Sous-Commission, point 2 : Question de la violation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

14/08/2006
Communiqué

Sous-Commission des droits de l’Homme
58ème session,
7- 25 août 2006

Point 2 de l’ordre du jour : Question de la violation des droits de l"homme et des libertés fondamentales, y compris la politique de discrimination raciale et de ségrégation dans tous les pays, en particulier dans les pays et territoires coloniaux et dépendants : rapport de la Sous-Commission établi en application de la résolution 8 (XXIII) de la Commission des droits de l"homme.

INTERVENTION ORALE


Birmanie :

Depuis décembre 2005, la junte militaire birmane a, de façon systématique, intensifiée ses attaques contre les populations civiles, en grande partie contre la minorité Karen à l’Est de la Birmanie. Les incendies de centaines de villages, les meurtres, actes de torture et viols systématiques, ont forcé au moins 16,000 hommes, femmes et enfants à fuir leurs domiciles pour se cacher dans les jungles, survivant dans des conditions de vie extrêmement précaires. Des milliers de personnes ont cherché refuge en Thaïlande ces derniers mois, s’ajoutant au million qui a déjà été contraint de quitter le pays face à l’agression des militaires.
Le régime Birman ayant interdit à plusieurs organisations humanitaires l’accès à certains sites, la situation ne fait que s’aggraver. Par ailleurs, le SPDC a renforcé sa répression politique, en particulier contre les membres du NLD, menacés de ne plus pouvoir tenir de conférences de presse. La junte Birmane a écroué plus de 1150 prisonniers politiques ces dix-huit dernières années, dont environ 400 représentants du parti du NLD. Ces douze derniers mois, une dizaine de prisonniers politiques sont morts en prison.
Alors que le gouvernement avait annoncé la libération de Aung San Suu Kyi pour le mois de mai 2006, sa détention a été ajournée d’un an, malgré la visite préalable de Mr. Gambari, Sous-secrétaire des Nations Unies pour les Affaires Politiques en Birmanie et son entretien avec Aung San Suu Kyi.
Malgré les vingt-neuf résolutions adoptées par l’Assemblée Générale et la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies sur la situation en Birmanie et appelant à la réconciliation nationale et à la fin des violations systématiques, la situation n’a fait que se consolider en faveur de la junte militaire et au détriment des civils.

Colombie :
La FIDH demeure gravement préoccupée par la situation des défenseurs des droits de l’Homme, qui s’est particulièrement détériorée à la veille de l’élection présidentielle de 2006. La FIDH a notamment pu constater à cette occasion une recrudescence des menaces visant les ONG colombiennes de droits de l’Homme comme l’illustrent les campagnes de harcèlement et de persécution lancées à l’encontre de ces organisations.
La FIDH s’inquiète aussi de l’augmentation alarmante du nombre d’assassinats, de cas de torture, de menaces et de disparitions forcées visant notamment des syndicalistes, des leaders de mouvements sociaux et des dirigeants de mouvements paysans et autochtones.
Les paramilitaires, engagés dans un processus de « paix » avec le gouvernement d’Alvaro Uribe Vélez, continuent d’être les principaux responsables de ces violations alors même que le gouvernement a promu et le Congrès adopté le 25 juillet 2005 la loi 975 dite « justice et paix », qui visait à désarmer, réinsérer et démobiliser les groupes armés illégaux, mais qui n’assure en fait ni la démobilisation des groupes paramilitaires, ni la réparation des victimes. Au contraire, cette loi garantit l’impunité des auteurs des crimes.
En mai 2006, la Cour Constitutionnelle colombienne a déclaré partiellement inconstitutionnelle la loi « justice et paix », comme ne respectant pas le droit des victimes à l’établissement de la vérité, à la justice et à la réparation. Toutefois, bien que le verdict de la Cour ait été un coup légal sérieux au processus de démobilisation, sa mise en oeuvre effective reste incertaine.


