Recommandations à l’attention de la Tunisie à l’occasion de l’Examen périodique universel

1.Etendue des obligations internationales

La Tunisie a émis plusieurs réserves à la CEDAW. Elles concernent des dispositions clés de la CEDAW qui nuisent à l’objet et au but de la Convention, et qui remettent en cause le sens de la ratification. Le CEDAW est la seule convention pour laquelle la Tunisie a émis des réserves substantielles notamment sur la question de l’égalité des époux au sein du mariage et lors du divorce, sur la question des droits parentaux, etc. A l’occasion du dernier examen de la Tunisie, la CEDAW a demandé la levée des réserves, contraires à l’objet et au but de la Convention.

Par ailleurs, à l’occasion de l’examen du rapport de la Tunisie par le Comité des droits de l’Homme le 17 mars 2008 à New York, les autorités tunisiennes ont déclaré avoir décidé d’adhérer au Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, une recommandation adressée par le CEDAW.

Question
les autorites tunisiennes peuvent elles fournir un calendrier sur la mise en oeuvre des recommandations de la CEDAW relatives à la levée des réserves et à la ratification du protocole additionel à la CEDAW ?

2.Coopération avec le système de protection des droits de l’Homme de l’ONU

Invitation des Procédures spéciales

Les autorités tunisiennes n’ont pas invité de procédures spéciales depuis 1999, date de la dernière visite. Nombre d’entre eux ont pourtant demandé à se rendre en Tunisie : le Représentant spécial du Secrétaire Général sur la protection des défenseurs demande une invitation à se rendre en Tunisie depuis 2002, le Rapporteur spécial sur l’indépendance du judiciaire depuis 1997, le Rapporteur spécial sur le respect des droits de l’Homme dans le cadre de la lutte contre le terrorisme depuis 2005 et le Rapporteur spécial sur la torture depuis 1998.
Tout récemment, à l’occasion de l’examen du rapport de la Tunisie par le Comité des droits de l’Homme le 17 mars 2008, les autorités tunisiennes ont pris l’engagement d’inviter divers rapporteurs spéciaux des Nations Unies, y compris le Rapporteur Spécial contre la torture, à entreprendre des missions en Tunisie.
Questions
Les autorités tunisiennes ont-elles transmis depuis-lors des lettres d’invitation aux rapporteurs en ayant fait la demande ?
Les autorités peuvent-elles fournir un calendrier de visites pour les prochains mois ?

Coopération avec les organes des traités

La Tunisie vient d’être examinée par le Comité des droits de l’Homme et sera examinée par le Comité pour l’élimination des discriminations raciales en 2009. S’agissant des autres comités, la Tunisie aurait du soumettre un rapport périodique au Comité sur le droits économiques, sociaux et culturels en 2000, puis en 2005 ; un rapport périodique au Comité contre la torture en 1997, puis en 2001 et 2005 ; un rapport périodique au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes en 2002 ; et un rapport périodique au Comité des droits de l’enfant en 2004.
Questions
Les autorités tunisiennes ont elles préparé les rapports attendus en conformité avec les obligations internationales de la Tunisie ? Peuvent-elles présenter un calendrier de rédaction et soumission des rapports concernés ?

3.Mise en oeuvre des obligations internationales

Libertés d’association, d’expression et de manifestation pacifique

En 1994, le Comité des droits de l’Homme s’inquiétait déjà de ce que « la dissidence et la critique envers le gouvernement ne soient pas pleinement tolérées en Tunisie et qu’en conséquence un certain nombre de libertés fondamentales garanties par le Pacte ne soient pas pleinement exercées dans la pratique » et recommandait aux autorités de prendre « des mesures (...) pour mieux soutenir les organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme en Tunisie ». En 1999, le Rapporteur spécial sur la liberté d’expression, après avoir effectué une visite, a recommandé aux autorités tunisiennes « d’octroyer un statut légal aux ONGs opérant clandestinement » ; de « garantir l’indépendance et le bon fonctionnement des associations et corps professionnels existants, en particulier les associations de droits de l’Homme et les associations de médias » ; de « mettre un terme aux actes d’intimidation et de harcèlement des personnes qui cherchent à exercer leur liberté d’expression et d’opinion, en particulier les défenseurs des droits de l’Homme, les syndicalistes, les avocats et les journalistes qui seraient commis par les autorités ». En 2002, Mme Hina Jilani, Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’Homme, regrettait l’implication des autorités dans des procès contre les ONG indépendantes de droits de l’Homme.

