Objet : Situation humanitaire et des droits de l’homme au Soudan
Madame, Monsieur l’Ambassadeur,
Nos organisations vous écrivent en amont de l’ouverture de la 33ème session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies afin de vous faire part de nos sérieuses préoccupations concernant les droits de l’homme et la situation humanitaire au Soudan. Bon nombre de ces abus sont détaillées dans l’annexe ci-jointe.
Nous attirons votre attention sur les exactions continues commises par le gouvernement Soudanais à l’encontre de la population civile dans le Kordofan du Sud, l’état du Nil Bleu et au Darfour, y compris les attaques illégales contre des villages et les bombardements aveugles de civils. Nous sommes également préoccupés par la répression persistante des droits civils et politiques, en particulier la répression en cours contre les manifestants et les abus contre les acteurs de la société civile indépendante et les défenseurs des droits humains. Dans un exemple récent, en mars 2016 quatre représentants de la société civile Soudanaise ont été interceptés par des agents de sécurité à l’aéroport international de Khartoum en route pour une réunion de haut niveau sur les droits de l’homme qui se tenait à Genève le 31 mars. La réunion était organisée par l’ONG internationale UPR Info, en préparation de l’Examen périodique universel (EPU) du Soudan qui a eu lieu en mai. [1]
Nous exhortons votre délégation à soutenir le développement et l’adoption d’une résolution forte et orientée vers l’action sur le Soudan, au titre du point 4 de l’ordre du jour, à la 33ème session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. La résolution devrait établir un mandat de Rapporteur spécial chargé de surveiller la situation des droits de l’homme, de documenter les violations persistantes et de formuler des recommandations concrètes au gouvernement Soudanais pour y mettre fin, ainsi qu’exhorter publiquement le gouvernement du Soudan à mettre en oeuvre les recommandations qui lui ont été adressées lors de son Examen périodique universel en 2016. [2]
Cinq ans après leur déclenchement, les conflits entre le Soudan et l’opposition armée dans le Kordofan du Sud et le Nil Bleu continuent d’avoir un impact dévastateur sur les civils. Le cycle de négociations le plus récent entre le gouvernement du Soudan et les mouvements rebelles s’est terminé dans une impasse, en l’absence d’accord sur les modalités de la fourniture d’aide humanitaire et la cessation des hostilités. [3]
Les forces gouvernementales Soudanaises continuent d’attaquer des villages et de bombarder des zones civiles sans distinction, ainsi que d’empêcher les groupes d’aide humanitaire d’accéder aux zones touchées. Au moins 1,7 million de personnes, soit plus de la moitié de la population des deux zones, ont été contraintes de fuir leur domicile depuis le début du conflit en 2011. [4] La National Human Rights Monitoring Organisation et le Sudan Consortium ont documenté vingt incidents de bombartements aériens dans le comté de Heiba au Kordofan du Sud en mai 2016, y compris un incident le 1er mai, qui ont entraîné la mort de six enfants. [5]Les forces gouvernementales et les milices alliées ont aussi été impliquées dans un nombre alarmant d’actes de violences sexuelles. En février 2015, la Human Rights and Development Organisation a rapporté le viol d’au moins 8 femmes en une semaine par les forces gouvernementales au Kordofan du Sud. [6] L’ampleur des violences sexuelles est probablement beaucoup plus élevée que les rapports l’indiquent. [7]
Au Darfour, où le conflit continue depuis 13 ans, les forces gouvernementales continuent d’attaquer les civils, en particulier dans le Jebel Marra. Plus de 80.000 civils ont été déplacées au Darfour au cours des cinq premiers mois de 2016. [8] En 2015, le Panel d’Experts des Nations Unies sur le Soudan a qualifié la stratégie du gouvernement Soudanais au Darfour de « punition collective » ainsi que de « déplacement induit ou forcé » des communautés dont les groupes armés d’opposition sont suspectés d’émaner. [9] La mission conjointe des Nations Unies et de l’Union Africaine au Darfour, la MINUAD, a été largement incapable d’accéder aux zones les plus affectées par le conflit, du fait de restrictions imposées par le gouvernement. [10]
Les forces gouvernementales continuent d’utiliser une force excessive pour disperser les manifestations, entraînant décès et blessures, et aucun des responsables de la mort de plus de 170 manifestants tuées lors de la répression violente des manifestations de septembre et octobre 2013 n’a fait l’objet de poursuites.
