Intervention de la FIDH sur violations des droits de l’Homme au Guatemala

04/03/2005
Communiqué

La FIDH, la Commission pour les Droits de l’Homme au Guatemala (CDHG) et le Centre d’Action Légale (CALDH), sont très préoccupés par l’aggravation des violations des droits de l’Homme au Guatemala en 2004, et la persistante violation des accords de Paix. Les actes de menaces et de harcèlement continuent de se multiplier à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme qui luttent contre l’impunité des crimes ou pour le respect des droits syndicaux et du droit à la terre.

Malgré quelques avancées symboliques, l’impunité ne cesse de prévaloir
 ;les anciennes Patrouilles d’Action Civile continuent de recevoir des compensations pour « services rendus » à la patrie. Les initiatives pour l’abolition de la peine de mort restent lettre morte. L’accès à l’alimentation, l’extrême pauvreté et les conditions de travail sont alarmantes.

Défenseurs des droits de l’Homme1

Le 5 juin 2004, M. Hugo Oswaldo Gutiérrez Vanegas, président du Comité Protierra de La Pita (ville de Santa Ana, département de Petén), a été assassiné à coups de machette. Le 28 novembre 2004, M. Julio Rolando Raquec, Secrétaire Général de la Fédération Syndicale des Travailleurs Informels et membre de la Centrale Générale des Travailleurs du Guatemala, a été tué par balles. A ce jour, aucune enquête n’a été ouverte concernant l’assassinat, le 3 avril 2003, de M. Diego Xon Salazar, membre du "Grupo de Apoyo Mutuo" (GAM). Les assassins de M. José Israel López López, avocat et assistant auprès du bureau du Procureur des Droits de l’Homme qui travaillait sur les groupes illégaux et les appareils de répression clandestins n’ont toujours pas été identifiés.

Les paysans sans terre furent pendant l’année 2004 victimes de graves répressions lors de procédures d’expropriation des terres, par exemple à Nueva Linda en août 2004, l’utilisation disproportionnée de la violence causa 11 morts.

Les nombreuses attaques, particulièrement haineuses et humiliantes, perpétrées aux domiciles personnels des membres des ONG ou aux sièges de ces dernières, visant non seulement à les dissuader de poursuivre leurs enquêtes, mais aussi à obtenir de l’information sur l’objet et l’état d’avancée de ces mêmes enquêtes sont très préoccupantes. On peut citer la fouille de la Coordination Nationale des Organisations Paysannes (CNOC) dans le département de Petén le 5 mars 2004, celle du domicile de la présidente de CALDH le 14 juillet 2004, la séquestration afin de lui voler des papiers professionnels d’un autre membre de CALDH M. Mario Minera, le 11 septembre 2004, la fouille et le vol des bases de données et des archives relatives à des enquêtes sur le trafic d’êtres d’humains des bureaux de la Casa del Migrante ("Maison du migrant") le 19 septembre 2004 et le même jour de Paz y Tercer Mundo. Enfin, les menaces et les actes de harcèlement se multiplient.

L’administration de la justice : impunité et menaces sur le judiciaire

La FIDH est très inquiète de la faible avancée des enquêtes judiciaires suite à l’ouverture en 2004 de plusieurs enquêtes contre le général Rios Montt. L’ancien homme fort du Guatemala, qui a accédé au pouvoir par un coup d’Etat en 1980 et a présidé le pays pendant les années les plus sombres de la guerre civile, a vu son immunité de sénateur levée en 2004. Malgré ses manœuvres frauduleuses qui lui ont permis en 2003 de se porter candidat aux élections présidentielles, il a perdu cette élection ainsi que les sénatoriales. La FIDH espère que ces procédures aboutiront. Il convient, en effet, de rappeler que sous la junte militaire de Rios Montt, les pires crimes contre l’humanité ont été perpétrés au Guatemala. Le Rapport de la Commission pour la Vérité et l’éclaircissement historique (CEH), soutenu par les Nations Unies, ainsi que celui de la Récupération de la mémoire historique (REHMI) concordent que pendant son règne, il y a eu plus de 100.000 morts par an. Ces crimes qui ont d’ailleurs été qualifiés de génocide par la CEH ne peuvent rester impunis.

