Conseil des Droits de l’Homme : les Etats devraient prendre des mesures audacieuses contre l’Égypte

09/02/2021
Communiqué
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Mécanisme de suivi et messages sans équivoque sur la grave situation des droits humains se font toujours attendre

Genève, 9 février 2021

La communauté égyptienne des droits humains fait face à une « annihilation » par le gouvernement du président Abdel Fattah al-Sissi, plus de 100 éminentes organisations de défense des droits humains du monde entier ont mis en garde aujourd’hui dans une lettre adressée aux ministres des Affaires étrangères.

Les organisations ont appelé les gouvernements à diriger et à soutenir la création d’un mécanisme de suivi et d’établissement de rapports sur la situation des droits humains en constante détérioration en Égypte lors de la prochaine 46e session ordinaire du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies, qui doit débuter le 22 février 2021. La mise en place d’un mécanisme de suivi et d’établissement de rapports constituerait une étape importante pour rehausser le profil des violations et des crimes commis, offrir des recours aux survivants et aux familles des victimes, dissuader de nouvelles exactions et établir des voies de redevabilité.

« Les gouvernements membres du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU devraient envoyer le message qui n’a que trop tardé au gouvernement égyptien que les abus sont et seront surveillés et rapportés et que les courageux Egyptiens confrontés à l’oppression chaque jour ne sont pas seuls dans leur lutte », a déclaré John Fisher, directeur de Human Rights Watch à Genève.

Dix ans après le soulèvement national égyptien de 2011 qui renversa le président Hosni Moubarak, les Égyptiens vivent sous un gouvernement répressif qui étouffe toutes les formes de dissidence et d’expression pacifique. Les dernières semaines ont montré qu’une action collective est à la fois possible et peut avoir un impact. « Ce n’est que par une action internationale soutenue et engagée que nous pourrons assurer la survie du mouvement égyptien des droits humains dans la période à venir », ont déclaré les organisations dans leur lettre.

Selon les organisations signataires de la lettre, la lutte pour les droits humains en Égypte est à un « tournant critique ». L’inaction des partenaires de l’Égypte et des États membres du Conseil des Droits de l’Homme a encouragé le gouvernement égyptien « dans ses efforts pour faire taire la dissidence et écraser la société civile indépendante ».

Les récentes arrestations et enquêtes choquantes de cadres supérieurs de l’Initiative Egyptienne pour les Droits de la Personne (EIPR), et le gel de leurs avoirs dans le cadre de procédures abusives devant le « circuit terroriste » d’un tribunal pénal constituent une « attaque odieuse et inacceptable » contre l’une des organisations de défense des droits humains les plus importantes du pays, ont déclaré ces organisations. Cela démontre la détermination du gouvernement égyptien à intensifier ses attaques soutenues, généralisées et systématiques contre les défenseurs des droits humains et l’espace civique.

Depuis l’éviction de l’ancien président Mohamed Morsi du pouvoir en juillet 2013, les autorités égyptiennes ont mené une répression de plus en plus brutale contre les défenseurs des droits humains et les droits civils et politiques plus largement. Des milliers d’Égyptiens, dont des centaines de défenseurs des droits humains, de journalistes, d’universitaires, d’artistes et de politiciens, ont été détenus arbitrairement, souvent pour des accusations criminelles abusives ou dans le cadre de procès inéquitables.

Les forces de sécurité égyptiennes les ont systématiquement soumis à des mauvais traitements et à la torture. Les experts des Nations Unies ont averti que les conditions de détention catastrophiques ont mis en danger la vie et la santé des détenus. D’autres militants pacifiques ont été disparus de force. Ce qui est arrivé à certains d’entre eux n’a jamais été révélé.

« Le peuple égyptien a déjà vécu sous des gouvernements despotiques, mais les niveaux actuels de répression en Égypte sont sans précédent dans son histoire moderne », a déclaré Bahey El-din Hassan, directeur de l’Institut du Caire pour l’étude des droits de l’homme. « Les conséquences sont potentiellement terribles pour les droits humains et la stabilité régionale. » En août l’année dernière, M. Hassan a été condamné à 15 ans de prison, par contumace, par une cour spécialisée sur les cas de terrorisme en Égypte, pour son travail de défense des droits humains.

Dans un environnement aussi sévèrement répressif, de nombreuses organisations de défense des droits humains ont été contraintes de fermer, de réduire leurs opérations, d’opérer depuis l’extérieur du pays ou de travailler sous le risque constant d’arrestations et de harcèlement.

Le gouvernement invoque généralement le « contre-terrorisme » pour justifier ces abus et pour criminaliser la liberté d’association et d’expression. Les experts de l’ONU ont mis en garde contre l’utilisation par l’Égypte des « circuits terroristes » des tribunaux pénaux pour cibler les défenseurs des droits humains, faire taire la dissidence et enfermer les militants pendant la pandémie du COVID-19.

Face à ces avertissements répétés, le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies a la responsabilité d’agir et d’assurer l’établissement de rapports robustes et une surveillance internationale sur la détérioration de la situation des droits humains en Égypte, ont déclaré les organisations.

« La survie du mouvement des droits humains assiégé en Égypte est en jeu », a déclaré Kevin Whelan, représentant d’Amnesty International auprès de l’ONU à Genève. « Les membres de la communauté internationale ont la responsabilité de soutenir les efforts visant à mettre en place un mécanisme de suivi et d’établissement de rapports au Conseil des Droits de l’Homme sur la situation en Égypte, et de signaler que le mépris de l’Égypte pour les droits humains ne sera plus ignoré ou toléré. »

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