Session à enjeux majeurs pour la protection des droits de l’Homme

26/01/2005
Communiqué

Paris, le 26 janvier 2005 - Le sort de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples, le cadre de la lutte antiterroriste en Afrique et les situations d’urgence en Côte d’Ivoire et au Darfour seront au centre des débats de la 4ème session de l’Assemblée de l’Union africaine (UA) prévue les 30 et 31 janvier 2005, à Abuja (Nigeria), précédée par la 6ème session du Conseil exécutif. La FIDH fait part de ses préoccupations.

Sur la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples

La FIDH se félicitait le 25 janvier 2004 de l’entrée en vigueur du Protocole portant création de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP). L’espoir suscité par la création d’un organe juridictionnel, indépendant, devant lequel des victimes peuvent recourir pour sanctionner l’inapplication par les Etats des dispositions régionales et internationales de protection des droits de l’Homme a pourtant vite été déçu : lors du 3ème sommet de l’UA, en juillet 2004, les chefs d’Etat africains ont décidé d’intégrer la CADHP au sein de la Cour africaine de Justice. Un protocole relatif à la fusion des deux cours doit être discuté à cette session de l’Assemblée.

Si la décision d’intégration devait être confirmée, elle serait préjudiciable à la mise en place rapide de la CADHP, celle-ci devenant tributaire de l’entrée en vigueur du Protocole de la Cour de justice qui n’a reçu à ce jour que 5 ratifications sur les 15 nécessaires. En outre, la FIDH considère que la fusion porterait atteinte aux intérêts des victimes et aux objectifs de la création de la CADHP. En effet, cette décision ne prend pas en compte les différences fondamentales entre les deux cours, notamment :

. leurs mandats sont distincts : la CADHP a compétence pour traiter des violations de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples et autres conventions de protection des droits de l’Homme tandis que la Cour africaine de Justice juge l’application de l’Acte fondamental de l’Union africaine et la conformité à son égard de tous les actes issus des organes de l’Union

. Et, contrairement aux modes de saisine de la CADHP, ceux de la Cour de Justice ne permettent pas aux victimes de violations des droits de l’Homme et aux ONG d’agir directement auprès de la Cour.

La FIDH s’oppose à la fusion des deux cours. La FIDH considère néanmoins que, pour des raisons de rationalité économique, les deux cours, indépendantes l’une de l’autre, peuvent partager le même siège et profiter des même facilités administratives et matérielles. En tout état de cause, la CADHP doit être immédiatement établie, son Protocole lui donnant compétence pour connaître des violations des droits de l’Homme commises depuis janvier 2004.

Sur la lutte antiterroriste

Les chefs d’Etat africains doivent également approuver au cours de cette session le rapport de la réunion inter-gouvernementale de haut niveau de l’UA sur le terrorisme en Afrique organisée en octobre 2004 à Alger. A cette occasion, les Etats se sont engagés à ratifier et appliquer la Convention africaine sur le terrorisme et son Protocole additionnel et mettaient en place un Centre africain d’étude et de recherche sur le terrorisme. Mais aucune mention n’a été faite dans les déclarations finales de la réunion sur le nécessaire respect des droits de l’Homme dans la lutte antiterroriste sur le continent.

La FIDH demande à l’UA d’intégrer cette dimension au document final de la 4ème session de l’Assemblée. La FIDH rappelle en effet que pour lutter contre le terrorisme certains pays comme l’Egypte et la Tunisie applique des législations d’exception contraires au principe fondamental de légalité. D’autres législations nationales, notamment en Tunisie, au Rwanda, au Zimbabwe, en Mauritanie, au Soudan, au Kenya, en Tanzanie, etc., légitiment des pratiques contraires aux droits de l’Homme .

La FIDH rappelle que la lutte contre le terrorisme, légitime et nécessaire dans un Etat de droit, ne peut se faire au mépris des normes internationales de protection des droits de l’Homme sous peine de nourrir le terreau déjà fertile des entreprises terroristes. Il faut répondre à l’arbitraire par la légalité et primer le droit sur la violence.

L’UA doit montrer l’exemple et rappeler aux Etats membres leurs obligations en vertu de l’article 22 de la Convention africaine sur le terrorisme qui stipule que rien dans « cette Convention ne doit être interprétée comme pouvant déroger avec les principes généraux du droit international, en particulier des principes du droit international humanitaire et de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples ».

Sur le Darfour et la Côte d’Ivoire

L’UA n’a pas ménagé ses efforts pour tenter de mettre un terme à la situation dramatique des droits de l’Homme au Darfour. Mais son intervention, tant politique que militaire, n’a pas permis l’application du cessez-le-feu signé entre les parties en avril 2004 ni l’arrêt des crimes internationaux commis, notamment contre les civils, dans la région occidentale du Soudan.

 La FIDH demande à l’UA d’augmenter le contingent de l’AMIS (Mission de l’UA au Soudan) et d’étendre son mandat à la protection effective de la population. La FIDH demande également à l’UA d’intégrer la lutte contre l’impunité aux négociations de paix, base essentielle d’un règlement durable du conflit, en demandant notamment au Conseil de sécurité des Nations unies de porter la situation du Darfour devant le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI).

 Sur la Côte d’Ivoire, la FIDH s’est félicitée que le Conseil de paix et de sécurité de l’UA réuni en sa 23ème session à Libreville (Gabon) le 10 janvier 2005, inscrive la justice au cœur de ses préoccupations en soulignant « l’impératif de la lutte contre l’impunité et la nécessité de traduire en justice tous les auteurs des violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire et tous ceux qui incitent à la haine et à la violence. » La FIDH demande à l’UA d’interpeller le Procureur de la CPI pour qu’il ouvre une enquête sur la situation en Côte d’Ivoire, ce dernier y étant autorisé par les autorités nationales dès avril 2003.

 Concernant la mise en œuvre du calendrier politique dans l’objectif d’organiser des élections démocratiques cette année, la FIDH soutien la mission de médiation de Thabo Mbeki et demande l’application pleine et entière des accords de Marcoussis et de la résolution 1573 du Conseil de sécurité.

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