Point 9 - Laos - Intervention écrite

11/02/2005
Communiqué

Commission des Droits de l’Homme
61ème session 14 Mars-22 Avril 2005

Intervention écrite de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), une organisation non-gouvernementale dotée du statut consultatif spécial.

Point 9 de l’ordre du jour

Laos

La Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH) et son organisation membre, le Mouvement Lao pour les Droits de l’Homme (MLDH) expriment leur plus vive préoccupation concernant la situation des droits de l’Homme au Laos.

Libertés d’expression, d’association et de réunion

La libre expression reste interdite en RDPL en dépit de l’article 31 de la Constitution stipulant : "Les citoyens lao jouissent des libertés d’expression orale et écrite, de réunion, d’association et de manifestation." Les libertés d’opinion et d’expression sont sévèrement limitées par les lois pénales pour la sauvegarde de la ‘’sécurité nationale’’. Le gouvernement exerce un contrôle total sur la presse tant écrite qu’audiovisuelle et électronique.

En 2000, l’Etat a mis en place l’ "Internet Committee of Lao", qui a édicté un règlement à l’attention des internautes du pays. Il interdit aux nationaux, résidents du pays ou expatriés, de publier en ligne tout contenu susceptible de "nuire à l’unité et à l’intégrité du pays".
Les quotidiens, hebdomadaires ou mensuels appartiennent au gouvernement ou aux organisations "satellites" du Parti unique, et sont des porte-parole du Parti unique. Tous les journalistes laotiens au Laos sont des fonctionnaires du Ministère de l’Information et de la Culture. Des publications en langues étrangères, comme "Vientiane Times" en anglais et "Le Rénovateur" en français, s’autocensurent ou rapportent essentiellement des traductions officielles des textes de KPL (Khao San Pathet Lao), l’agence officielle du Parti.
L’article 59 du Code pénal laotien punit "quiconque fait de la propagande contre la RDPL, falsifie la politique du Parti et de l’Etat, propage de fausses nouvelles (...) visant à affaiblir le pouvoir de l’Etat". Quant à l’article 66, il stipule que "quiconque organise ou participe à un rassemblement ayant pour but de manifester, de contester, dans le but de semer des troubles engendrant des préjudices à la société, est puni d’un emprisonnement de 1 à 5 ans, accompagné d’une amende de 200.000 à 50.000.000 de kips’’. Ces deux derniers articles, dont les termes sont vagues, ont été maintes fois utilisés pour réprimer toute opinion divergente et arrêter arbitrairement des défenseurs des droits de l’Homme, des membres des minorités ethniques et religieuses et des opposants au Parti unique.

Les libertés d’association et de réunion pacifique sont extrêmement restreintes en pratique : le gouvernement enregistre et contrôle toutes les associations et interdit celles qui critiquent la politique gouvernementale.
A titre d’exemple, cinq membres du Mouvement des étudiants Lao pour la démocratie du 26 octobre 1999 ont été arrêtés en octobre 1999 pour avoir demandé publiquement le respect des droits de l’Homme, la libération des prisonniers politiques et un système multipartiste. Le sort de quatre d’entre eux est inconnu (Thongpaseuth Keuakoun, Seng-Aloun Phengphanh, Bouavanh Chanhmanivong et Keochay), tandis que la FIDH et le MLDH ont appris en mai 2004 la mort du cinquième, Khamphouvieng Sisaath. Il est mort fin 2001 à la suite des mauvais traitements subis en détention. Bien que sa mort ait été tenue secrète par les autorités, elle a été connue à la suite de la libération de co-détenus en mai 2004.

Dans le domaine économique et social, la liberté syndicale est inexistante. Bien que le Code du travail de 1994 prévoie que « les travailleurs et employeurs ont le droit de s’organiser et d’appartenir à toute organisation sociale ou de masse formée légalement », en pratique, les autorités n’enregistrent que les organisations de travailleurs affiliées à la Fédération des Syndicats Lao, contrôlée par le Parti Populaire révolutionnaire lao.

De même, les organisations de masse, décrites à l’article 7 de la Constitution comme devant remplir le rôle mobilisateur des couches sociales, sont toutes des organes satellites du Parti unique : ce sont "le Front Lao d’Edification Nationale, la Fédération des Syndicats Lao, la Jeunesse Populaire Lao, l’Union des femmes Lao et les organisations sociales". Ces organisations sont appelées à servir les intérêts du Parti unique avant ceux de la population.
Répression contre les minorités ethniques et religieuses

La RPDL compte 48 ethnies selon les données officielles, une soixantaine selon des sources occidentales. Les minorités ethniques et religieuses sont constamment l’objet de persécutions. La discrimination est dirigée non seulement contre la minorité Hmong (qui compte de nombreux chrétiens parmi ses membres) dans la Zone Spéciale de Saysomboun et dans les provinces de Luangprabang et Bolikhamsay, mais aussi contre les autres minorités comme les Mien, les Khmou, et les Oïe. Il existe de nombreux prisonniers politiques et de conscience de l’ethnie Hmong, dont une dizaine, arrêtés en 1995 et 1998, n’ont toujours pas eu droit à un procès. Au début de janvier 2005, une trentaine de chrétiens laotiens arrêtés en 2004 pour la pratique de leur foi étaient encore en prison.