À travers le Soudan, les responsables de la sécurité nationale et d’autres forces de sécurité ont arrêté et détenu arbitrairement des membres du parti d’opposition, des défenseurs des droits de l’homme, des étudiants, ainsi que des militants politiques. Au cours de sa seconde mission au Soudan en avril 2016, l’Expert Indépendant de l’ONU a noté avoir reçu des rapports de détention prolongée, sans accès à un avocat ou à leur famille. [11]
Les autorités Soudanaises répriment aussi de manière régulière les droits fondamentaux des femmes, y compris par des dispositions d’ordre public pénalisant le port de « vêtements indécents » tels que des pantalons. Les autorités ont utilisé ces provisions ainsi que d’autres lois répressives pour cibler les femmes activistes et les défenseurs des droits de l’homme, à travers diverses formes de harcèlement, y compris les violences sexuelles. [12] Les autorités empêchent les organisations de la société civile de fonctionner librement, y compris celles qui se battent pour les droits des femmes.
Compte tenu de la situation au Soudan, le Conseil des droits de l’homme doit agir avec plus de résolution en réponse aux violations sérieuses et généralisées des droits de l’homme et du droit humanitaire. Nous recommandons avec insistance que votre délégation s’assure que le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies adopte au cours de sa 33ème session une résolution dans le cadre du point 4 de l’ordre du jour afin de :
- Renforcer et étendre le mandat de procédure spéciale pour le Soudan en le plaçant sous la responsabilité d’un Rapporteur Spécial sur la situation des droits de l’homme au Soudan sous le point 4 de l’ordre du jour avec un mandat qui l’autorise à surveiller les violations des droits de l’homme et du droit international dans toutes les régions du Soudan ainsi qu’à les rapporter de manière publique et périodique ;
- Demander au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Droits de l’Homme d’envoyer dès que possible des équipes d’enquêteurs sur place, avec des spécialistes sur les questions des violences sexuelles et contre les femmes, afin de rapporter sur les crimes sanctionnés par le droit international ainsi que sur les graves actes de violence et violations des droits de l’homme commis au Darfour, dans le Kordofan du Sud, ainsi que dans l’état du Nil Bleu, avec l’objectif d’identifier les responsables, et d’émettre des recommandations en vue de les tenir responsables de leurs actes, et de faire rapport au Conseil des droits de l’homme à sa 35ème session ;
- Cinq ans après le déclenchement des conflits en Kordofan du Sud et dans l’état du Nil Bleu, condamner dans les termes les plus sévères les violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international qui y prennent place, et qui incluent le bombardement continu et aveugle de zones civiles, l’usage de bombes à fragmentation, ainsi que d’autres attaques à l’encontre de la population civile par les forces gouvernementales et les milices qui leur sont alliées, sans compter l’obstruction de l’aide humanitaire ;
- Condamner de la même manière les attaques contre les populations et biens civils au Darfour, en particulier les pratiques de pillage, la destruction de biens civils, les assassinats et violences sexuelles perpétrés par les forces paramilitaires et autres forces gouvernementales Soudanaises, et qui résultent en un déplacement forcé de populations civiles ;
- Recommander avec insistance auprès du gouvernement Soudanais un accès sans entrave à toutes les régions du Darfour, du Kordofan du Sud et de l’état du Nil Bleu pour les casques bleus de l’opération MINUAD, les agences d’aide humanitaires ainsi que les ONG ;
- Exhorter le gouvernement du Soudan de fournir une mise à jour au Conseil sur les mesures concrètes prises pour mettre en œuvre les recommandations qui lui ont été adressées lors de son Examen périodique universel, ainsi que les recommandations formulées par l’Expert indépendant suite à sa visite en avril 2016 ;
- Appeler le gouvernement à s’attaquer à l’impunité continue des forces de sécurité pour le meurtre de plus de 170 manifestants à Khartoum en septembre et octobre 2013, ainsi que pour des évènements plus récents, tels que la mort d’étudiants tués par balle lors de manifestations en avril 2016 ;
- Condamner la censure continue imposée aux médias, défenseurs des droits de l’homme et opposants politiques, ainsi que les restrictions à la liberté d’association et au rassemblement pacifique, mais aussi réprouver l’usage de la détention arbitraire et de la torture ;
- Appeler à la remise en liberté des individus détenus arbitrairement par l’agence de sécurité officielle National Intelligence and Security Services (NISS), tout en recommandant avec insistance au gouvernement Soudanais qu’il abroge la loi répressive sur la sécurité nationale (National Security Act) votée en 2010, ainsi que les autres dispositions législatives accordant des immunités juridiques aux agents de l’état, les protégeant contre toutes poursuites pénales.
