Intervention écrite de la FIDH sous le point 9 : Mauritanie

01/03/2005
Communiqué

Commission des Droits de l’Homme
61ème session 14 Mars-22 Avril 2005

Intervention écrite de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), une organisation non-gouvernementale dotée du statut consultatif spécial.

Mauritanie

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et l’Association mauritanienne des droits de l’Homme (AMDH), organisation membre de la FIDH en Mauritanie, demandent à la Commission des droits de l’Homme d’adopter une résolution sur la situation des droits de l’Homme en Mauritanie. Elles souhaitent faire part de leur profonde préoccupation face aux graves violations des droits de l’Homme dans ce pays.

Détentions arbitraires et violation du droit à un procès équitable

Le début de l’année 2005 a été marquée par le procès de Wad Naga où 195 personnes - civiles et militaires - comparaissaient suspectées d’avoir fomenté un coup d’état en juin 2003.

La procédure menant au procès s’est déroulée en contradiction des dispositions légales nationales et des conventions internationales et régionales de protection des droits de l’Homme qui lient la Mauritanie comme la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples : arrestations arbitraires, conditions de détention illégales, inhumaines et dégradantes, actes de torture, impossibilité de visites pour les avocats, les médecins et les familles.
Présente lors des plaidoiries par le biais d’une mission d’observation judiciaire, la FIDH a constaté le caractère inéquitable du procès : tenue des audiences au sein d’une caserne de gendarmerie ; participation de deux militaires comme jurés (contraire à l’article 220 du code de procédure pénale) ; une ordonnance de renvoi non notifiée ; des pièces versées au dossier non communiquées à la défense ; restrictions faites aux avocats dans l’accès à leurs clients.

Au prononcé du verdict, si la FIDH et l’AMDH se sont félicités que la forte mobilisation nationale et internationale des organisations de défense des droits de l’Homme a permis d’éviter des condamnations à la peine capitale pourtant requises par le Procureur, nos organisations ont condamné les graves irrégularités qui ont entaché l’ensemble de la procédure et qui témoignent de l’absence d’indépendance de la justice.

Violations des droits de l’Homme contre les défenseurs

Détentions arbitraires et menaces à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme

Par ailleurs, sur la base d’information du programme conjoint de la FIDH et de l’OMCT, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, neuf femmes, membres du Collectif des Familles de détenus et proches (mères, sœurs ou épouses) des présumés putschistes, ont été arrêtées les 21 et 22 novembre 2004 lors des premières audiences du procès et transférées à la prison des femmes de Nouakchott. De nombreuses violations ont été recensées dans cette affaire : détentions arbitraires, mauvaises conditions de détention (interdiction de toute visite demandée par leurs proches, parquées sous le soleil et à même le sol), lenteurs et violations dans les procédures... Finalement, après la libération d’une des femmes le 6 décembre 2004, le 4 janvier 2005 au soir, les huit autres femmes ont été libérées provisoirement, alors que leur mandat de dépôt, d’une durée d’un mois, était expiré depuis le 30 décembre 2004.

Les défenseurs des droits de l’Homme, et notamment l’ensemble des avocats impliqués dans le procès des « présumés putschistes » et assurant leur défense ont subit de nombreuses entraves dans l’exercice de leurs activités- impossibilité de communiquer librement avec les détenus, surveillance rapprochée- et ont fait également régulièrement l’objet de harcèlements et de menaces d’arrestation, en violation flagrante des dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme adoptée le 9 décembre 1998 par l’Assemblée générale des Nations unies.

Entrave à la liberté d’association

Préoccupé par les entraves récurrentes à l’exercice des libertés fondamentales en Mauritanie, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD), dans ses observations finales (CERD/C/65/CO/5) adoptées en août 2004 à la suite de l’examen des sixième et septième rapports périodiques de la Mauritanie (CERD/C/421/Add.1), s’est inquiété du fait que certaines organisations non gouvernementales de défense des droits de l’Homme ne soient pas officiellement reconnues malgré leur demande. Il a ainsi recommandé à l’Etat de lever toute entrave à l’exercice de la liberté d’association et de reconnaître les organisations non gouvernementales de défense des droits de l’Homme.

La FIDH et l’AMDH demandent à la Commission des droits de l’Homme de :

1. Adopter une résolution sur la situation des droits de l’Homme en Mauritanie qui prie les autorités mauritaniennes d’inviter le Groupe de travail sur la détention arbitraire, le Rapporteur Spécial sur la torture et la Représentante Spéciale du Secrétaire général sur les défenseurs des droits de l’Homme

2. Demander aux autorités mauritaniennes de :

 Ratifier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et son Protocole additionnel ;
 Se conformer en toutes circonstances aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et des instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme liant la Mauritanie ;
 Respecter, en toutes circonstances, le droit à un procès équitable, conformément aux dispositions internationales de protection des droits de l’Homme ;
 Permettre la libération immédiate de toute personne arbitrairement arrêtée ou détenue et permettre aux victimes de tels actes d’obtenir réparation ;
 Procéder immédiatement à des enquêtes impartiales sur toutes les allégations de torture et de mauvais traitements à l’égard des détenus et d’engager des poursuites judiciaires à l’encontre des auteurs présumés de tels actes ;
 Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998 ;
 Ratifier le Protocole portant création de la CADHP et de faire la déclaration au titre de l’article 34.6 du Protocole permettant aux victimes et aux ONG de saisir directement la Cour Africaine Droits de l’Homme et des Peuples ;
 Mettre en oeuvre, dans les plus brefs délais, les recommandations du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) d’août 2004 (CERD/C/65/CO/5).

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