URGENT – Appel pour une session spéciale du Conseil des droits de l’Homme relative à la situation des droits de l’Homme au Kenya

29/01/2008
Communiqué

Genève, Paris, Nairobi, 29 Janvier 2008

URGENT – Appel pour une session spéciale du Conseil des droits de l’Homme relative à la situation des droits de l’Homme au Kenya

La Fédération Internationale des droits de l’Homme (FIDH) et son organisation membre, la Commission Kenyanne des droits de l’Homme (KHRC) sont extrêmement préoccupés par la situation des droits de l’Homme au Kenya, qui depuis le résultat des élections, n’a cessé de se détériorer. Nous vous demandons d’intervenir conformément au mandat qui vous ait attribué en tant que membre du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, en appelant à la tenue d’une session spéciale du Conseil des Droits de l’homme.

Une déterioration continue, en dépit d’efforts de médiations

Les violences ont fait plus de 700 morts et il y a désormais plus de 250,000 déplacés internes et réfugiés. Les réfugiés Kenyans continuent de franchir les frontières des pays voisins. Un député de l’opposition a été assassiné dans des circonstances mystérieuses, entraînant une nouvelle vague de violences dans plusieurs quartiers de Nairobi.

Malgré les efforts récents de médiation de haut-niveau, les violences ont repris dans la province de la vallée du Rift, notamment à Nakuru et Naivasha, où environ 100 personnes sont mortes depuis le mardi 24 janvier, dans des affrontements politiques et ethniques. Des jeunes hommes Kalenjin and Kikuyu se battent armés de machettes, de bâtons, et de flèches. La crise s’est aggravée, passant d’une dispute électorale à un conflit plus profond, qui se fonde notamment sur des injustices historiques ainsi que sur des rivalités économiques et ethniques.

Des sources indépendantes ont également relaté des incendies et des pillages de propriétés privées, dans des logements précaires, à Eldoret, Kisimu, Kericho, Mombasa et d’autres parties du pays. L’UNICEF a indiqué que les cas de viols sont en augmentation, notamment dans les camps informels provisoires de déplacés internes. De nombreux assassinats extrajudiciaires ont également eu lieu notamment durant les manifestations organisées par le parti de l’opposition pour protester contre les irrégularités électorales.

La FIDH et KHRC qualifient la plupart de ces meurtres d’exécutions sommaires commises par les forces de police, notamment des membres de l’Unité du Service Général, contre des manifestants pacifistes en violation du droit à la vie, protégé par la section 71 de la Constitution du Kenya, l’article 6 du Pacte relatif aux droits civils et politiques et l’article 4 de la Charte Africaine des droits de l’Homme et des Peuples. En outre, la FIDH et KHRC ont dénoncé vigoureusement les irrégularités électorales qui contreviennent à de multiples instruments de droits de l’homme régionaux et internationaux1.

Selon le médiateur de l’Union Africaine, Kofi Annan, le Kenya fait face à de « graves et systématiques violations des droits de l’homme . »

Le Mardi 22 janvier, le Conseil de la Paix et de la Sécurité de l’Union Africaine a condamné « les violations massives des droits de l’homme au Kenya » et a appellé à « l’établissement d’une Commission d’enquête pour identifier les responsables des violations et les conduire devant la justice ».

Un conflit qui s’enracine dans des violations permanentes des Droits de l’Homme

Le conflit actuel au Kenya n’est pas nouveau. Selon un rapport de la FIDH publié en mai 20072, des affrontements ethniques, au soubassement politique, ont eu lieu en décembre 1992, à l’ocasion des premières élections générales multipartites. Les dirigeants du KANU ( Parti du Président Daniel Arap Moi), ont ensuite encouragé les rivalités ethniques dans de nomreuses régions de la Vallée du Rift, Nyanza et les Provinces de l’Ouest, afin de « s’assurer » que les autres communautés perçues comme soutenant l’opposition, soient expulsées de leur région. En raison du soutien apporté par l’Etat aux violences, de nombreux Kenyans ont été déplacés et une grande partie de la population a été dans l’incapacité de s’enregister sur les listes électorales ou ont été empêchés de voter par la violence et l’intimidation.

La violence s’est poursuivie implacablement dans la période post-électorale jusqu’en 1996. De 1991 à 1996, plus de 15 000 personnes sont mortes et presque 30 000 ont été déplacées dans la Vallée du Rift, Nyanza, et les Provinces de l’Ouest. Dans la course aux élections de 1997, de nouvelles violences ont surgi sur la Côte, tuant plus de 100 personnes et entraînant le déplacement de plus de 100 000 personnes, principalement des personnes favorables à l’opposition. D’autres incidents causés par des affrontements politiques ont eu lieu entre 1999 et 2005 notamment dans la Vallée du Rift, à Nyanza et dans les régions de l’Ouest du Kenya.

Les indicateurs de la crise lors des élections générales de 2007 étaient présents dés avril 2007, à Subukia, Laikoni et Mount Elgon, quand des explosions de violences ont conduit au déplacement forcé de centaines de personnes.

Ce cycle recurrent de violence a été favorisé par le fait que les responsables et les instigateurs benéficient encore d’une impunité et que les personnes déplacées internes, qui constitue la plus grande communauté en Afrique, n’ont jamais été convenablement réinstallées.

La responsbilité de protection et de prévention du Conseil des Droits de l’homme :
Nous vous demandons instamment, en tant que membre du Conseil des Droits de l’Homme, d’agir conformément à votre mandat, en demandant sans délai une session spéciale du Conseil des Droits de l’Homme. fondée sur l’article 3 et l’article 5.f, qui prévoient d’ "examiner les violations des droits de l’homme notamment lorsque celles-ci sont flagrantes et systématiques et de faire des recommandations à leur sujet , et, de "contribuer [...] à la préservationd violations des droits de l’homme et répondre rapidement pour les urgences relatives aux droits de l’homme.",

La Session spéciale devrait, inter alia,

 Aboutir à une ferme condamnation des violations graves et massives des droits de l’Homme,

 Déterminer les responsabilités et faire cesser l’impunité afin d’aboutir à une résolution à long terme des tensions au kenya,

 Demander le déploiement rapide d’une Commission d’enquête internationale, composée d’experts indépendants, qui enquêteront dans trois domaines principaux :
- Les irrégularités électorales ;
- Les graves violations des droits de l’homme qui ont eu lieu au moment des élections, en identifiant les personnes responsables, dans le but de lutter contre l’ impunité ;
- Les causes profondes des violences politiques et ethniques au Kenya, en adoptant des recommandations spécifiques pour mettre un terme aux tensions, incluant une résolution sur la situation critique des personnes déplacées internes, conformément aux principes directeurs sur les personnes déplacées.3.

Votre réaction peut aider aujourd’hui à prévenir de futures violences et contribuer à une résolution à long terme de la crise politique à laquelle le Kenya est confrontée. Merci de votre attention et de votre mobilisation.

Souhayr Belhassen
President

Dan Juma
Acting Deputy Executive Director

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