La CADHP prend des positions fortes contre la persistance des crimes de violences sexuelles en Afrique

Nairobi, Paris, 28 mai 2014 – La Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) vient d’adopter deux résolutions majeures condamnant la persistance des crimes de violences sexuelles sur le continent africain. La FIDH, qui mène depuis plusieurs années un plaidoyer d’envergure contre ces crimes, se félicite des prises de position de la CADHP et appelle les États membres de l’Union africaine (UA) à prendre les mesures qui s’imposent pour lutter efficacement contre ce fléau.

Dans sa Résolution 283 sur la Situation des Femmes et des Enfants dans les Conflits Armés, la CADHP dénonce la persistance, dans les situations de conflits, de diverses formes de « violence sexuelle et sexiste telle que le viol, l’esclavage sexuel, les mutilations sexuelles sur les femmes et les enfants » ; dénonce le fait que « les lois visant à protéger les femmes et les enfants de la violence sont insuffisantes, discriminatoires ou inexistantes et que les définitions juridiques des crimes sexuels et sexistes sont inappropriées, en particulier dans les situations de conflit ». La Commission se dit par ailleurs préoccupée par le fait que « les crimes de violences sexuelles sont souvent définis comme des « crimes contre la morale ou l’honneur, plutôt que contre l’intégrité physique de la victime » ; et dénonce « l’impunité dont jouissent les auteurs de crimes de violences sexuelles et sexiste ».

« Cette Résolution fait écho au constat accablant que nous avons pu faire avec nos organisations membres tant dans des pays en proie à l’instabilité comme l’Égypte ou le Mali, aux conflits armés comme la République Démocratique du Congo (RDC), la République centrafricaine ou la Libye, que dans des pays considérés comme relativement stables ou sur la voie de la transition démocratique comme la Tunisie » a déclaré Sheila Nabachwa Muwanga, Vice Présidente de la FIDH. « Dans tous ces pays, le mot d’ordre qui semble avoir été donné est celui de l’impunité des auteurs des crimes de violences sexuelles. Cet état de fait doit cesser » a-t-elle ajouté.

Dans sa Résolution 284 sur la Répression des Violences Sexuelles sur les Femmes en RDC, la CADHP dénonce « la persistance et l’ampleur des violences sexuelles et autres formes de violences basées sur le genre perpétrées par les groupes armés et des membres des forces armées de la RDC, commis [...] en particulier dans les régions de l’Est de la RDC » et dénonce « l’impunité dont continuent de jouir, les auteurs et les complices de ces crimes malgré l’existence de lois spéciales sur les violences sexuelles ». Dans son texte, la Commission a notamment pointé du doigt le verdict honteux prononcé dans l’affaire des viols commis en novembre 2012 à Minova et qui a consacré l’impunité de 36 des 39 éléments des FARDC accusés du viol d’au moins 135 femmes et jeunes filles.

« Le procès de Minova était emblématique pour toutes les victimes des crimes de violences sexuelles en RDC. Son verdict fort critiqué nous rappelle avec force qu’un engagement accru et mieux coordonné de la communauté internationale s’impose pour enrayer ce phénomène » a déclaré Dismas Kitenge, Vice Président de la FIDH, Président du Groupe Lotus. « La CADHP, qui a déjà eu à interagir avec nos autorités sur la question des violences sexuelles, doit intensifier son plaidoyer et définir une véritable stratégie, politique et juridique, de lutte contre ces violences » a-t-il ajouté.

La FIDH appelle les États membres de l’UA à mettre en œuvre les recommandations formulées par la CADHP dans sa Résolution 283, en particulier celles les appelant à « mener des enquêtes indépendantes et effectives sur tous les crimes de violences sexuelles et sexistes et [à] poursuivre et punir les auteurs en vue de mettre un terme à l’impunité » ; à « dispenser une formation adéquate sur l’investigation et la poursuite des crimes sexuels et sexistes, à l’intention du personnel dans le système de justice pénale (policiers, médecins légistes, procureurs, avocats, juges) » à ; « garantir le droit à une réparation juste et équitable aux victimes sous ses différentes formes (restitution, compensation, réhabilitation, satisfaction et garanties de la non-répétition) ».

La FIDH, qui, avec ses organisations membres en RDC, avait démontré dans un récent rapport que dans ce pays, "les victimes de crimes sexuels obtiennent rarement justice et jamais réparation", appelle les autorités congolaises à mettre en œuvre les recommandations de la Résolution 284, en particulier celles relatives à « [l’]accès effectif des femmes et des filles au service public de la justice, en vue de mettre fin à l’impunité en veillant à ce que les auteurs et complices de tels actes soient recherchés, poursuivis et traduits devant les juridictions compétentes, dans des délais raisonnables » ; à la garantie d’une « meilleure protection et sécurité des femmes congolaises ; et spécialement les victimes des violences sexuelles et autres violences basées sur le genre à travers une prise en charge médicale et psychologique ainsi qu’une indemnisation appropriée » et à l’adoption de « toutes les mesures nécessaires pour la mise en œuvre effective des lois n° 06/18 et 06/19 de 2006 qui criminalisent diverses formes de violences sexuelles ».

La FIDH appelle enfin l’Union africaine et ses mécanismes de protection des droits humains à renforcer et à coordonner leur action en faveur de la lutte contre les crimes de violences sexuelles en Afrique. « La persistance des crimes et violences sexuelles sur notre continent exige que l’UA intensifie ses actions pour que les États adoptent des législations non discriminatoires, des mesures de répression contre les auteurs, des réparations effectives pour les victimes, ou encore que la sensibilisation et la formation des agents de l’État soit renforcée. La CADHP a un rôle majeur à jouer dans ce processus » a déclaré Mabassa Fall, Représentant de la FIDH auprès de l’Union africaine.

Lire l’intervention orale de la FIDH sur la situation des droits des femmes en Afrique prononcée lors de la 55ème Session ordinaire de la CADHP.

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