Recommandations au Gouvernement du Maroc à l’occasion de la 1ère session de l’Examen périodique universel

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme et ses organisations membres et partenaires au Maroc, l’Organisation marocaine pour les droits humains (OMDH) et l’Association marocaine pour les droits humains (AMDH) souhaitent attirer votre attention sur les recommandations suivantes.

Nos organisations considèrent comme un pré-requis, que le Maroc s’engage à :

Faire valoir la primauté des conventions internationales des droits humains ratifiées par le Maroc sur la législation nationale et harmoniser celle-ci au regard des dispositions des conventions internationales ;
Ratifier les instruments internationaux de protection des droits humains, non ratifiés à ce jour par le Maroc.

1.Egalité et non-discrimination

Droits des femmes
Malgré les avancés enregistrées depuis l’adoption du nouveau code de la famille en 2003, l’égalité entre les hommes et les femmes est loin d’être assurée. Le Maroc a en outre accompagné sa ratification de la convention CEDAW d’importantes déclarations (art. 2 et 15) et réserves (art. 9, 15, 16, 29). Outre le fait que les réserves d’une manière générale, vident la ratification de sa signification, les articles auxquels des réserves ont été émises, font référence aux droits des femmes notamment dans le cadre des relations familiales et par rapport aux questions de citoyenneté.

Par conséquent, nos organisations appellent les autorités marocaines à :
Lever toutes les réserves au CEDAW
Ratifier le Protocole facultatif au CEDAW
Adopter une législation spécifique afin de lutter contre la violence à l’égard des femmes

Droits des migrants
Les réfugiés et les demandeurs d’asile font, au Maroc, l’objet de graves discriminations. La situation humanitaire des migrants est particulièrement préoccupante, plusieurs cas de violences à l’égard de migrants ayant entraîné la mort ont notamment été rapportés ; ceux-ci n’ont en effet notamment pas accès aux soins de santé, à l’éducation ni à une alimentation décente. De plus, les organisations non-gouvernementales accompagnant les migrants manquent cruellement de moyens.

Par conséquent, nos organisations appellent les autorités marocaines à :
Respecter toutes ses obligations internationales, en vertu notamment de la Convention internationale pour la protection des travailleurs immigrés et leurs familles, que le Maroc a ratifiée en 1993 via notamment, l’adoption d’une loi sur l’asile et l’amendement de la loi relative « à l’entrée et au séjour des étrangers au Maroc, à l’émigration et à l’immigration irrégulières » afin qu’elle soit conforme aux dispositions internationales pertinentes.
Poursuivre sa coopération avec le UNHCR, permettre aux réfugiés et demandeurs d’asile d’accéder aux services publiques, et assurer leur droit à la sécurité, comme le comité CEDAW les y a encore encouragé récemment.

2. Droit à la vie et sécurité des personnes

Plusieurs condamnations à mort ont été prononcées par les juridictions marocaines. Les dernières datent de juin et juillet 2007. Tout en enregistrant l’arrêt d’exécution des condamnations à la peine de mort depuis 1993, nos organisations soulignent que 133 condamnés à mort sont toujours détenus dans les couloirs de la mort au Maroc.

En application des recommandations de 2004 du Comité des droits de l’Homme des Nations Unies, le Maroc devrait :

en vue d’abolir la peine capitale, réduire au minimum le nombre d’infractions passibles de la peine capitale. Il devrait également commuer les peines de toutes les personnes condamnées à mort.

La réforme introduite dans le code pénal incriminant les pratiques de torture n’y pas mis fin à ces pratiques. Des rapports continuent de faire état d’actes de torture ayant entraîné parfois des décès, dans les lieux de détention ou à l’occasion d’interrogatoires et cela, résulte notamment des mesures introduites par la loi anti-terroriste du 29 mai 2003 et des pratiques développées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme au Maroc. Nos organisations demeurent également préoccupées par les conditions de détention dans nombreuses prisons marocaines.

Par conséquent, nos organisations appellent les autorités marocaines à mettre en oeuvre les recommandations émises en 2004 et 2005, par les Comité des droits de l’Homme et CAT et en particulier, à :
Reconnaître la compétence du CAT pour l’examen des plaintes étatiques et individuelles, en faisant les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la CAT ;
Lever les réserves sur l’article 20 de la CAT ;
Ratifier le protocole facultatif de la CAT ;
Veiller à ce que toutes les allégations de torture fassent l’objet d’enquêtes impartiales et approfondies et de veiller à ce que des sanctions appropriées soient appliquées aux coupables et que des réparations justes soient accordées aux victimes.
Veiller à ce que tous les lieux de détention devraient faire l’objet d’une inspection indépendante et rendre ses conditions d’incarcération conformes à l’article 10 du PIDCP.

