La Convention de l’Union Africaine sur les déplacés internes : une opportunité unique de renforcer la protection des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays en Afrique

14/10/2009
Communiqué

Cette Convention deviendrait le premier instrument juridique international de la sorte et enverrait un signal au reste du monde sur l’importance que l’Afrique – qui héberge environ la moitié des déplacés internes – accorde à cette question [1].

Au cours des trois dernières années, le texte de la Convention a évolué par le biais d’échanges au sein d’un groupe d’experts et, plus récemment, avec les ministres des Affaires Etrangères des pays membres de l’Union Africaine (UA). Un certain nombre d’organisations non-gouvernementales (ONG) africaines et internationales ont suivi ce processus avec attention et manifesté à la fois publiquement et directement leurs inquiétudes aux rédacteurs de la version finale de l’avant-projet [2].

La Convention étant dans la phase finale de son adoption, onze ONGs mettent en avant un ordre du jour centré sur la mise en pratique de la Convention – les étapes que les Etats membres de l’Union Africaine doivent entreprendre pour la faire passer d’un simple texte juridique à un instrument efficace permettant l’amélioration concrète de la sécurité et du bien-être des déplacés internes.

Etape 1 : Ratification de la Convention
Avant toute chose, les Etats Membres de l’Union Africaine (UA) doivent rapidement ratifier la Convention qui n’entrera en vigueur que si 15 Etats le font. L’élan dont bénéficie le processus à l’heure actuelle s’atténuera si les Etats s’avèrent trop lents à signer et ratifier la Convention.

Etape 2 : Préparation du terrain pour la mise en œuvre de la Convention
Selon les termes de la Convention et suivant sa ratification, les Parties se doivent de :

 adopter une législation permettant sa mise en œuvre
 former un organe chargé de coordonner les activités visant à protéger et assister les déplacés internes
 fournir les ressources nécessaires à la mise en œuvre de ces activités

Les gouvernements nationaux doivent créer un cadre institutionnel et légal substantiel afin de permettre la mise en œuvre de la Convention. A minima, les législations nationales ne doivent pas affaiblir ou contredire la Convention. Au contraire, elles peuvent (et sont encouragées à) prendre les devants pour renforcer la protection des déplacés internes en se conformant strictement à la Convention lorsque ses termes sont forts, mais à aller au-delà lorsque ses recommandations sont plus faibles.

En développant de telles législations et de telles structures, plusieurs pays africains ont pris les devants : certains – dont l’Ouganda, un pays qui abrite l’une des plus fortes proportions de déplacés internes – disposent déjà d’une loi ou de politiques prenant en compte les déplacés internes. De plus, depuis son entrée en vigueur en juin 2008, onze Etats Membres de l’Union Africaine sont déjà parties prenantes du Pacte sur la Sécurité, la Stabilité et le Développement dans la région des Grands Lacs, ainsi que de ses protocoles associés, le Protocole sur la protection et l’Assistance aux déplacés internes et le Protocole sur les droits de propriétés des populations revenant dans leur lieu d’origineiii. Ces Etats, qui disposent d’une forme ou d’une autre de cadres juridique et institutionnels traitant des déplacés internes servent de tests pour le reste de l’Afrique dans la mesure où l’adoption de la Convention aboutirait à l’instauration d’un cadre légal identique. La Commission de l‘UA doit favoriser un processus au sein duquel les Etats peuvent partager les expériences acquises lors de la mise en œuvre de leurs politiques en faveur des déplacés internes.

Etape 3 : Allocation des ressources nécessaires à la bonne mise en œuvre de la Convention
La mise en pratique de la Convention requière que les Etats signataires soient : préparés et correctement équipés afin de prévenir les déplacements de population, puissent répondre aux situations de déplacements en fournissant protection et assistance et en permettant le retour, l’installation et la réintégration des personnes déplacées internes.

A chaque étape de leur réponse aux situations de déplacements internes, les Etats doivent s’assurer du financement adéquat des toutes les agences concernées. Lorsque les Etats ne sont pas en mesure – ou ne souhaitent pas – protéger et assister les déplacés internes, ils doivent permettrent à d’autres – organisations internationales (UA ou UN) ou non-gouvernementales - de le faire à leur place.