Côte d’Ivoire :

En ce qui concerne la Côte d’Ivoire, la FIDH souhaite vous faire part de ses préoccupations quant au retard dans la mise en oeuvre effective des différentes étapes de la feuille de route devant permettre l’organisation de l’élection présidentielle prévue le 31 octobre 2006.
La mission internationale d’enquête de la FIDH qui s’est rendue en Côte d’ivoire du 17 au 21 mai 2006, s’est toutefois félicitée des efforts entrepris par le Premier ministre ivoirien pour permettre le démarrage du processus concomitant d’identification et de désarmement via les audiences foraines et le pré-regroupement, opérations cruciales pour la tenue d’élections libres et transparentes en ce qu’elles répondent aux exigences croisées des deux camps. Le désarmement est une des exigences majeures du président Laurent Gbagbo et de ses partisans. L’identification est au contraire l’une des principales revendications de la rébellion, dont les combattants veulent des papiers d’identité ivoiriens avant de déposer les armes.
Pourtant la FIDH reste vivement préoccupée par les réticences exprimées par les deux camps quant à la mise en oeuvre effective de ce processus notamment dans la prise en compte de toutes les milices au sein du programme de démobilisation et de réinsertion.
Par ailleurs, considérant la persistance de graves violations du droit international humanitaire et des droits de l’Homme, particulièrement dans la région ouest du pays, la FIDH dénonce l’absence totale d’actes posés par les acteurs du conflit et les juridictions ivoiriennes pour lutter contre l’impunité des auteurs des crimes les plus graves, violant ainsi les dispositions des accords de paix et les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies y afférant.
La FIDH considère que cette situation hypothèque sérieusement la sortie de crise et la tenue de l’élection présidentielle à la date prévue, et appelle le Conseil de sécurité à appliquer effectivement les sanctions contre toute personnes faisant obstacle à la mise en oeuvre de la feuille de route.

Guatemala :
Au Guatemala, la FIDH est très préoccupée par l’impunité généralisée autour des graves violations des droits de l’Homme et par la situation de violence qu’elle engendre.
Les défenseurs des droits de l’Homme et les journalistes sont la cible d’attaques et de menaces répétées, y compris par les forces de sécurité de l’Etat. La FIDH est également inquiète des nombreux cas d’assassinats de femmes non élucidés, que nous avons pu qualifier de « féminicide » Enfin, pour que les victimes de crimes au Guatemala obtiennent enfin justice, la FIDH appelle le gouvernement du Guatemala à coopérer avec la justice espagnole dans le cadre de la procédure ouverte en Espagne sur la base du principe de la compétence universelle, contre l’ancien dictateur Efraín Ríos Montes et d’autres hauts dirigeants militaires, afin que ceux-ci soient effectivement extradés et jugés en Espagne pour crimes de genocide, torture et autres crimes graves de droit international.

Iran :
La FIDH et son organisation membre, la Ligue de défense des droits de l’Homme en Iran (LDDHI), s’inquiètent de la recrudescence des violations des droits de l’Homme, en particulier des détentions arbitraires et des condamnations à la peine capitale violant gravement le droit à un procès équitable.
24 personnes ont été condamnées à mort au cours des deux mois précédents, suite à des procès à huis clos devant les tribunaux révolutionnaires transgressant manifestement les dispositions du PIDCP. Les condamnés n’auaraient pas beneficié de représentation légale et leur identité n’a même pas été révélée. Ces personnes seraient accusées d’être impliquées dans les attentats du Khuzestân. Le ministère de la Justice a déclaré que 6 d’entre eux vont être exécutés dans les prochains jours. Seuls leurs prénoms ont été officiellement fournis : Mohammad-Ali, Yaha, Nazem, Abdolemam, Andozahra, Hamzeh.
La FIDH et la LDDHI soulignent également leur inquiétude à l’égard de la détention arbitraire de Ramin Jahanbegloo, intellectuel irano canadien, arrêté le 28 avril 2006 à l’aéroport de Téhéran. Depuis cette date, M. Jahanbegloo est détenu à la prison d’Evin à Téhéran. Aucun chef d’accusation n’a été formellement prononcé à son encontre. Selon les autorités, son arrestation serait liée à ses contacts à l’étranger.
Plusieurs dizaines de militants ont été arrêtés le 12 juin 2006, suite à la répression violente d’un rassemblement pacifique à Téhéran organisé par des membres d’ONG, afin de protester contre le statut discriminatoire des femmes iraniennes. Le 13 Juin 2006, lors d’une conférence de presse, le ministre de la Justice a indiqué que 42 femmes et 28 hommes avaient été arrêtés et placés en détention à la prison d’Evin à Téhéran pour avoir organisé un rassemblement illégal. Les dernières informations reçues par la FIDH et la LDDHI révèlent que Ali-akbar Moussavi Khoini est encore détenu actuellement.
Enfin, dans le cadre des répressions croissantes à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme, le 3 juillet 2006 le Centre de Défense des Droits de l’Homme (CDDH), une ligue affiliée à la FIDH en Iran, a été déclarée illégale par le Ministre de l’Intérieur. Les membres de cette organisation, fondée notamment par Shirin Ebadi, prix nobel de la paix en 2003, sont désormais menacés de poursuites judiciaires s’ils refusent de cesser leur activité. Ces nouvelles menaces s’inscivent dans un contexte d’intimidation à l’encontre des membres de l’organisation. Le 16 juillet 2006, la cour révolutionnaire avait déjà condamné Abdolfattah Soltani, avocat du CDDR, à 5 ans de détention pour divulgation d’informations confidentielles et opposition au gouvernement en place.