3. Administration de la justice et état de droit

Nos organisations continuent de constater que l’indépendance de la magistrature n’est pas pleinement garantie.

Nos organisations se font le relai du comité des droits de l’homme et demandent aux autorités marocaines de :

Prendre les mesures nécessaires pour garantir l’indépendance et l’impartialité de la magistrature (article 14, paragraphe 1, du Pacte).

4. Liberté d’expression

Comme cela a été soulevé par le Rapporteur spécial sur la liberté d’expression, des pressions ont été exercées et plusieurs procès intentés au cours des derniers mois, contre des journalistes et des médias. La révision du code de la presse intervenue en 2002, a maintenu certaines dispositions contraignantes à la liberté d’expression et a maintenu des peines d’emprisonnement dans certaines situations considérées comme une atteinte au « sacré ». Suite à quoi, plusieurs publications ont fait l’objet d’interdiction ou de suspension et plusieurs journalistes ont fait l’objet de poursuites judiciaires et des peines d’emprisonnement.

Nos organisations appellent les autorités marocaines à :

Réviser le Code de la presse en abrogeant toutes les dispositions contraires et limitatives à la liberté d’expression, notamment celles qui stipulent des peines d’emprisonnement ;

IV. Liberté d’association et de rassemblement pacifique

Nos organisations s’inquiètent du recours disproportionné à la force pour disperser des manifestations et sit-in des personnes qui protestent pour le respect de leurs droits. Ainsi des actes de violence ont été commis à l’occasion de plusieurs manifestations s’étant déroulées en 2007, plusieurs personnes dont des défenseurs des droits de l’homme ont également été poursuivis en justice pour avoir participé à ces manifestations.

Ainsi, nos organisations appellent les autorités marocaines à :

Prendre les mesures nécessaires pour qu’une enquête impartiale soit menée sur les violations des droits de l’Homme de la part des forces de l’ordre marocaines à l’occasion de ces manifestations réprimées, afin que les responsables soient identifiés et sanctionnés conformément à la loi en vigueur ;
Garantir les droits des défenseurs des droits humains conformément aux dispositions des instruments internationaux de protection des droits humains pertinents.
Supprimer les obstacles administratifs à l’exercice du droit syndicalet à accélérer le processus de ratification de la Convention no 87 de l’OIT (1948) concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical, comme l’y a appelé le Comité PIDESC.

V. Indépendance
Droit au travail, à des conditions de vie adéquates.

Nos organisations constatent la persistance du chômage notamment chez les jeunes diplômés ainsi que la non application des dispositions du nouveau code de travail, la non-régulation des conditions de travail de certaines catégories de travailleurs et la non généralisation de la sécurité sociale.
Ainsi, nos organisations demandent aux autorités marocaines de mettre en oeuvre les recommandations émises à cet égard par le Comité PIDESC et en particulier, de :

Mettre en œuvre un plan d’action spécifique de lutte contre le chômage des jeunes ;
Assurer que la couverture dispensée par le système de sécurité sociale soit répartie à égalité entre les zones urbaines et rurales et entre les régions et de ratifier les Conventions de l’OIT no 102 (1952) concernant la norme minimum de la sécurité sociale et no 118 (1962) concernant l’égalité de traitement des nationaux et des non-nationaux en matière de sécurité sociale ;
Intensifier ses efforts pour réduire la pauvreté, y compris dans les zones rurales, ainsi que d’améliorer ses stratégies de développement social, lesquelles doivent intégrer les droits économiques, sociaux et culturels ;
Adopter des mesures législatives et autres pour réguler les conditions de travail et d’emploi des employés domestiques, afin de leur garantir la jouissance de leurs droits et la protection sociale.

VI. Droit à l’éducation et à participer à la vie culturelle

Des inégalités importantes demeurent au Maroc en terme d’accès à l’éducation. Les objectifs fixés en matière de généralisation de l’enseignement fondamental ne sont pas encore atteints. Nos organisations se font ainsi le relais du Comité PIDESC et demandent aux autorités marocaines de :

Prendre les mesures nécessaires pour renforcer le système scolaire public et pour atteindre l’égalité entre l’enseignement des filles et des garçons et entre les zones rurales et urbaines.

Des discriminations persistent à l’encontre des minorités et notamment de la population amazigh. Nos organisations appellent ainsi les autorités marocaines à :

Reconnaître la langue amazigh en tant que langue nationale et la constitutionnaliser ;
Développer l’enseignement de la langue amazigh et d’accorder un enseignement gratuit en langue amazighe à tous les niveaux.

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