Sous-Commission, point 6 : les femmes et les droits de la personne humaine.

Sous-Commission des droits de l’Homme

58ème session

7- 25 août 2006

Point 6.a de l’ordre du jour : Questions spécifiques se rapportant aux droits de l"homme - les femmes et les droits de la personne humaine ;

Monsieur le Président,

Dans moins d’un mois, nous célébrerons le 25ème anniversaire de l’entrée en vigueur de la Convention des Nations unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW). Il y a un an, devant cette même Sous-Commission, la FIDH rappelait que le bilan dressé à l’occasion de la conférence internationale « Beijing + 10 » était loin d’être satisfaisant et soulignait que si quelques avancées pouvaient être constatées, la mise en œuvre effective de l’égalité des droits dans les pays signataires de la Convention des Nations unies sur l’élimination des discriminations à l’égard des femmes (CEDAW) de 1979, était encore loin d’être universellement acquise.

La FIDH a lancé, il y a un an et demi, une campagne internationale pour la mise en oeuvre de la CEDAW et la ratification de son protocole facultatif. Depuis, nous avons pu nous féliciter de quelques ratifications de la Convention notamment par Oman, les îles Marshall et Brunei et celles du protocole additionnel par l’Argentine, l’Afrique du Sud, le Burkina Faso, la Moldavie, San Marin, la Tanzanie ainsi que Antigues et Barbades). Il y a aujourd’hui 183 Etats parties à la CEDAW et 79 Etats parties à son Protocole facultatif.

Pourtant, force est de constater qu’un long chemin reste à parcourir. En effet, le niveau d’intégration de la Convention dans les droits internes reste très partiel. En outre, en dépit des ratifications, nombre de législations discriminatoires persistent.
De plus, une cinquantaine d’Etats, soit près d’un tiers des Etats parties, maintiennent des réserves à la Convention, parmi lesquels beaucoup de ceux qui sont loin de faire des droits des femmes leur priorité et en particulier les Etats du « monde arabe ». Ces réserves formulées vont souvent jusqu’à vider l’adhésion à la Convention de toute portée.

C’est face à ce constat notamment, que la FIDH et l’Association démocratique des femmes du Maroc ont réuni 35 ONG du monde arabe à Rabat du 8 au 11 juin 2006, pour lancer une campagne régionale pour « l’égalité sans réserve » dans tous les pays arabes. L’ objectif de cette campagne est d’amener les Etats à lever toutes les réserves qu’ils ont émises lors de leur ratification de la CEDAW et à ratifier le Protocole facultatif de la CEDAW.

Plus généralement et à l’échelle mondiale, le faible niveau d’intégration de la Convention dans les droits internes, le nombre de législations discriminatoires persistantes, ainsi que l’importance des réserves formulées, démontrent l’absence de volonté politique de nombre d’Etats de s’engager effectivement. Pire, la ratification de la CEDAW peut être qualifiée, pour beaucoup d’Etats, d’hypocrisie qui masque en réalité le maintien de politiques ouvertement discriminatoires au nom de spécificités culturelles !

Dans ces conditions, l’action du Comité des Nations unies chargé de superviser la mise en oeuvre de la Convention est salutaire et doit être soutenue. Cette année, la FIDH a attiré son attention sur de nombreuses situations. Par ailleurs, la FIDH soutient avec vigueur la création d’un mandat de Rapporteur spécial des Nations unies sur les lois discriminatoires à l’égard des femmes.

La FIDH invite donc la Sous-commission, à l’occasion de sa 58ème session à se faire l’écho de ses revendications principales, à savoir la levée des réserves à la CEDAW et l’intégration de celle-ci dans les droits internes et la création d’un mécanisme de surveillance des lois nationales discriminatoires à l’égard des femmes.

Campagne régionale pour la levée des réserves à la CEDAW et la ratification du protocole facultatif dans tous les Etats arabes.