Cependant, malgré cette avancée pour l’instant symbolique, l’impunité persiste au Guatemala2. Elle est massive et systématique, notamment en ce qui concerne les graves violations des droits de l’Homme. L’Etat guatémaltèque n’a pas pris les mesures nécessaires pour garantir l’accès a une justice rapide, dans le respect des règles du procès équitable. Une des menaces les plus sérieuses pour l’administration de la justice réside dans la persistance de l’activité de groupes armés illégaux et clandestins qui sont liés à la fois au crime organisé et à des agents de l’Etat. La FIDH regrette, que malgré la signature en janvier 2004, d’un accord entre les Nations unies et le gouvernement concernant la création d’une Commission d’enquête sur les groupes illégaux et les appareils clandestins de sécurité (Comisión de Investigación de Cuerpos Ilegales y Aparatos Clandestinos de Seguridad - CICIACS), la mise en place de cette Commission se soit heurtée en mai, aux refus des membres du Sénat de la Commission présidentielle sur les droits de l’Homme et de la Commission sur la gouvernance, qui ont voté contre la création de la CICIACS. Le 6 août 2004, la Cour constitutionnelle a annoncé qu’elle considérait comme inconstitutionnels plusieurs aspects de cet accord. Cette initiative ne sera par conséquent pas mise en place.

Résurgeance des PACs

C’est grâce à l’impunité dont ils bénéficient que les ex- PAC se réorganisent ; ils exercent une influence politique considérable. Le nouveau gouvernement d’Oscar Berger n’a pas fait cesser le processus d’indemnisation des ex-PAC pour leurs « services à la patrie » . Le paiement de ces « compensations » est contraire aux normes internationales des droits de l’Homme et scandaleux pour les victimes de ces groupes.

Peine de Mort
Au Guatemala 37 personnes sont actuellement dans le couloir de la mort.
En 2004, avec l’arrivée du nouveau gouvernement élu, le moratoire de facto mis en place par le président Portillo est arrivé à son terme. En effet, le président Berger n’a pas mise en place de nouveau moratoire.

Conformément à l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques la peine de mort ne peut être infligée que comme sanction des crimes les plus graves.

Comme l’a rappelé le Comité des droits de l’Homme des Nations Unies, le crime de kidnapping sans avoir causé la mort de la victime ne peut être considéré comme un crime des plus graves au sens de l’article 6 du Pacte, il ne peut donc donner lieu à l’application de la peine de mort3. Or pour ce seul crime il y a aujourd’hui, au Guatemala, 11 condamnés à mort.

La FIDH se félicite de la signature début janvier 2005, par le gouvernement du Guatemala et les Nations unies d’un accord concernant la création d’un bureau des droits de l’Homme.

En conséquence, la FIDH, la CDHG et le CALDH demandent à la Commission des droits de l’homme des Nations Unies d’adopter une résolution sur le Guatemala dans laquelle elle :
appelle le gouvernement à mettre en œuvre les accords de paix ;

invite le Congrès guatémaltèque à ratifier le plus rapidement possible l’accord conclu par le gouvernement concernant la création d’un bureau des droits de l’Homme ;

invite le gouvernement à faciliter la mise en place de ce bureau ;prie les autorités guatémaltèques de se conformer aux dispositions de la Déclaration des Nations Unies sur les Défenseurs des Droits de l’Homme dans la législation interne et à reconnaître leur importance dans la construction de la paix et de la démocratie ;
appelle le gouvernement et le Congrès guatémaltèque à abolir la peine de mort et à procéder à la commutation des peines de morts déjà prononcées en peine de prison et dans l’attente de l’abolition, instituer un moratoire immédiat sur les exécutions de la peine capitale.

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