"Le NEPAD et le MAEP à l’épreuve des droits de l’Homme"

Depuis son lancement le 23 octobre 2001, le Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD), conçu comme une promesse faite par les chefs d’Etats africains d’éradiquer la pauvreté, et placer leurs pays sur la voie d’une croissance et d’un développement durable, a acquis reconnaissance et légitimité.

Le NEPAD est en effet devenu un programme de l’Union africaine, participant ainsi au fantastique défi institutionnel de la mise en place de cette organisation ; il a été validé par l’Assemblée générale des Nations unies comme le programme prioritaire de développement du continent africain ; il a enfin séduit les bailleurs internationaux et notamment les pays du G8.

La FIDH a elle aussi accueilli positivement cette volonté de chefs d’Etat africains de prendre en main le développement de leur continent dans un cadre démocratique et a vu dans le NEPAD un enjeu majeur pour les droits humains.

En effet, pratiquement tout dans le NEPAD relève des droits de l’Homme, qu’il s’agisse des questions de démocratie et de bonne gouvernance, de santé, d’éducation, d’alimentation, de renforcement de l’Etat de droit.

Un double constat s’impose :

 il est exact de dire que le NEPAD est formellement ancré dans les droits de l’Homme puisque ses textes de référence - et notamment la Déclaration sur la démocratie, la gouvernance politique, économique et des entreprises - contiennent de nombreuses dispositions sur les droits de l’Homme, et réaffirment « l’engagement total et constant des chefs d’Etats africains envers la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples (...) la Charte des Nations unies, la Déclaration universelle des droits de l’Homme et toutes les conventions y relatives ».

 il est exact de dire que les craintes existent de voir cet ancrage purement formel.

Il est par exemple préoccupant de constater qu’en l’état d’avancement du projet, les programmes envisagés ne font guère que reprendre les principes des politiques prônées par les institutions de Bretton-Woods, tant décriées par nombre de chefs d’Etat africains et dont l’impact désastreux sur les droits humains est maintenant largement reconnu.

Il est également inquiétant de voir que le NEPAD semble privilégier une vision des droits de l’Homme plus orientée vers les droits civils et politiques, dont le respect viserait avant tout à rassurer les investisseurs - notamment privés - dont le NEPAD dépend pour trouver les ressources nécessaires à sa mise en oeuvre.

Il est particulièrement inquiétant de voir que les questions de santé, d’éducation ou plus généralement de développement ne sont pas abordées sous l’angle de droits dont l’individu ou la collectivité serait titulaire et l’Etat le garant.

Pour que cet ancrage dans les droits de l’Homme ne reste pas lettre morte, les pays développés devront eux aussi assumer leur responsabilité dans la faillite du continent africain et respecter leurs obligations internationales, notamment en matière d’aide publique au développement, de réduction ou d’annulation de la dette et d’accès aux marchés.

Quant au Mécanisme d’évaluation par les pairs (MAEP), qui regroupe aujourd’hui 24 Etats, la FIDH y voit un outil qui peut potentiellement servir à renforcer l’ensemble des droits fondamentaux en Afrique mais qui peut tout autant se révéler être une coquille vide, caution politique à des régimes peu défendables, s’il n’a pas les mains libres pour mener à bien sa mission.

Il importe que le MAEP complète et renforce les mécanismes existants en matière de droits de l’Homme, comme la Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples.

Si la FIDH comprend la philosophie de ce mécanisme, qui n’est pas de sanctionner mais d’accompagner une amélioration progressive des droits et libertés par la coopération et le dialogue, elle espère néanmoins que les premiers rapports seront sans concession sur le constat de la situation des droits de l’Homme et sur la nécessité d’engagements immédiats pour y remédier. D’où l’importance de l’appropriation du MAEP par la société civile et les ONG de défense des droits de l’Homme en particulier.

Afin de relever ces nombreux défis, ce guide entend apporter une contribution utile pour que le NEPAD ne soit plus qu’une "vision," mais une réalité, dans le plein respect des droits des populations africaines.

Préface rédigée par Sidiki Kaba, président de la FIDH

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