Aujourd’hui, en 2008, le Comité des droits de l’Homme reste préoccupé que « plusieurs organisations et défenseurs des droits de l’Homme ne puissent exercer librement leurs activités » et « soient victimes de harcèlements et d’intimidations, et même parfois d’arrestations ». Il recommande aux autorités de « respecter et protéger les activités pacifiques des organisations et défenseurs des droits de l’Homme », d’enqueter sur les allégations « d’actes d’intimidation et de harcèlement » et « de veiller à ce que toute restriction imposée au droit de réunion et manifestation pacifique soit compatible avec les dispositions des articles 21, 22 du Pacte ». En outre, le comité est préoccupé « des informations selon lesquelles un nombre très limité d’associations indépendantes aient été officiellement enregistrées par les autorités, et qu’en pratique, plusieurs associations de défense des droits de l’Homme dont les objectifs et les activités ne sont pas contraires au Pacte rencontrent des obstacles dans l’obtention d’un tel enregistrement » et recommande aux autorités de « veiller à l’enregistrement de ces associations ».

Pourriez vous expliquer pourquoi les recommandations émises depuis 1994 par les mécanismes onusiens de protection des droits de l’Homme n’ont toujours pas été mises en oeuvre ?

Administration de la justice et Etat de droit

En 1994, le Comité des droits de l’Homme s’inquiétait du manque d’indépendance de l’appareil judiciaire.
Aujourd’hui, en 2008, le Comité des droits de l’Homme recommande que des dispositions soient prises pour renforcer l’indépendance de l’appareil judiciaire, en particulier vis-à-vis du pouvoir exécutif.
Question
Les autorités tunisiennes pourraient-elles expliquer pourquoi les recommandations émises depuis 1994 par les mécanismes onusiens de protection des droits de l’Homme n’ont toujours pas été mises en oeuvre ?

Droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne

En 1998, le Comité contre la torture s’est dit « troublé par des rapports faisant état de pratiques répandues de torture et d’autres traitements cruels et dégradants perpétrées par les forces de sécurité et par la police » et a recommandé à la Tunisie de « ramener la période de garde à vue à une durée maximum de 48 heures », « modifier la législation pertinente pour garantir qu’aucune déclaration obtenue par la torture ne sera utilisée dans une procédure, si ce n’est contre la personne accusée de torture pour établir qu’une déclaration a été faite ».
Récemment, en 2008, le Comité des droits de l’Homme s’est inquiété « des informations sérieuses et concordantes selon lesquels des cas de torture et de traitements cruels, inhumains et dégradants sont commis », et des allégations selon lesquelles « des magistrats refusent d’enregistrer des plaintes de mauvais traitement et de torture ». Il a appelé celles-ci à garantir la conduite « d’enquêtes menées par une autorité indépendante », la poursuite et la sanction des responsables ; l’interdiction de l’usage d’aveux obtenus sous la torture ; et de fixer la limite de la durée légale de la garde à vue à 48h en fait et en droit. Ces recommandations avaient déjà été émises par le Comité de l’ONU contre la torture en 1998.
Question
Les autorités tunisiennes peuvent-elles expliquer pourquoi les recommandations émises depuis 1998 par les mécanismes onusiens de protection des droits de l’Homme n’ont toujours pas été mises en oeuvre ?

Contact
Délégation de la FIDH auprès des Nations unies à Genève
15, rue des savoises, CH 1205 Genève
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