Commentaire du Code de Conduite pour les Procédures Spéciales

26/04/2007
Communiqué

Paris, Genève, 17 Avril 2007

Objet : Commentaire du Code de Conduite pour les Procédures Spéciales

Conformément à la résolution 2/1 adoptée le 27 novembre 2006, le Conseil des droits de l’Homme a chargé les groupes de travail intersessionnels d’élaborer un Code de Conduite dans le cadre du groupe de travail sur les revues des procédures spéciales.

Le paragraphe 6 de la résolution A/RES/60/51 de l’Assemblée Générale qui a crée le Conseil apporte d’importantes considérations aux Procédures Spéciales en soulignant que « le Conseil assumera, réexaminera et au besoin améliorera et rationalisera tous les mandats, mécanismes, fonctions et attributions de la Commission des droits de l’Homme de façon à maintenir le régime des procédures spéciales ».

En ce qui concerne l’élaboration du Code de Conduite, l’objectif d’améliorer et rationaliser les mécanismes et fonctions doit être érigé comme principe directeur. Le Code ne devrait donc pas affaiblir les mécanismes et leurs capacités protectrices.

Cependant, le projet de Code de Conduite présenté par le Groupe africain le 13 mars 2007 fait état d’un certain nombre de dispositions qui affaiblissent les capacités protectrices, au lieu de les renforcer, menant à une restriction sévère de la fonction préventive des rapporteurs. De plus, d’autres éléments pouvant considérablement améliorer les mécanismes et qui devraient être examinés ne sont pas mentionnés dans ce projet. En cela, nous souhaiterions qu’ils soient soumis à votre attention et nous vous invitons à les introduire dans le Code de Conduite.

A- Dangers d’affaiblissement des capacités actuelles de protection

1- Limites à la portée de la notion « d’urgence »

La notion d’urgence est réduite dans le projet du Code. D’ailleurs, la pratique actuelle décrite dans le Manuel des procédures de juin 2006 définit précisément comme « urgente » une situation où les violations des droits de l’Homme est imminente ou en cours, tandis que le projet réduit considérablement la définition à des situations de « violations massives » des droits de l’Homme.
Le but de la définition actuelle est de permettre aux Etats de réagir dans les plus brefs délais afin de prévenir les violations des droits de l’homme. Avec ce projet de Code de Conduite, les mécanismes de prévention ne seraient alors valables que dans les cas de violations massives des droits de l’Homme : ainsi, dans le cas ou un individu est sur le point d’être exécuté et le rapporteur reçoit par ailleurs des informations fiables démontrant que le jugement a été inéquitable ou l’exécution a été injuste, ce dernier ne pourra en aucun cas faire appel aux procédures spéciales pour alerter l’Etat concerné et empêcher l’exécution. En outre, des procédures spécifiques pour les violations massives sont déjà applicables au sein du Conseil, à savoir les procédures 1503 et 1235.

2- Limites à la capacité préventive de la diffusion et sensibilisation

Dans le projet actuel, l’article 10 limite la possibilité des procédures spéciales de communiquer leurs conclusions au public, sur la base d’une idée fausse de leur rôle :
il appelle les détenteurs de mandats à éviter toute déclaration qui « serait de nature à nuire au dialogue constructif » avec les acteurs concernés. La notion de « dialogue constructif » n’est pas mesurable et pourrait aboutir à de sévères restrictions sur les déclarations publiques.
Les Etats concernés responsables des violations des droits de l’homme ont souvent interêt à cacher les violations des droits de l’homme ou à nier leur responsabilité, ce qui parfois les rend criminellement responsables devant les tribunaux nationaux et internationaux. D’ailleurs, les rapporteurs sont souvent accusés de nuire au dialogue constructif s’ils révèlent la vérité à propos d’une allégation à laquelle un Etat concerné a refusé d’agir ou pour laquelle il a nié sa responsabilité.
il invite les détenteurs de mandats à faire part de leurs conclusions et recommendations au Conseil avant la publication afin que l’Etat puisse répondre. Ainsi, un obstacle supplémentaire à la connaissance des faits de la part du Conseil aura pour effet de limiter la capacité préventive des déclarations publiques.

3- Limites à l’alerte immédiate des gouvernements

La règle actuelle régissant la communication d’informations au gouvernement implique que les procédures spéciales envoient leurs allégations à la mission permanente de l’Etat concerné à Genève. Néanmoins, le Manuel des procédures spéciales fait état d’une exception à cette règle. Dans les cas de situations urgentes, les détenteurs de mandats peuvent adresser leurs communications simultanément à l’autorité concerné et à la mission permanente. Cela a pour effet de renforcer la capacité de prévention et de protection dans le cas d’une violation imminente ou en cours.
Cependant, le projet rejette cette exception. Ainsi, l’abscence de disponilité des missions permanentes et l’engorgement des missions de moindre importance dont elles ont aussi la charge entraveraient la communication urgente d’allegations à l’autorité concerné. A cet égard, l’exemple de l’execution imminente est tout aussi pertinente.

Les propositions de renforcements

1- La protection des victimes et témoins
Le 10 mars 2007 en Philippines, une femme a été tuée après avoir transmis son témoignage au rapporteur spécial des Nations Unies sur les assassinats extrajudiciaires, lors de sa visite dans le pays quelques semaines auparavant. Ce fait n’est que le plus récent d’une longue liste qui nous rappelle la vulnérabilité accrue dans laquelle sont les victimes et témoins des violations des droits de l’homme. La mission des procédures spéciales est de collecter l’information auprès d’eux ; la révélation de la nature des violations les expose à un danger de représailles. Par conséquent, le Code de Conduite devrait inclure au sein de :
l’article 5, sur les prérogatives : « le détenteurs de mandat devrait agir pour la defense des victimes de violations, notamment en appelant les Etats concernés à mettre en oeuvre des mesures urgentes, en invitant les gouvernements à répondre à ces allégations précises et à fournir réparation.
l’article 7, sur les sources d’informations, une référence sur la nécessité absolue d’assurer la protection des témoins et des sources d’informations.

2- Coopération des Etats
En vertu du paragraphe 9 de la résolution de l’Assemblée Générale 60/125, « les membres élus au conseil ont l’obligation de préserver les normes les plus élévées dans la prévention et protection des droits de l’homme et doivent pleinement coopérer avec le Conseil ». Ainsi, le Code de Conduite devra inclure un paragraphe spécifiant l’obligation des Etats de coopérer avec les procédures spéciales, qui inclue notamment :
le respect de l’indépendance et l’impartialité des détenteurs ainsi que le devoir de faciliter leur mission, dans le cadre de leur visite dans le pays, selon leurs termes de référence.
l’abscence d’immixion dans la relation établie entre les détenteurs de mandats et la société civile.
le devoir absolu d’assurer la protection des victimes et témoins et l’acceptation de la confidentialité des sources d’information.
l’application de leurs recommendations
Si les Etats membres refusent à plusieurs reprises de coopérer avec les procédures spéciales, le Conseil devra alors prendre les mesures appropriées.

En tenant compte de ces modifications qualitatives au projet du Code de Conduite, votre pays aiderait à maintenir les capacités actuelles de prévention et de protection des procédures spéciales. Les capacités de protection seraient ainsi améliorées dans bon nombre d’aspects et cela démontrerait votre engagement profond pour renforcer la responsabilité de tous les Etats, en application des objectifs et principes de la Charte des Nations Unies et de toutes les normes de la Déclaration Universelle des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous.

En vous remerciant pour votre attention sur ce sujet, nous demeurons à votre disposition pour toute information supplémentaire.

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