Selon l’article 30 de la Constitution de la RDPL, "les citoyens lao sont libres de pratiquer une religion ou de n’en pratiquer aucune". Mais dans la pratique, le ministère de l’Intérieur, à travers le Front Lao pour la Construction Nationale, encadre et dirige les activités et les affaires religieuses.
La pratique du christianisme et des religions autres que le bouddhisme du Petit Véhicule, est difficile, risquée, et souvent impossible. Les distributions des documents religieux autres que bouddhiques, doivent avoir l’approbation du ministère de l’Intérieur via le Front Lao pour la Construction Nationale, sous peine d’emprisonnement.
S’agissant de la répression contre les minorités ethniques, à titre d’exemple, au cours de l’automne 2004, divers médias (CNN, BBC, Arte, notamment) ont diffusé des images sur des exactions commises, au mois de mai 2004, contre cinq adolescents Hmong, "tués par des soldats gouvernementaux" dans la zone spéciale de Saysomboun. Dans un communiqué datant du 13 septembre 2004, Amnesty International avait qualifié ces actes de "crimes de guerre".

Droits des femmes :
La loi punit la prostitution de peines allant de 3 mois à un an d’emprisonnement, mais les sanctions sont rares et frappent plus les prostituées que les proxénètes qui tirent profit de ces activités, alors que le commerce du sexe se fait au vu et au su des autorités.
Les femmes laotiennes, surtout dans les zones rurales (où résident encore près de 80% de la population), n’ont pas accès aux services de santé, d’éducation, et aux informations nécessaires sur la prévention du VIH/SIDA.
La présence des femmes au Politburo et au Comité central du Parti reste encore d’ordre "figuratif" près de 30 ans après l’arrivée au pouvoir du Parti communiste en 1975. Seules trois femmes siègent au Comité central sur 53 membres, et aucune ne figure parmi les 11 "dirigeants suprêmes" du puissant Politburo du Parti unique.
"L’Union des Femmes Lao" (UFL), organisation satellite du Parti Populaire Révolutionnaire Lao, est la seule institution reconnue pour représenter les femmes laotiennes. Aucune autre n’est tolérée par le régime. Le fait que l’UFL soit dirigée par un membre du comité central et que l’ensemble de ses cadres soient des membres du Parti unique, conduit cette organisation à servir les intérêts du parti, avant ceux des femmes. Dans ses attributions statutaires, l’UFL a en effet pour mission première de défendre, propager et appliquer les directives du Parti auprès des femmes laotiennes.
La FIDH et le MLDH appellent par conséquent la Commission des droits de l’Homme à adopter d’urgence une résolution concernant la situation en RDPL, appelant les autorités à :

  Libérer immédiatement et inconditionnellement tous les prisonniers d’opinion et de conscience
  Supprimer les restrictions aux libertés d’expression, d’association et de réunion, dans la législation et dans la pratique
  Mettre un terme à la répression exercée à l’encontre des minorités ethniques et religieuses au Laos, en particulier la "chasse" aux populations Lao-Hmongs dans la jungle de Saysomboun, de Bolikamsay et de Luangprabang
  enquêter sur les violations des droits de l’Homme à l’encontre des minorités et mettre un terme à l’impunité dont bénéficient les responsables de ces violations
  garantir des conditions de réinstallation justes, équitables et conformes aux promesses faites aux populations déplacées, notamment dans le cadre du projet d’éradication de la culture du pavot au Laos ; consulter les populations concernées dans le cadre de la prise de décision
  poursuivre les responsables des réseaux de trafiquants et les proxénètes, et mettre en œuvre des programmes en vue de la réinsertion des femmes victimes d’exploitation sexuelle ou du trafic d’êtres humains.
  mener une politique volontariste afin d’accroître le taux de représentation des femmes au sein des instances dirigeantes, dans un cadre démocratique, en associant des personnes autres que les seuls membres de "L’union des femmes Lao"
  mettre en place des campagnes de sensibilisation sur le SIDA dans les villes et dans les campagnes et réunir des statistiques sur son taux de prévalence
  adresser une invitation permanente aux mécanismes spéciaux de la Commission des droits de l’Homme et permettre l’accès des ONG internationales de protection des droits de l’Homme à l’ensemble du territoire de la RDPL
  coopérer pleinement avec les organes conventionnels des Nations unies, et mettre en oeuvre les recommandations qu’ils formulent, en particulier celles préconisées adoptées par le CEDAW suite à l’examen du rapport de la RDPL en janvier 2005
  ratifier le Pacte international sur les droits civils et politiques et le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels, la Convention contre la Torture et la Convention sur les travailleurs migrants

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