Intervention devant le Comité des experts gouvernementaux

28/09/2004
Communiqué

Intervention d’Antoine Bernard sur art 5 à 19 / 22-09-04

A ce stade de la discussion, la Fidh souhaite formuler deux remarques touchant, toutes les deux, aux moyens d’assurer l’effectivité de la Convention s’agissant d’une part des situations les plus urgentes (article 8) et d’autre part de l’articulation avec des autres instruments internationaux (article 19).

 1. La première remarque concerne l’article 8 : l’obligation de protection des expressions les plus vulnérables devrait être assortie de procédures et moyens effectifs de garantie, ce qui ne nous paraît guère être le cas en l’état de la procédure proposée pour l’examen des « situations ». Quatre questions appellent pour la FIDH un examen plus approfondi :

1.1 la composition de l’organe chargé de cet examen : l’option unique proposée confie cette tâche au Comité intergouvernemental. Or l’expérience démontre que, dans les situations les plus criantes de violations des droits fondamentaux -et c’est bien de cela qu’il s’agit- l’auto-évaluation est bien souvent synonyme d’auto-absolution. La coopération entre Etats pour résoudre les « situations » est compréhensible. Elle serait plus crédible si l’examen des « situations » était confié à un organe indépendant chargé de l’établissement et de la qualification de ces situations.

1.2 La saisine de l’organe : au terme de l’article 8 proposé, les Etats ont le monopole de la saisine de l’organe sur des situations. Là encore l’expérience démontre le peu d’empressement des Etats à utiliser ce type de procédure envers leurs pairs, en particulier s’agissant des situations les plus difficiles. La Fidh considère que l’effectivité du mécanisme serait considérablement renforcé si la saisine était ouverte aux « Ong et autres sources dignes de foi »- pour reprendre l’expression consacrée en droit international. Nous soulignons à cet égard qu’un tel dispositif donnerait à la société civile les moyens « d’assumer sa part de responsabilité en matière de protection » ; à défaut la prescription de l’article 11 risque de se limiter à un vœu pieux s’agissant pour la société civile de contribuer à la protection des expressions les plus menacées dans le cadre de la Convention. La saisine du mécanisme pourrait aussi être ouverte utilement à l’Observatoire prévu à l’article 15 tous une réserve : que le mandat de celui-ci vise autant les « bonnes » que les « mauvaises » mesures et pratiques.

1.3 La procédure d’examen serait utilement renforcée en prévoyant explicitement sont caractère contradictoire, et en précisant la notion de « délai raisonnable », déterminante dans les situations d’urgence.

1.4 Enfin, concernant la sanction, il nous paraît vain de se limiter à un mécanisme de type « proposition / invitation » comme prévu aux articles 8c/ et 2 1.3f ; l’obligation de protection des expressions les plus vulnérables nous paraît appeler l’instauration d’un mécanisme de type « d’incitation / sanction » fondé à tout le moins sur le recours à la publicité par l’organe d’examen : celui-ci devrait au moins rendre public ses conclusions lorsque, au terme du délai raisonnable à préciser, l’obligation de protection reste ignorée ; il devrait aussi faire rapport périodique public aux organes de la Convention, sur les situations examinées et les conclusions adaptées.

Pareil mécanisme n’est pas seulement très répandu dans tous les systèmes de protection des droits. Il nous paraît aussi justifié au regard de la faiblesse du mécanisme de règlement des différends entre Etats prévu à l’article 24. On peut craindre que les procédures de médiation, bons offices, arbitrage, par leur nature même ne permettent d’empêcher l’extinction des expressions les plus menacées. En pareil cas.

 2. La seconde remarque de la FIDH concerne l’effectivité de la Convention au regard de son articulation avec les autres instruments en vigueur (article 19).

La FIDH entend d’abord rappeler, comme elle l’a fait dans son intervention écrite, combien l’option B de l’article 19 paraîtrait signer l’ineffectivité immédiate et sans appel de la Convention. Le seul examen d’une telle option nous paraît s’inscrire en parfaite contradiction avec les intentions politiques proclamées.

A l’inverse, nous nous étonnons que l’option C n’ait pas été maintenue à l’examen de cette réunion, alors qu’elle était sur la table du comité d’expert : l’option C prévoyant la primauté de la Convention sur les autres instruments et consacrant ainsi la prévalance de l’intérêt général sur les intérêts spéculatifs partisans. La Fidh appelle donc à une discussion plus approfondie sur une telle option C.

En l’état de l’avant projet, seule l’option A nous paraît de nature à garantir une certaine effectivité à la convention. Faute d’autre choix, la Fidh soutiendrait donc le mécanisme exceptionnel de primauté prévu au paragraphe 2 de l’option A. Mais nous souhaitons, M. le président, conclure en soulignant qu’un tel mécanisme, justifié et nécessaire, n’est recevable et n’a de sens qu’à la lecture de l’article 2, Principes 1 et 2 et de l’article 5.1 sur la sauvegarde, en tout état de cause, des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

Ces principes constituent, de notre point de vue,la pierre angulaire de tout cet édifice conventionnel. Leur formulation en l’état est conforme aux rédactions des principaux traités dans le domaine des droits de l’Homme ; elle devrait suffire à en prévenir l’éventuelle mauvaise interprétation. Mais, dans le doute, trois précautions valant mieux que deux, il pourrait être envisagé d’y faire explicitement référence au paragraphe 2 de la variante A de l’article 19.

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