Nous vous remercions de l’intérêt que vous porterez à ces préoccupations et vous prions de croire, Madame, Monsieur l’Ambassadeur, en l’assurance de notre respectueuse considération.
Organisations
Act for Sudan
Alkarama Foundation
Al Khatim Adlan Centre for Enlightenment and Human Development (KACE)
African Centre for Justice and Peace Studies
Amnesty International
Cairo Institute for Human Rights Studies
Christian Solidarity Worldwide
CIVICUS World Alliance for Citizen Participation
Darfur Bar Association
Darfur Relief and Documentation Centre
DefendDefenders
Enough Project
Face Past for Future
Human Rights and Development Organisation
Human Rights Watch
International Commission of Jurists
International Federation for Human Rights (FIDH)
International Refugee Rights Initiative
Journalists for Human Rights – Sudan
National Human Rights Monitoring Organisation
Never Again Coalition
People4Sudan
REDRESS Trust
Skills for Nuba Mountains
Stop Genocide Now
Sudan Consortium
Sudan Democracy First Group
Sudanese Human Rights Initiative
Sudanese Human Rights Monitor
Sudanese Rights Group (Huqooq)
Sudan Unlimited
Waging Peace
Signataires individuels
Dr. Abdel Mutaal Girshab, Human Rights Consultant.
Dr. Ahmed A. Saeed, civil society member and political activist.
Nagla Ahmed, human rights defender.
Salih Amaar, Deputy Editor in Chief of Al-Taghyeer.
Annexe : Droits de l’homme et situation humanitaire au Soudan depuis Septembre 2015
Kordofan du Sud et Nil Bleu
Le conflit entre le gouvernement du Soudan et l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS) dans le Kordofan du Sud et dans l’état du Nil Bleu, « les deux zones, » dure maintenant depuis cinq ans. Les autorités Soudanaises et les forces de l’opposition continuent d’être en désaccord sur les modalités de l’accès humanitaire à la région.
Depuis le début des combats, les forces gouvernementales Soudanaises ont attaqué indistinctement, par des forces terrestres et des bombardements aériens, des civils dans les zones tenues par les rebelles des monts Nouba du Sud Kordofan et du Nil Bleu. Ces attaques coïncident souvent avec les saisons de plantation et de récolte, ce qui provoque une insécurité alimentaire massive et des déplacements à grande échelle. L’Unité d’analyse de la sécurité alimentaire des Etats du Sud Kordofan et du Nil Bleu a indiqué que dans les zones du Warni et du Kau-Nyaro du Sud-Kordofan, contrôlées par le MPLS-N, 242 personnes dans huit villages (dont 24 enfants) ont été déclarées mortes par manque de nourriture ou suite à des maladies d’origine alimentaire au cours des six derniers mois de 2015. [13]
Alors que le gouvernement du Soudan a un droit légitime de cibler l’APLS, le droit international exige que les civils et les biens civils soient protégés en tout temps. Les attaques contre des zones civiles, y compris les hôpitaux et les écoles, violent les normes internationales et peuvent constituer des crimes de guerre.
En avril et mai 2016, l’Initiative internationale pour les droits des réfugiés et la National Human Rights Monitoring Organisation ont constaté qu’il y avait eu une augmentation significative du nombre d’enfants tués ou blessés par des bombes. Dans l’ensemble, les moniteurs ont documenté un total de 101 incidents de bombardements aériens, de tirs d’obus et des combats au sol qui ont entraîné la mort de 41 personnes (six hommes, quatre femmes et cinq enfants) et des blessures pour 53 personnes (huit hommes, sept femmes et 22 enfants). [14]
Darfour
Suite à un référendum sur le statut administratif du Darfour en avril 2016, le gouvernement du Soudan a réitéré son argument selon lequel la MINUAD n’était plus nécessaire et que le référendum marquait la conclusion du processus de paix. [15] Malgré ses allégations selon lesquelles la guerre est finie, les civils dans toute la région continuent de souffrir de l’impact des combats et des violations généralisées des droits de l’homme. Les immunités protégeant les autorités Soudanaises ont conduit à un manque de redevabilité face aux crimes commis contre des civils. En plus des attaques du gouvernement sur les zones rebelles présumées, d’autres groupes armés continuent de se battre, souvent selon des lignes ethniques, pour des terres ou des ressources.
