La CADHP adopte une résolution sur le droit de manifestation pacifique Les États africains doivent pleinement mettre en œuvre ses dispositions

Nairobi, Paris, 28 Mai 2014 – La FIDH se félicite de l’adoption, par la Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples (CADHP), d’une Résolution sur le Droit de Manifestation Pacifique. Dans un contexte où, dans plusieurs pays à travers l’Afrique, les manifestants pacifiques ont été la cible d’une répression violente et d’entraves répétées à leurs droits fondamentaux, la FIDH appelle les États africains à pleinement mettre en œuvre les dispositions de cette Résolution et à se conformer à leurs obligations régionales et internationales en matière de droit de manifestation.

La Résolution de la CADHP est tout à fait pertinente. Depuis plusieurs mois, à travers le continent, les droits de milliers de manifestants pacifiques ont été purement et simplement bafoués. Face aux protestations sociales, économiques et politiques, plusieurs États ont répondu par l’usage excessif et disproportionné de la force. Nous en avons été témoins en Égypte, au Soudan, en Angola. Dans ces pays, le dialogue et la justice doivent désormais prévaloir sur la violence et l’impunité a déclaré Karim Lahidji, Président de la FIDH.

Dans sa Résolution 281, la CADHP condamne « les assassinats de manifestants pacifiques » et se dit préoccupée par « le recours excessif à la force, aux balles réelles et aux gaz lacrymogènes pour disperser des manifestants pacifiques » ; par « les arrestations massives et arbitraires et la détention continue de plusieurs personnes à la suite de manifestations pacifiques » ainsi que par « le niveau de plus en plus important des violences sexuelles exercées contre les manifestantes, notamment les cas de viol et d’agression sexuelle ». La Commission dénonce par ailleurs « les graves restrictions imposées par certains États aux droits et libertés fondamentaux, tout particulièrement à la liberté d’expression ».

Cette Résolution fait écho aux préoccupations soulevées à plusieurs reprises par la FIDH, en particulier concernant les situations en Égypte, au Soudan et en Angola. En Égypte, depuis juillet 2013, des violations continues des droits humains ont été documentées, notamment les entraves généralisées aux libertés de réunion, d’expression et d’association et l’usage excessif de la force par les forces de sécurité contre les manifestants.La FIDH a documenté au moins 250 cas de femmes manifestantes agressées sexuellement, et dans certains cas, violées, par des individus qui continent encore aujourd’hui de jouir de la plus totale impunité. Les autorités ont également adopté des lois restrictives – y compris la Loi 107 de 2013 sur les réunions publiques, les cortèges et les manifestations pacifiques, adoptée le 24 novembre 2013 – visant à restreindre davantage le droit de manifestation pacifique et la liberté d’expression. Depuis son adoption, cette loi a été utilisée contre les défenseurs des droits humains et les militants pro-démocratie. Trois d’entre eux ont été condamnés à trois ans d’emprisonnement en décembre 2013, et 24 sont actuellement poursuivis pour leur participation à une manifestation organisée en novembre 2013 et qui visait à dénoncer la tenue de procès militaires pour les civils.

"La suspension de l’Égypte de l’Union africaine ne devrait pas l’empêcher de se conformer strictement à ses obligations en vertu de la Charte africaine. La résolution 281 doit être considérée par les autorités comme un outil supplémentaire pour s’assurer que les droits énoncés dans la Charte soient pleinement respectés. Nous attendons également que cette Résolution soit suivie par un engagement renforcé de la CADHP dans la lutte contre les violations graves des droits de l’homme qui sont perpétrées en Égypte", a déclaré Amina Bouayach, Secrétaire générale de la FIDH.

Au Soudan, aucune enquête sérieuse n’a permis de faire la lumière sur les circonstances qui ont conduit aux exécutions, en septembre 2013, par les forces de sécurité, d’au moins 170 manifestants pacifiques qui protestaient contre les augmentations annoncées des prix de l’essence et du gaz. Aucune enquête n’a par ailleurs été menée sur les allégations de détentions arbitraires massives et de mauvais traitements et actes de torture perpétrés contre les détenus ni sur les restrictions à la liberté d’expression et d’association qui ont eu cours pendant les manifestations.

« La résolution de la CADHP devrait constituer la base d’un dialogue renforcé entre les autorités soudanaises et la Commission. Face à l’impunité dont continuent de jouir les responsables de la répression sanglante des manifestations de septembre 2013, nous réitérons notre appel au déploiement d’une Commission d’enquête de la CADHP au Soudan mandatée pour enquêter sur ces violences, identifier les responsables et veiller à ce que les victimes obtiennent justice"a déclaré Sheila Muwanga Nabachwa, Vice Présidente de la FIDH.

En Angola, pays qui a accueilli la 55e session ordinaire de la CADHP, des dizaines de manifestants ont connu des vagues de répression violente depuis le début de l’année 2011. Dans ce pays, des manifestations ont été organisées pour réclamer la fin d’un système politique et économique basé sur le clientélisme, les inégalités, les injustices, la corruption et le manque de libertés. Comme détaillé dans un rapport de la FIDH sur l’Angola à paraître en juin prochain, les autorités ont cherché à neutraliser le mouvement en ayant recours à l’usage excessif et disproportionné de la force contre les manifestants, aux arrestations et détentions arbitraires, aux actes d’intimidation et de harcèlement.

« Cette résolution de la CADHP est particulièrement importante dans le contexte angolais. Lors de la récente session de la Commission, qui s’est tenue dans ce pays, nous avons été témoins des engagements formulés par les autorités angolaises de se conformer à leurs obligations en matière de droits humains. La Commission africaine a un rôle majeur à jouer pour s’assurer que ces engagements ne demeurent pas purement symboliques et que l’Angola mettre pleinement en œuvre la résolution 281 et respecte ses obligations en vertu de la Charte africaine », a déclaré Mabassa Fall, Représentant de la FIDH auprès de l’Union africaine.

La FIDH appelle les États africains à respecter leurs obligations en vertu des articles 4, 5, 6, 7 et 9 de la Charte africaine et à mettre pleinement en œuvre les recommandations contenues dans la résolution 281, en particulier ceux qui appellent les États à « s’abstenir de tout usage disproportionné de la force contre les manifestants en se conformant pleinement aux normes internationales relatives à l’utilisation de la force et des armes à feux par les forces de l’ordre » ; à « garantir le droit à un procès équitable devant des juridictions de droit commun et à mettre un terme aux arrestations et détentions arbitraires ainsi qu’au recours aux tribunaux d’exception, en particulier aux tribunaux militaires pour juger des civils » ; et à « mener des enquêtes impartiales et indépendantes à propos de toutes les violations des droits de l’homme afin de veiller à ce que tous les auteurs rendent compte de leurs actes ».

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