RCA :
Depuis septembre 2005, la situation sécuritaire est très préoccupante dans le nord ouest de la République centrafricaine (RCA). La population civile, se trouve sous le feu des attaques de nouvelles rébellions présumées soutenues par les anciens tenants du pouvoir et des représailles des forces armées centrafricaines. D’après les nombreux témoignages de viols, de pillages et de destructions de village, recueillis à l’occasion d’une mission internationale d’enquête menée en juin 2006, la FIDH considère que ces diverses offensives sont menées en grave violation des Conventions de Genève de 1949. On compte à présent près de 70000 réfugiés centrafricains au Tchad et au Cameroun et le nombre de personnes déplacées accroît de jours en jours.
Cette situation est d’autant plus préoccupante que le conflit prend un caractère régional avec la présence dans l’est du pays des rebelles tchadiens, qui soutenus par le Soudan, semblent avoir pour double objectif de destabiliser N’djamena et Bangui.
La FIDH condamne ce nouveau cycle de violence qui succède aux graves violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire commises en toute impunité contre la population civile entre novembre 2002 et mars 2003 lors du coup d’Etat du général Bozizé.
La FIDH appelle le Conseil de sécurité des Nations unies à se saisir de toute urgence de cette situation qui porte gravement atteinte à la paix et la sécurité dans la sous-région, à exiger la protection des populations civiles et à demander la poursuite des auteurs des crimes les plus graves conformément aux dispositions internationales de protection des droits de l’Homme y afférentes, et ce quel que soit leur camp.
Enfin, la FIDH s’inquiète vivement des menaces, harcèlements et stigmatisation des défenseurs des droits de l’Homme et organisations de victimes qui plaident pour la lutte contre l’impunité.

RDC :
La FIDH s’est félicitée de la tenue dans le calme, le 30 juillet dernier, du premier tour des élections présidentielles et législatives en République démocratique du Congo (RDC). Cependant, au terme d’une transition politique de plus de trois ans, force est de constater que les objectifs de la transition tels que définis par l’Accord global et inclusif sur la transition en RDC, signé à Pretoria le 14/12/02, devant consolider la paix et la sécurité dans ce pays n’ont pas été atteints.
Malgré les tentatives de réunification de l’armée nationale et la présence des forces onusiennes de la MONUC, les actes de harcèlement à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme, les violations massives des droits de l’Homme et du droit international humanitaire contre la population civile et en particulier les exécutions sommaires, les violences contre les femmes utilisées comme arme de guerre, les pillages, sont quotidien dans le pays, notamment dans sa partie Est. Cette grande insécurité de la population civile est d’autant plus inquiétante - en dépit des poursuites engagées par la Cour pénale internationale contre le seigneur de guerre, Thomas Lubanga, que l’impunité des auteurs des crimes annihilent tous les efforts de prévention.