Human Rights Watch a documenté des preuves de crimes de guerre et de potentiels crimes contre l’humanité au cours des deux campagnes des Forces de Soutien rapides (RSF) dans le sud du Darfour en 2014 et à Jebel Marra en 2015. Au cours de ces offensives, les forces ont attaqué les villages à plusieurs reprises, brûlé et pillé des maisons, et ont battu, violé et exécuté des villageois. [16]
Les civils dans le sud du Darfour, et en particulier à Jebel Marra continuent à faire face à des attaques et à des abus en 2016 par le RSF au cours des offensives "Opération été décisif". En janvier 2016, le gouvernement Soudanais a renouvelé les bombardements aériens et les attaques au sol contre les emplacements présumés des rebelles. [17] En janvier et en février 2016, les forces gouvernementales ont détruit 47 villages et tué des dizaines de civils au cours d’attaques au sol et d’attaques aériennes. [18] l a été signalé que les civils déplacés de Jebel Marra ont fui vers Kabkabeyia, Tawila et Nertiti, ou plus loin dans la région montagneuse dans les zones tenues par les rebelles où ils ne peuvent pas avoir accès à l’aide humanitaire. [19]
Les autorités continuent d’entraver la documentation de la situation. Des civils ont été arrêtés et détenus sans inculpation pour avoir entamé un dialogue avec les membres de la communauté internationale. Le 31 juillet 2016, dix personnes, dont sept personnes déplacées internes, ont été arrêtées et détenues par le Service national de renseignement et de sécurité (NISS) à Nierteti, au centre du Darfour, après avoir assisté à une réunion avec l’Envoyé spécial des États-Unis pour le Soudan et le Soudan du Sud, Donald Booth. [20]
L’utilisation excessive de la force et les meurtres extra-judiciaires
Les autorités continuent à disperser les manifestations et les forums politiques en utilisant une force excessive et des arrestations massives. En avril 2016, de violents affrontements entre des étudiants et des agents de sécurité ont continué pendant trois semaines à l’Université de Khartoum. Des dizaines d’étudiants ont été arrêtés au cours de ces manifestations, avec un nombre inconnu de personnes détenues par le NISS, soulevant de graves inquiétudes concernant la sécurité et l’état de tous les détenus.
Le 5 mai 2016, des agents du NISS ont effectué une descente dans le bureau d’un éminent avocat défenseur des droits humains, Nabil Adib, à Khartoum et arrêté un groupe d’étudiants, les membres de leurs familles et le personnel du bureau. Les étudiants recevaient des conseils juridiques pour faire appel suite à la décision de l’Université de Khartoum de les expulser ou de les suspendre après leur participation aux manifestations. [21]
Dans l’Ouest du Darfour, au moins sept personnes, dont un enfant, ont été tués lorsque les forces de sécurité ont utilisé des balles réelles sur une foule de manifestants le 10 janvier 2016 devant le bureau du Gouverneur de l’État du Darfour occidental. La foule était rassemblée pour exiger une protection après que le village voisin de Mouli ait été pillé et brûlé jusqu’à la terre. Le lendemain, trois personnes ont été tuées et sept autres ont subi des blessures par balles lorsque les forces de sécurité ont à nouveau tiré à balles réelles lors de l’enterrement des défunts. [22]
On January 31, security forces again used excessive force to disperse university students who convened to discuss the attacks on Mouli at El Geneina university. On 2 February 2016, one student, Salah al Din Gamar Ibrahim, died from a head injury following a violent raid, in which he was detained and beaten. His dead body was found outside his home and medical sources reported the cause of death was internal bleeding from a head injury caused by a sharp object. [23]
Le 31 janvier, les forces de sécurité ont à nouveau eu recours à une force excessive pour disperser les étudiants universitaires qui s’étaient réunis pour discuter des attaques perpétrées à Mouli à l’université El Geneina. Le 2 février 2016, un étudiant, Salah al Din Ibrahim Gamar, est mort d’une blessure à la tête après un raid violent, lors duquel il a été détenu et battu. Son corps a été retrouvé hors de chez lui et des sources médicales ont rapporté que la cause du décès était une hémorragie interne suite à une blessure à la tête causée par un objet tranchant. [24]L’attaque a commencé lorsque le NISS a intercepté un groupe d’étudiants marchant pacifiquement en direction de l’Union des étudiants pour soumettre une liste de candidats pro-opposition pour les élections syndicales étudiantes ce jour-là. Les agents du NISS ont tiré sur la foule en utilisant des fusils AK47 et des pistolets.
