Monsieur le Président,
Ces informations démontrent que la répression continue [1], contrairement à ce qu’affirment les autorités burundaises, selon lesquelles le pays est en paix. Les enquêtes menées par nos organisations indiquent que les principaux auteurs de ces crimes sont des membres de la police, du service national de renseignement (SNR) et des Imbonerakure, la milice de jeunes du parti au pouvoir, qui agit comme supplétif des forces de sécurité. Ces éléments agissent le plus souvent sur ordre des autorités et l’impunité de ces crimes est totale.
Nos organisations saluent la décision du Conseil des droits de l’homme des Nations unies du 30 septembre 2016 d’adopter une résolution (33/24) portant création d’une Commission d’enquête internationale. Cette Commission est chargée de mener une enquête approfondie sur les violations des droits humains commises au Burundi depuis avril 2015 et d’identifier les principaux responsables de ces crimes afin qu’ils répondent de leurs actes. Le 3 octobre, les autorités burundaises ont déclaré que cette résolution était « inapplicable au Burundi » et le 23 novembre qu’elles ne coopéreraient pas avec la commission d’enquête. La FIDH et la Ligue ITEKA appellent le gouvernement à garantir l’accès des experts de la Commission au territoire burundais afin qu’ils puissent pleinement accomplir leur mandat. Nos organisations exhortent également les autorités burundaises à reprendre la coopération avec le Bureau du Haut Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies au Burundi, suspendue depuis presque cinq mois. Les autorités devraient également soutenir les efforts du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU), de l’Union africaine (UA) et de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) en faveur d’une résolution pacifique de la crise, notamment le déploiement des observateurs de l’UA, de la composante de police mandatée par le CSNU et la reprise d’un dialogue politique inclusif avec l’opposition et la société civile indépendantes. Dans le cas où les autorités burundaises ne poseraient pas des actes concrets allant en ce sens, le Conseil des droits de l’homme devrait considérer la suspension du Burundi de ses instances.
Monsieur le Président,
Nos organisations appellent le Conseil à maintenir son attention sur la situation qui prévaut au Burundi ainsi que sa vigilance. Comme le souligne le Secrétaire général des Nations unies dans son rapport sur le Burundi du 23 février 2017 « les facteurs potentiels d’une escalade de la violence demeurent bien présents », ajoutant qu’il faut « empêcher le surgissement d’une situation qui pourrait dégénérer en violences généralisées » [2]. Le rapport de l’Enquête indépendante des Nations unies sur le Burundi paru en septembre 2016 indiquait qu’ « étant donné l’histoire du pays, le danger du crime de génocide est grand » [3].
Dans son discours du 31 décembre 2016, le président Nkurunziza a annoncé sa possible candidature à l’élection présidentielle prévue en 2020. Cette déclaration a fait écho à son discours prononcé le 19 novembre dans la commune de Rutegama, dans la province de Muramvya, dans lequel il demandait aux membres du parti au pouvoir de rester vigilants « car le combat continuait » et averti qu’il « tenait son mandat de Dieu, qui punirait quiconque s’y opposerait, Burundais ou étranger ». Une commission nationale chargée de la révision de la Constitution a été créée et pourrait proposer de supprimer la limite des mandats présidentiels. En réaction, des membres de l’opposition ont appelé à recourir à la force pour renverser le régime. Ces faits nouveaux ajoutés à la poursuite d’une répression généralisée, aux dynamiques génocidaires [4], pourraient mener à l’intensification des violences et faire dégénérer la situation en conflit ouvert menaçant de déstabiliser l’ensemble de la sous région.