugié du

Madame la présidente,

Face à ces constatations, le Forum des ONG, sur initiative de la FIDH, vous propose un projet de résolution qu’il souhaite voir endosser par la Commission. Cette résolution recommande notamment

Aux Etats Parties à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples

1. de reconnaître effectivement la primauté des droits de l’Homme de tous les migrants et des réfugiés sur toute politique migratoire, à savoir que les politiques migratoires doivent être fondées sur le respect des normes universelles des droits de l’Homme et des conventions relatives aux droits des migrants -qu’ils soient « réguliers » ou « irréguliers »- et des réfugiés.

2. de ratifier et transposer en droit interne les principaux textes internationaux et régionaux relatifs aux migrants et aux réfugiés, à savoir la Convention de Genève sur les Réfugiés et la Convention des Nations unies sur la protection des travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique,

3. de ratifier et de mettre en oeuvre le Protocole à la Charte africaine relatif aux droits des femmes ainsi que la Convention des Nations unies pour l’élimination de la discrimination faite aux femmes et le protocole additionnel y afférant permettant les recours individuels, de manière à accroître la condition des femmes migrantes ;

4. s’agissant particulièrement du droit d’asile, de respecter strictement le principe de droit international coutumier de non-refoulement, d’assouplir les exigences légales pour entrer sur un territoire afin de prendre en considération les nécessités de l’asile, d’assouplir à cet égard la responsabilisation des transporteurs, de révoquer la notion de « pays tiers sûrs », d’accroître les moyens institutionnels de gestion et de traitement individualisé des demandes d’asile, de respecter le droit d’appel d’une décision de refus d’octroi d’asile, ainsi que d’accroître les dispositifs humanitaires d’accueil des populations réfugiées.

5. de reconnaître les crimes de guerre sexo-spécifiques, les violences traditionnelles et les violences domestiques faites aux femmes comme motifs pouvant justifier l’octroi de l’asile.

Aux instances de l’Union africaine

1. de présenter un Protocole à la Charte africaine sur les réfugiés, les rapatriés et les personnes déplacées à l’occasion du Sommet spécial de l’UA sur migration et droits de l’homme prévu en 2008 ;

2. d’intégrer la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples ainsi que les représentants de la société civile dans le processus d’élaboration du Procotole ;

A la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples

1. de garantir au Rapporteur spécial de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples les moyens nécessaires au bon accomplissement de son mandat, notamment, recevoir des informations, mener des études et des enquêtes, engager le dialogue avec les Etats et les sensibiliser à la mise en oeuvre des conventions de l’ONU et de l’UA pertinentes et à élaborer des rapports et recommandations à la Commission ;

2. de garantir que la question des migrations et des droits de l’homme soit un point permanent d’examen des rapports périodiques présentés par les Etats partis devant la Commission.

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