Dans les jours suivants, des étudiants ont manifesté dans les universités du pays pour protester contre la mort de M. Hassan. Le 27 avril 2016, Mohamed al-Sadiq Wayo (h), 20 ans et étudiant à l’Université Omdurman Ahlia a été tué par une blessure par balle à la poitrine. Des témoins ont rapporté que la victime a été abattue par des agents du NISS après le déroulement d’un forum politique, qui avait été organisé par l’Association étudiante des monts Nouba et au cours de laquelle les membres ont critiqué l’assassinat de M. Hassan, ainsi que la dispersion forcée des manifestations à l’Université de Khartoum le 13 avril 2016. [25]
À ce jour, il n’y a pas de redevabilité pour les manifestations anti-austérité qui ont eu lieu en 2013, lorsque les forces de sécurité Soudanaises ont tiré à balles réelles pour disperser les manifestants. Bien que nos organisations aient rapporté que plus de 170 personnes ont été tuées, pour beaucoup suite à des blessures par balles à la poitrine ou la tête, les autorités Soudanaises ont reconnu seulement 85 morts. [26] Le mandat, la composition et les conclusions de trois commissions d’enquête qui auraient été établies par les autorités pour enquêter sur les meurtres n’ont jamais été rendus publics. Sur au moins 85 plaintes pénales menées par les familles des victimes, une seule a progressé jusqu’au tribunal. La condamnation pour meurtre de l’accusé, un officier des Forces armées du Soudan, a été annulée en appel.
Les défenseurs des droits de l’homme et les groupes de droits des victimes qui appellent à la justice et à la responsabilité des meurtres des manifestants en 2013 ont été victimes d’arrestations arbitraires et de harcèlement. Le 3 février 2016, un groupe de 15 femmes a été arrêté et battu avec des matraques en bois par des membres du NISS à Khartoum pour avoir organisé une manifestation exigeant la reddition de comptes pour les meurtres des manifestants en 2013. [27]
La répression des organisations et militants de la société civile
Le NISS continue d’utiliser ses vastes pouvoirs pour détenir des militants, des membres de la société civile, des défenseurs des droits humains et des opposants politiques jusqu’à quatre mois et demi sans inculpation. Le NISS maintient régulièrement des personnes en détention sans qu’ils aient aucun contact avec l’extérieur et sans inculpation pendant des périodes prolongées, parfois au-delà de la période permise par la loi de sécurité nationale de 2010. Nos organisations ont documenté des séries de cas de torture et de mauvais traitements de détenus ainsi que d’autres formes d’intimidation et de harcèlement, comme des sommations et des appels téléphoniques menaçants, afin de menacer les personnes perçues comme des opposants politiques et les militants. [28]
Au cours des dix-huit derniers mois, TRACKS a été perquisitionné à deux reprises, le 16 avril 2015 [29] et le 29 février 2016. [30]Les agents de la sécurité nationale ont arrêté plusieurs des employés et affiliés, et les ont poursuivis sur la base de plusieurs chefs d’inculpation après chaque descente, les accusant d’un certain nombre d’infractions, y compris de crimes contre l’Etat passibles de la peine de mort. Trois des accusés ont été détenus sans inculpation pendant 86 jours par le Bureau du Procureur pour la sécurité d’Etat avant d’être transférés à la prison Al Huda où ils restent en attente de leurs procès. En outre, les charges en suspens depuis plus d’un an contre un défenseur des droits humains, Adil Bakhiet, ont été réactivées en mai 2016.
