Justiciabilité des droits économiques, sociaux et culturels

Intervention écrite de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), une ONG dotée du statut consultatif spécial.
Justiciabilité des droits économiques, sociaux et culturels

Aujourd’hui, le phénomène de la mondialisation et ses conséquences sur la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels appelle à ce que la question de la justiciabilité de ces droits retienne toute l’attention de la Commission.

La FIDH rappelle que l’Etat, bien que soumis à l’influence grandissante des institutions financières internationales, des transnationales et des bailleurs de fonds, reste encore le seul sur qui pèse de véritables obligations juridiques internationales. Dans ce contexte, l’adoption d’un Protocole facultatif au Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels doit permettre de clarifier la responsabilité des Etats qui se réfugient souvent abusivement derrière cette influence grandissante d’acteurs externes.

Il a trop souvent été dit que les droits et obligations consacrés par le PIDESC étaient trop vagues pour permettre de définir précisément un manquement, notamment en comparaison avec les droits civils et politiques. En vertu de l’interdépendance et de l’indivisibilité des droits, il n’y a aucune raison pour laquelle les procédures de contrôle et de mise en œuvre du PIDESC et du PIDCP soient être différentes. De plus, il n’est pas nécessaire d’attendre que le Comité des DESC ait commenté l’ensemble du PIDESC dans ses travaux de clarification pour aller de l’avant. L’adoption rapide d’un protocole additionnel permettrait une définition plus précise du contenu des droits et donc de leur justiciabilité. La jurisprudence future servirait également à clarifier les droits et obligations consacrés par le PIDESC.

L’adoption de ce Protocole symboliserait un pas en avant essentiel, en donnant à chaque individu un moyen de recours au niveau international pour faire valoir ses droits les plus fondamentaux. La FIDH considère que la reconnaissance du droit au recours individuel est à cet égard primordiale. Il est à noter qu’au niveau international, un nombre croissant d’instruments prévoit un droit de recours individuel ou collectif en cas de non respect des droits économiques, sociaux et culturels. Le protocole additionnel viendrait s’ajouter à cette tendance mondiale en faveur d’une justiciabilité accrue -et à terme incontournable- des DESC.

La FIDH rappelle notamment que, au niveau du Conseil de l’Europe, le Comité européen des droits sociaux de la Charte sociale européenne peut être saisi par une organisation syndicale ou non gouvernementale. Une procédure similaire figure également dans le Protocole additionnel à la Charte prévoyant un système de réclamations collectives. Au sein du système interaméricain, le Protocole de San Salvador de 2000 permet de soumettre des plaintes individuelles relatives aux droits syndicaux et droit à l’éducation à la Commission et à la Court interaméricaine. Le protocole additionnel du CEDAW du 22 décembre 2000 prévoit un droit de recours individuel pour les droits civils, politiques, économiques et culturels.

Pour finir, il faut souligner que le protocole additionnel ne crée pas de nouvelles obligations en vertu du PIDESC, et ne fait que fournir un nouveau mécanisme en vue d’assurer la pleine réalisation des droits en faveur desquels la communauté internationale s’est engagée.

C’est pourquoi la FIDH demande donc à la Commission de s’engager clairement en faveur de l’adoption rapide du protocole additionnel, notamment par la mise en place d’un groupe de travail. La mise en place d’un tel groupe constituerait un message de la Commission à la communauté internationale dans son ensemble, en faveur d’un respect et d’une justiciabilité accrue des DESC. Ce groupe permettrait également aux représentants des Etats et de la société civile de débattre ensemble et de définir les organes compétents pour entendre les plaintes en matière de non respect des DESC. De plus, la concertation au sein du groupe de travail permettrait de surmonter les craintes infondées de certains Etats opposés à la justiciabilité des DESC, par crainte de se voir imposer des obligations auxquelles ils ne pourraient pas faire face, pour des raisons financières notamment.

Lire la suite