Premier bilan de la 59ème session de la Commission des droits de l’Homme : Les droits de l’Homme ne sont pas une marchandise !

25/04/2003
Communiqué

A quelques heures de la clôture de la 59ème session de la Commission des droits de l’Homme des Nations unies, la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) déplore l’amplification des tractations et marchandages politiques ayant guidé le comportement et le vote d’Etats membres de la Commission.

« La Commission n’est pas une braderie et les droits de l’Homme ne sont pas une marchandise : l’évaluation annuelle des droits de l’Homme devrait intervenir à la lumière des violations des droits de l’Homme constatées par les institutions et organisations indépendantes », a déclaré Sidiki Kaba, Président de la FIDH

Résolution pays : quand les démocraties s’allient aux dictatures, ce sont les victimes qui payent

La FIDH rappelle que la responsabilité des Etats membres de la Commission est importante. Il s’agit pour la communauté internationale de se faire l’écho des victimes des violations des droits de l’Homme et prévenir la multiplication de leur nombre en les dénonçant et en instaurant des mécanismes appropriés.

Pourtant, en rejetant les résolutions initiées par l’Union européenne sur la situation des droits de l’Homme au Soudan, en Tchétchénie et au Zimbabwe ou encore en n’examinant même pas la situation des droits de l’Homme en Chine et au Tibet, en Iran, en Arabie Seoudite, en Algérie comme dans bien d’autres pays criminels, la Commission des droits de l’Homme a démontré le mépris dans lequel elle tient les revendications des victimes, leurs familles, ainsi que les organisations indépendantes de défense des droits de l’Homme.

La FIDH condamne en particulier la motion de non-action adoptée sur l’initiative de l’Afrique du Sud, dans le but d’écarter l’évaluation de la situation des droits de l’Homme au Zimbabwe, de l’agenda de la Commission. Par un détournement des règles de procédure, le Groupe des Etats africains membres de la Commission et le Groupe des Etats asiatiques - à l’exception du Japon et de La Corée- ont rejeté la résolution. Ce vote est intervenu alors même que les défenseurs des droits de l’Homme du Zimbabwe, venus plaider pour une réaction internationale contre le régime de Mugabe, ont subi des menaces directes pour leur sécurité dans l’enceinte même de la Commission.

Plusieurs démocraties composant les groupes africain, asiatique et latino-américain, tels le Sénégal et l’Afrique du Sud ou encore l’Inde, en s’alliant à des dictatures sur la question du Zimbabwe, ou bien contre la résolution sur le Soudan ou encore, avec le Brésil contre la résolution sur la Tchétchénie, portent une responsabilité accrue pour avoir rejeté les principes qui constituent le fondement même de leurs propres sociétés.

En dépit de ces échecs, la FIDH accueille avec satisfaction l’adoption de résolutions qui condamnent la situation des droits de l’Homme au Bélarus, en Corée du Nord, et au Turkménistan. Pendant trop longtemps, ces régimes coupables des violations parmi les plus graves des droits de l’Homme, ont échappé à la condamnation de l’instance onusienne. Leur condamnation cette année, à l’initiative de l’Union européenne pour la Corée du Nord et le Turkménistan, et des Etats-Unis pour le Bélarus, autorisent quelques notes d’espoir sur la capacité de cette enceinte à reconquérir sa crédibilité.

Sur la même note, le renouvellement des résolutions sur la République démocratique du Congo, la Birmanie, le Burundi, le Timor oriental, sur la situation dans les territoires occupés par Israël ou dans les colonies israéliennes, la décision sur la Colombie, rappellent combien la situation de ces pays reste notablement critique.

La FIDH note également la multiplication de résolutions sur des pays présentées au titre de la coopération technique. Au Cambodge, à Haiti et à la Somalie, se rajoutent cette année l’Afghanistan, le Liberia, le Tchad, et le Sierra Leone. Les Nations unies ont un rôle à jouer au titre de la coopération si les Etats concernés acceptent d’éradiquer les violations des droits de l’Homme, reconstruire la démocratie et lutter contre l’impunité. Mais pour être crédibles et effectifs, les programmes que développent les Nations unies dans ces domaines doivent s’appuyer sur une évaluation publique des obstacles, des progrès éventuels et sur la condamnation des violations qui persistent.

Sur le plan des résolutions thématiques, la FIDH se félicite de l’échec de la résolution cubaine sur les droits de l’Homme et la responsabilité individuelle. Adoptée depuis plusieurs années cette résolution avait pour seul but d’affaiblir les organisations indépendantes de défense des droits de l’Homme ainsi que la liberté d’expression et d’association. La FIDH se félicite en outre du renouvellement par consensus du mandat de la Représentante spéciale du Secrétaire général sur les défenseurs des droits de l’Homme.

La FIDH accueille la décision de convoquer un groupe de travail qui pourra étudier en particulier la question d’un protocole additionnel au Pacte sur les droits économiques sociaux et culturels. Les conditions d’adoption de cette résolution confirment malheureusement que dix années après la Conférence des droits de l’Homme de Vienne, nombre d’états ne reconnaissent toujours pas la légalité, l’opposabilité ou la justiciabilité des droits économiques, sociaux et culturels.

La FIDH se félicite de l’examen inédit de résolutions sur la protection des droits de l’Homme dans la lutte contre le terrorisme et sur les discriminations en raison de l’orientation sexuelle, lesquels devraient se produire lors de cette dernière journée de session.

Enfin, la FIDH se félicite de la dénonciation de la peine de mort par, cette année, 75 états (co-sponsors de la résolution), soit 9 de plus que l’année dernière. Dans un monde où le réflexe sécuritaire gagne du terrain chaque jour au dépend des droits de l’homme, il est essentiel que le rejet d’une pratique aussi condamnable prenne de l’ampleur.

Contacts presse :
Paris - Gaël Grilhot +33 (0)1 43 55 25 18
Genève - Antoine Madelin +41 (0)79 331 24 50

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