Human Rights Watch a documenté la manière dont le NISS a utilisé ses pouvoirs pour faire taire les femmes activistes des droits de l’homme en particulier, y compris via des violences sexuelles. [31] En outre, les autorités continuent de restreindre excessivement les organisations de la société civile par d’autres moyens. Les autorités ont fermé des organisations telles que le Centre Salmmah en octobre 2014, et imposé des restrictions excessives à l’enregistrement. La Confédération des organisations de la société civile Soudanaise a indiqué que lors du dernier trimestre de 2015, trois organisations continuaient de faire face à des difficultés pour le renouvellement de leurs licences ; une organisation locale s’est vue refuser son enregistrement, et une autre a été fermée de force sans raison donnée. [32] Le NISS continue à censurer non seulement les journaux indépendants et ceux qui sont affiliés aux partis politiques d’opposition, mais aussi ceux qui sont traditionnellement favorables ou affiliés au Parti du Congrès national (NCP), actuellement au pouvoir. Un certain nombre de lois soudanaises restreignent les droits à la liberté d’expression, et de réunion pacifique et d’association, y compris les dispositions du Code pénal Soudanais de 1991 et la loi sur la presse et les publications de 2009.
Les responsables du NISS ont à plusieurs reprises convoqué les journalistes et les ont menacés de poursuites, les ont arbitrairement détenus, et les ont harcelés lors de visites ou d’appels téléphoniques de la part du personnel du NISS pour leurs ordonner de ne pas publier d’article sur les sujets qu’ils considèrent comme des « lignes rouges », à savoir les sujets controversés ou critiques du NCP. [33] Par exemple, en avril 2016, les journaux ont été empêchés de publier des informations sur les arrestations d’étudiants à l’Université de Khartoum.
Les censures après impression, suivant lesquelles des tirages entiers des éditions quotidiennes sont confisqués avant la distribution du matin, continue d’être régulièrement utilisées, entraînant des pertes financières conséquentes pour les journaux.
Au cours de la deuxième semaine de mai 2016, le NISS a confisqué le quotidien indépendant Al-Jareeda cinq fois sans donner de raison officielle. [34] Les éditions imprimées du journal ont été confisqués par le NISS les 9 et 10 mai 2016. Le journal a été autorisé à publier le 11 mai 2016, avant que les éditions quotidiennes des 12 et 13 mai 2016 ne soient à nouveau confisquées.
Le 11 Avril 2016, le NISS a décroché des copies du journal Alrahil, connu comme un journal "mural" à El Fashir, qui étaient imprimées et affichées pour les lecteurs sur le mur extérieur de la maison de son rédacteur en chef depuis 1995. Son rédacteur en chef, Mme Awaif Ishag, a été arrêtée et interrogée au sujet d’un article qu’elle avait publié sur le processus référendaire au Darfour.
Peine de mort
La peine de mort, qui est exécutée par pendaison au Soudan, ne se limite pas aux crimes les plus graves. [35] Le crime d’apostasie, qui lui-même ne devrait pas constituer un crime en vertu du droit international, est passible de la peine de mort. Les accusations de crimes contre l’État, qui sont passibles de la peine de mort, ont été utilisés de plus en plus régulièrement depuis 2011 afin de punir et de faire taire les membres du parti de l’opposition et d’autres militants qui ont critiqué la politique du gouvernement. Depuis le dernier examen, le champ d’application de la peine de mort a été élargi. Le crime d’apostasie a été élargi pour inclure de nouveaux actes prohibés, et un nouveau crime sur la traite a pour sentence la peine de mort.
La liberté de culte
Les restrictions toujours croissantes sur les libertés religieuses ont été documentées depuis 2013, et ciblent particulièrement les membres des églises chrétiennes au Soudan. Dans d’autres cas, des individus ont été pris pour cibles pour avoir exprimé des vues et visions alternatives de l’islam, ou pour avoir incorporé des événements politiques en cours dans le culte.
Le 14 juillet 2016, Yousef Abdallah Abker (h), un dignitaire religieux de 55 ans, a été arrêté par des agents de la sécurité à El Geneina, la capitale du Darfour-Ouest, au sujet d’un sermon qu’il a donné début juillet. Il a été détenu sans inculpation. Yousef Abdallah Abker a été interrogé pour avoir critiqué le gouvernement et la détérioration de la sécurité au Darfour pendant le sermon Eid Ramadan qu’il a donné le 6 Juillet. Dans son sermon, Yousef Abdallah Abker a condamné le gouvernement du Soudan pour son incapacité à contrôler la situation sécuritaire au Darfour et pour avoir fermé les yeux sur les abus commis par les milices pro-gouvernementales, y compris des meurtres, des viols et des vols. M. Abdallah Abker s’est vu refuser l’accès à un avocat et à un traitement médical après son arrestation. [36]