Les pays arabes constituent une des parties du monde qui enregistre les inégalités et les écarts les plus importants entre les hommes et les femmes.
C’est également la région qui se distingue par le maintien des discriminations et des violations les plus flagrantes des droits humains des femmes. La grande majorité des Etats de la région ont émis des réserves plus ou moins importantes aux articles de la CEDAW qu’ils considèrent comme incompatibles avec leur législation nationale, en particulier les codes du statut personnel et/ou de la famille. L’héritage, la transmission de la nationalité, le divorce, les droit de garde et de tutelle des enfants, etc. font ainsi l’objet d’une législation discriminatoire envers les femmes. En outre, dans la plupart des pays arabes, la polygamie demeure légale. Les Etats concernés justifient en général ces violations des droits des femmes par le respect des prescriptions de la Charia.

 18 Etats arabes sur 21 ont ratifié la CEDAW, avec pour 15 d’entre eux des réserves allant à l’encontre du principe d’égalité et de non discrimination entre les hommes et les femmes.
 Ces Etats n’ont pas procédé à l’harmonisation de toutes leurs législations avec les dispositions de cette Convention.
 A une exception près, la Libye, aucun de ces Etats n’a ratifié le Protocole facultatif de la CEDAW.

La FIDH invite donc les experts de la Sous Commission à accorder une importance toute particulière à la question des droits des femmes lorsqu’ils examinent l’ensemble des Etats parties et en particuliers, les Etats de cette région. La FIDH propose aux experts de développer leurs recherches sur l’application des dispositions de la CEDAW et donc sur leur transposition en droit interne afin de garantir aux femmes de tous les Etats, le respect effectif de leurs droits.

Discriminations à l’égard des femmes au Mali.

Suite à une mission internationale d’enquête au Mali, la FIDH a publié en janvier 2006 un rapport sur les discriminations à l’égard des femmes.
Ce rapport note des progrès notables quand au respect des droits des femmes en matière d’éducation mais il met en exergue la persistance de nombreuses dispositions législatives et pratiques discriminatoires à l’égard des femmes maliennes, particulièrement dans les domaines de la santé, de la famille et dans de nombreux secteurs de la vie économique et sociale.
Par ailleurs, la FIDH est vivement préoccupée par le vide juridique en matière de mutilations génitales féminines (MGF), de pratiques néfastes à la santé de la femme et de violences domestiques. La FIDH a appelé le Mali à pénaliser ces pratiques afin de protéger les victimes et de poursuivre leurs auteurs ; ainsi qu’à intensifier la sensibilisation des populations sur les conséquences sanitaires des MGF sur la santé de la femme.
La FIDH a également constaté la non conformité du droit malien de la famille par rapport à la CEDAW. Par exemple, l’âge légal du mariage est différent suivant qu’il s’agisse d’un homme (18 ans) ou d’une femme (15 ans). Également, le droit malien permet à l’homme de transférer ipso facto sa nationalité à ses enfants, alors que pour les femmes ce transfert ne s’effectue que dans des cas limités. De même, alors que la CEDAW appelle les États parties à abolir la polygamie, celle-ci reste autorisée par le droit malien. La FIDH a recommandé aux autorités maliennes d’adopter dans les plus brefs délais le projet de réforme du droit de la famille en chantier depuis 1996, comme elles s’y étaient engagées auprès du Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. Dans l’intervalle, le Mali doit abroger toutes les dispositions discriminatoires à l’égard des femmes contenues dans le Code du mariage et de la tutelle de 1962. Plus généralement, la FIDH demande aux autorités malienne d’harmoniser la loi nationales avec les dispositions de la CEDAW.

La FIDH invite les experts de la Sous-commission à porter toute leur attention et leurs compétences sur les nombreuses discriminations, telles les mutilations génitales féminines, dont sont victimes au quotidien des millions de femmes, et dont l’éradication nécessite des efforts intenses et continus. La FIDH propose aux experts de la Sous-commission de continuer et d’accentuer leurs recherches sur ce type particulier de violations graves des droits de l’Homme, intervenant le plus fréquemment dans le cadre intime et familial et dont la pénalisation nécessite d’être inscrite dans les législations nationales, ce qui n’est pas le cas dans de nombreux pays comme le Mali.

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