Point 6 : les femmes et les droits de la personne humaine

09/08/2005
Communiqué

Sous-Commission des droits de l’Homme - 57ème session

25 juillet - 12 août 2005

Point 6.a de l’ordre du jour : Questions spécifiques se rapportant aux droits de l"homme - les femmes et les droits de la personne humaine ;

INTERVENTION ORALE

Monsieur le Président,

Beijing +10 un bilan « insuffisant »

En 1993, la communauté internationale réunie à Vienne pour la seconde Conférence mondiale sur les droits humains confirmait avec force que les droits des femmes sont des droits humains fondamentaux. En 1995, la Conférence internationale sur les femmes organisée par les Nations unies à Beijing se terminait par l’adoption d’une Déclaration et d’un Programme d’action qui, malgré leurs insuffisances et leurs limites, étaient censés impulser un nouvel élan à la mobilisation « prioritaire » de la communauté internationale sur cette question. Les textes adoptés proposaient des actions concrètes pour traduire en droit et dans la pratique l’égalité effective entre les femmes et les hommes.

La même année, le Forum du millénaire organisé par les Nations Unies adoptait les Objectifs du Millénaire, parmi lesquels le droit des femmes à l’éducation et à la santé ont été considérés comme prioritaires.

Mais les résolutions adoptées sont loin d’avoir été concrétisées dans les années qui ont suivi, illustrant la fragilité du consensus de Beijing et la récurrence de la contestation des droits des femmes en tant que droits humains fondamentaux et universels. Aujourd’hui, l’heure est au bilan, et celui qui a été dressé en mars dernier à la conférence internationale « Beijing plus 10 » révèle des avancées insuffisantes.

Si quelques avancées peuvent être constatées, la mise en œuvre effective de l’égalité des droits dans les pays signataires de la Convention des Nations unies sur l’élimination des discriminations à l’égard des femmes (CEDAW) de 1979, est encore loin d’être universellement acquise.

Parmi les avancées nous pouvons souligner plusieurs points :
la reconnaissance de la féminisation de la pauvreté et des violations des droits des femmes comme obstacles principaux à la démocratisation et au développement
l’incrimination des crimes sexuels dans le statut de la Cour pénale internationale désormais entré en vigueur ;
l’adoption et l’entrée en vigueur du protocole additionnel à la CEDAW ;
la déclaration de 1998 sur la protection des défenseurs des droits de l’Homme et la mise en place des mécanismes ONU/OEA/CADHP de protection des défenseurs des droits humains, avec un accent spécifique mis par l’ONU sur la protection des femmes défenseures ;
l’entrée en vigueur de la convention des Nations unies sur les travailleurs migrants.

Mais ces avancées procèdent hélas davantage du volontarisme des organisations internationales et des campagnes de plaidoyer menées par les ONG que de la volonté politique assumée des Etats de traduire l’égalité en droit et dans les faits.

Concernant l’adhésion à la CEDAW le bilan depuis la conférence de Beijing est plutôt positif : 28 nouveaux Etats ont ratifié la Convention de 1979 au cours des dix dernières années, portant le nombre d’Etats parties à 180, ce qui fait de la CEDAW une convention quasi-universelle.

Cet optimisme doit cependant être tempéré par deux constats :
Premièrement, le nombre d’Etats ayant levé l’intégralité de leurs réserves à la CEDAW depuis 1995 se limite en effet à 6 (Allemagne, Belgique, Chypre, Fidji, Pologne, Roumanie), contre 13 les ayant partiellement levées. 52 Etats maintiennent ainsi des réserves à la Convention, soit près d’un tiers des Etats parties, parmi lesquels beaucoup de ceux qui se singularisent par des violations flagrantes des droits des femmes. Quant à de nombreux nouveaux adhérents (Algérie, Bahraïn, Koweit, Liban, Pakistan, Arabie Saoudite), ils ont tous émis des réserves allant pour la plupart jusqu’à vider la Convention de son sens. Seuls parmi les nouveaux signataires, le Mozambique et l’Afrique du Sud n’ont émis aucune réserve.
Ensuite, le niveau d’intégration de la Convention dans les droits internes reste très partiel, nombre de législations discriminatoires persistent.
Ces éléments, combinés à l’importance des réserves formulées, démontrent l’absence de volonté politique de nombre d’Etats de s’engager effectivement. Pire, la ratification de la CEDAW peut être qualifiée, pour beaucoup d’Etats, d’hypocrite car elle masque en réalité le maintien de politiques ouvertement discriminatoires au nom de pseudo spécificités culturelles.

Par ailleurs, la FIDH constate que, dans de nombreux domaines, la situation a -au mieux- stagné ou -au pire- s’est aggravée :
 La ratification universelle de la Convention internationale de 1949 relative au trafic des êtres humains et à la prostitution d’autrui n’est pas encore acquise, et les Nations unies n’ont pas mis en place de mécanisme de contrôle international de cette Convention ;
 Les organisations internationales et régionales et les gouvernements sont très loin de consacrer 20% de leur budget annuel aux ONG de défense des droits des femmes ;
 La fin de l’impunité pour les auteurs de toutes formes de violences commises contre les femmes est loin d’être acquise et, à l’exception de quelques-uns (Espagne), les Etats n’ont guère montré de véritable volonté dans ce domaine ;
 A part la solution de quelques cas particuliers, aucun Etat n’a accordé globalement le statut de réfugié aux femmes fuyant les violences sexo-spécifiques commises dans leur pays ;
 Enfin, Nombre d’Etats continuent à ne pas considérer les femmes migrantes mariées comme des individus à part entière et ne leur accordent pas un statut personnel légal autonome respectant le principe d’égalité.

Voilà quelques points importants, parmi bien d’autres, sur lesquels la FIDH ne constate aucune avancée satisfaisante. Pire, des tentatives de recul ne sont pas à exclure : dès l’ouverture de la conférence internationale « Beijing plus 10 », on a pu constater l’offensive des Etats les plus réactionnaires, auxquels se sont joints les Etats-Unis, pour tenter de remettre en cause les acquis des conférences précédentes en matière de droit à l’interruption volontaire de grossesse. Seule la protestation des ONG présentes à New York, soutenues en particulier par l’Union européenne, a permis de faire reculer pour le moment cette « Sainte Alliance ». Mais la vigilance s’impose plus que jamais, tant se manifeste la volonté de nombre d’Etats de revenir sur certains des acquis des en la matière.

Dans ces conditions, la FIDH a appelé à la réaffirmation de l’universalité des droits des femmes et la mise en oeuvre de la Plateforme de Beijing ; la levée des réserves à la CEDAW et l’intégration de celle-ci dans les droits internes ; enfin, au sein des Nations unies, la création d’un mécanisme de surveillance des lois nationales discriminatoires à l’égard des femmes. Elle invite, la Sous-commission, à l’occasion de sa 57ème session, à se faire l’écho de ses revendications.

Monsieur le Président, je vous remercie.

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