La mise en œuvre de la Convention doit s’effectuer conformément à un certain nombre de principes :
 Protection et assistance doivent être fournies sans discriminations aucune
 Les programmes doivent prendre en compte les besoins et les faiblesses spécifiques de certaines catégories de déplacés internes, de telle sorte que les effets promis de la Convention s’appliquent à tous
 La participation et le consentement des déplacés internes à toute prise de décision les concernant doivent être recherchés à toutes les étapes du déplacement, y compris lors de l’apport de protection et d’assistance, la préparation et la gestion de leur retour, réinstallation et réintégration. Les gouvernements doivent s’assurer que des représentants des personnes déplacées internes –hommes et femmes – sont consultés.

Etape 4 : Un système efficace et transparent de suivi de la mise en œuvre de la Convention
De systèmes efficaces de suivi servent à éclairer des tentatives inadéquates de mise en œuvre dans la perspective d’assurer une meilleure conformité avec les termes de la Convention. De manière plus positive, le suivi de la mise en œuvre permets le partage de l’expérience et des bonnes pratiques entre les Etats membres.

Les Etats doivent établir des systèmes permettant une revue régulière de leur performance au regard de la Convention et rendre publiques les résultats de ces évaluations. Les Etats doivent adopter une attitude de coopération positive avec les organisations non-gouvernementales nationales et internationales chargées de fournir de l’assistance aux déplacés internes. L’établissement d’un dialogue régulier avec les ONG permets une meilleure identification des besoins des déplacés internes et le développement de bonnes pratiques quant à leur satisfaction.

La Commission de l’UA doit solliciter des nouvelles régulières de la part des Etats membres et conduire elle-même – ou déléguer la conduite – de recherche sur les effets de la Convention. Le Rapporteur Spécial sur les réfugiés, les demandeurs d’asile et les déplacés internes, membre de la Commission Africaine des droits de l’Homme et des peuples, doit garder une vue générale de la mise en œuvre de la Convention sur l’ensemble du continent africain. De même, il doit être en mesure et avoir eks ressources nécessaires pour conduire des visites de terrain régulières.

Enfin, parallèlement à la ratification de la Convention elle-même, les Etats-membres de l’UA doivent également adopter le Protocole sur le Statut de la Cour Africaine de Justice et des Droits de l’Homme : là où les Etats ont signé à la fois le Protocole et la Convention, la Cour Africaine de Justice et des Droits de l’Homme deviendra un mécanisme clé pour s’assurer de la conformité avec la Convention.

Le rôle de la communauté internationale
Les gouvernements bailleurs de fond et les agences de Nations Unies ayant un intérêt dans la prévention et la réponse aux déplacements internes doivent accentuer la quantité et améliorer la qualité du soutien fourni aux déplacés internes.

En particulier, les bailleurs de fonds gouvernementaux doivent :
 Soutenir les efforts des Etats de l’UA quant à la mise en oeuvre de la Convention, en allouant des fonds et une assistance technique aux organes créés pour coordonner la réponse étatique aux situations de déplacements internes
 Soutenir directement les programmes fournissant une assistance aux déplacés internes lorsque les Etats sont incapables ou ne souhaitent pas répondrent aux besoins des déplacés internes
 Assurer des financements contribuant à la prévention des déplacements internes en soutenant l’évaluation des risques, l’analyse des menaces potentielles et en allouant des fonds spécifiques pour éviter ou limiter les difficultés en découlant.
 Allouer des financements à des ONG africaines chargées de suivre la mise en oeuvre de la Convention et soutenir le renforcement des capacités d’ONG africaines pour prendre en charge ces fonctions
 Convaincre le HCR d’assumer le rôle de leader dans la réponse aux déplacements internes et s’assurer que l’organisation dispose des ressources nécessaires pour ce rôle.

Le HCR lui-même doit :
 Accroître le personnel de terrain et du siège dédiés à la protection des déplacés internes et améliorer sa responsabilité dans la fourniture de services et de protection pour les déplacés internes
 Remplir ses responsabilités de leader dans le secteur de la protection et conduire une évaluation critique de l’approche sectorielle choisie jusqu’à présent
 Plaider en faveur de la prévention des situation de déplacements internes, de l’obligation des gouvernements à remplir leurs obligations vis-à-vis des déplacés internes ainsi que pour l’accroissement et l’amélioration des financements les ciblant
 Plaider et fournir des opportunités pour les déplacés internes plutôt que de les "parquer" dans des camps.

Validé par :
Amnesty International
Campaign for Innocent Victims in Conflict, USA
Human Rights Watch
IDP Action, UK
Institute for Human Rights and Development in Africa, The Gambia
International Federation for Human Rights
Maryknoll Office for Global Concerns, USA
Pax Christi International
Refugees International
Resolve Uganda
Zimbabwe Exiles Forum

Lire la suite