Au Darfour, Soudan, les attaques contre les civils se multiplient en violation des accords de paix et de cessez-le-feu entre les parties au conflit. Des violations graves du droit international humanitaire et des droits de l’Homme continuent d’être commises en toute impunité, et le conflit s’étend à l’Est du Tchad et au Nord de la République centrafricaine.
La FIDH considère que le déploiement d’une force de maintien de la paix de l’ONU dotée d’un mandat fort lui permettant de protéger effectivement les civils du Darfour est indispensable. En effet, bien que que le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine ait élargi le mandat de la MUAS, celui-ci ne permet pas de protéger efficacement les populations du Darfour. En témoignent les attaques de Korma, à 70 km d’El Fasher, entre les 5 et 8 juillet dernier qui ont fait plus de 70 morts, une centaine de blessés et de nombreuses victimes de viols.
La FIDH appelle par conséquent le Secrétaire général des Nations unies à redoubler ses efforts pour que le passage de la MUAS à une opération des Nations unies soit accepté des autorités soudanaises. Dans l’intervalle, la FIDH estime qu’il est impératif que le mandat de la MUAS, qui expire officiellement le 30 septembre prochain, soit renouvelé et renforcé afin de garantir une protection effective des populations civiles.
L’absence de volonté du Soudan de régler le conflit au Darfour est également attestée par l’impunité consacrée aux auteurs des crimes les plus graves perpétrés dans la région. La FIDH insiste sur l’importance d’un accès effectif à la justice des victimes de crimes contre l’humanité, de génocide et de crimes de guerre devant les juridictions nationales et internationale et recommande aux autorités soudanaises non seulement une étroite coopération avec la Cour, mais également un engagement ferme du gouvernement dans la lutte contre l’impunité au niveau national, conformément au principe de complémentarité.


Territoires palestiniens occupés :

Depuis la décision d’interrompre toute aide en destination de ou transitant par l’Autorité palestinienne suite aux élections libres et démocratiques ayant installé au pouvoir le gouvernement mené par le Hamas, la situation humanitaire dans les Territoires palestiniens occupés (OPT) ne cesse de se dégrader dangereusement. Parallèlement, en décidant, en violation de ses obligations légales, de stopper la restitution des impôts et taxes perçues au nom de l’Autorité palestinienne, le gouvernement israélien n’ a fait qu’aggraver les conditions de vie de la population palestinienne. Mais surtout, depuis le 28 juin, début de l’incursion israélienne dans les Territoires palestiniens occupés dans le cadre de l’opération « Summer rains », les violations à répétition du droit international humanitaire rendent cette situation dramatique et insupportable.

La FIDH a condamné les tirs de roquettes par les groupes armés palestiniens en direction de populations civiles israéliennes.
Pour autant, la réaction du gouvernement israélien se situe en violation flagrante et grave du droit international humanitaire ; elle est constitutive, à tout le moins, de crimes de guerre, voire de crimes contre l’humanité, au regard du droit pénal international. Comme le reconnaît le Rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’Homme dans les Territoire palestiniens occupés, ces interventions sont « disproportionnées ».
D’après les informations récoltées par son organisation membre à Gaza, le Palestinian Centre for Human Rights, et à la suite de la mission d’enquête qu’elle a déployée dans les territoires palestiniens occupés entre le 25 juin et le 2 juillet 2006, la FIDH est en mesure de dresser le constat suivant :
Un très grand nombre de civils palestiniens ont été tués du fait des bombardements ces dernières semaines. Ainsi, depuis le 25 juin, 157 Palestiniens, principalement des civils, dont 33 enfants et 8 femmes ont été tués par l’armée israélienne. Par ailleurs, au moins 700 civils palestiniens, dont 158 enfants et 21 femmes ont été blessés. Ces exécutions constituent une violation grave du droit international humanitaire au regard de l’article 3 de la IVème Convention de Genève, et sont qualifiables à tout le moins de crimes de guerre en vertu de l’article 8(2)(a) du Statut de Rome.
Parmi les attaques perpétrées par l’armée israélienne, les destructions délibérées de la centrale électrique de la bande de Gaza, de réseaux d’alimentation en eau, de ponts, de routes, des bureaux de l’Autorité palestinienne et d’autres infrastructures civiles sont une violation de l’article 147 de la Quatrième Convention de Genève. Elles constituent à tout le moins un crime de guerre en vertu de l’article 8(2)(a)(iv) du Statut de Rome portant création de la Cour pénale internationale, qui reprend la coutume internationale. En ce qu’elle visaient directement la population civile palestinienne, les mesures et les attaques à l’origine de cette crise humanitaire constituent une punition collective en violation de l’article 33 de la IV ème Convention de Genève.

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