Espagne - Maroc/

11/10/2005
Communiqué

La FIDH exprime sa profonde indignation concernant le sort et la situation des immigrés en situation irrégulière et demandeurs d’asile à la frontière hispano-marocaine.

Dans la nuit du 28 au 29 septembre 2005, cinq personnes sont mortes en tentant de franchir la frontière hispano-marocaine à Ceuta. Le 6 octobre, six personnes sont mortes en franchissant la frontière à Melilla. De nombreuses autres personnes ont été blessées à la suite d’un usage excessif de la force par les forces de sécurité marocaines et espagnoles. Les circonstances de ces morts doivent encore être élucidées, mais plusieurs sources d’informations confirment des tirs par balle et l’usage excessif de la force du fait des forces de l’ordre. La création d’une commission d’enquête hispano-marocaine, chargée d’établir les faits et les responsables, a été annoncée.

Ces événements intervenant à l’occasion de tentatives de franchissement de la frontière hispano-marocaine ne sont pas les premiers. Dans un rapport publié en 2004, la Rapporteure spéciale des Nations unies sur les travailleurs migrants évoquait la mort de quatre ressortissants camerounais, dans des circonstances analogues.1

Ces agissements, si les responsabilités des autorités impliquées devaient se confirmer, placeraient l’Espagne et le Maroc en violation du Pacte des Nations unies sur les droits civils et politiques, ainsi que de la Convention contre la Torture.

Au surplus, un nombre important d’immigrants et demandeurs d’asile, ont été « raflés » ces derniers jours dans différentes villes marocaines, puis transférés, pour certains menotés, jusqu’aux frontières, et abandonnés en plein désert. Des témoins auraient rapporté la mort de plusieurs d’entre eux dans le désert.

En agissant de la sorte, les autorités marocaines placent le Maroc en violation de la Convention des Nations unies sur la protection des droits des travailleurs migrants et de leurs familles, en particulier de ses articles 11 et 16. En outre, le Maroc viole les dispositions de sa propre loi sur l’entrée et le séjour des étrangers au Maroc, adoptée en 2003, qui prévoient une décision de justice pour procéder à l’éloignement d’un immigrant en situation irrégulière entré illégalement sur le territoire.

La FIDH entend dénoncer avec la plus grande force, la politique de l’Union européenne et de ses Etats membres, qui entendent sous-traiter aux Etats situés à leurs frontières extérieures, la lutte contre l’immigration irrégulière. Répondre au flux migratoires en déléguant la responsabilité de bloquer ces flux aux Etats de transit révèle une politique aussi hypocrite qu’illusoire.

La FIDH ne peut que réitérer les recommandations qu’elle avait émises ces derniers mois à destination de l’UE et de ses Etats membres, à l’issue des deux missions d’enquête qu’elle avait entreprises à Malte et en Italie sur les flux migratoires et lancer un nouvel appel à l’Union européenne à mettre en oeuvre une politique cohérente et effective dans ce domaine.

Au vu des récents événements à la frontière hispano-marocaine comme à l’intérieur du Maroc, la FIDH appelle à ce que :

 Les autorités marocaines et espagnoles cessent tout acte de violence, traitement inhumain à l’encontre des immigrants ou requérants d’asile. Les autorités marocaines doivent également cesser les rafles et mesures d’expulsion collectives et respecter le droit de chacun à un traitement individuel de sa situation, en application des conventions internationales comme du droit marocain. A cette fin, la FIDH appelle les autorités marocaines à adopter une loi sur le droit d’asile ;

 La mission d’enquête bilatérale hispano-marocaine rende publiques ses conclusions, que les responsabilités des forces de l’ordre espagnoles comme marocaines soient identifiées et sanctionnées ;

 Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés accède systématiquement aux groupes d’immigrants sur le sol marocain afin d’identifier les personnes qui ressortent de son mandat de protection, et collabore avec les autorités marocaines afin de les aider à mettre en oeuvre ledit mandat ;

 Toute mesure de refoulement, expulsion, éloignement de toute personne originaire d’un pays en conflit ou bien où elle est susceptible d’être assujetie à la torture soit suspendue.

En outre, la FIDH saisit le Rapporteur spécial des Nations unies sur les travailleurs migrants d’une demande d’intervention d’urgence sur cette situation.

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