Du 9 au 12 novembre 2020, l’Agence française de développement convoquera le premier sommet mondial des banques publiques de développement (BPD) dont l’objectif est d’apporter une réponse collective aux défis mondiaux, conciliant notamment les réponses à court terme que commande le traitement de la crise de la Covid-19 avec les mesures de relance indispensable à un développement durable.
Si le Sommet, plus que jamais pertinent et opportun, doit être largement accueilli, il doit permettre de tirer les leçons du passé et façonner un avenir durable.
Cela doit nécessairement impliquer la participation des communautés affectées par les projets qui sont financés par les dites banques, ainsi que la participation de la société civile qui soutient ces communautés.
Il n’est plus à démontrer en effet, que les activités des BPD ont maintes fois aggravé la pauvreté, creusé les inégalités et alimenté des violations des droits humains (telles représailles, accaparement de terres et expulsions forcées) sans que les communautés affectées ne puisse accéder à quelconque remède utile.
Il est en conséquence primordial que le sommet rappelle l’importance du respect des normes internationales en matière de droit humains pour la réalisation des objectifs de redressement durable, et y aborde, en ce compris, les violations de droits humains qui ont été largement documentées comme liées aux investissements et projets soutenus par les Banques publiques de développement .
Le Sommet doit traiter des défis posés par l’augmentation d’investissements qui, soit manquent à être encadrés par des normes suffisantes (en matière de droits humains, protection sociale, environnement, climat et lutte contre la corruption), soit manquent à les voir appliquées en pratique lorsque ces normes existent.
La pandémie de la Covid-19 a révélé les défaillances des systèmes sanitaires, sociaux et économiques, et commande de repenser en profondeur la manière dont les gouvernements, BPD et autres acteurs pertinents opèrent.
Groupes, communautés locales et organisations appellent à ce que, les financements et soutiens des BDP s’agissant de répondre à la crise et assurer la reprise économique, respectent les droits humains, et aboutissent à une justice économique, sociale et environnementale au profit des personnes les plus vulnérables. Pour réaliser le principe fondamental de « ne laisser personne de côté » une nouvelle impulsion est en effet nécessaire .
Nous nous félicitons de ce que le Sommet puisse être l’occasion de s’engager avec les Banques publiques de développement de telle sorte que l’accord de Paris, les objectifs du développement durable (ODD) et les principes de transparence et de responsabilité puissent être mieux servis. A cette fin toutefois, et dans un souci de crédibilité et d’efficacité, il s’agit de veiller à ce que les droits humains et les besoins des communautés soient explicitement abordés. Ils doivent également faire intégralement partie de la déclaration commune qu’il est prévu d’adopter à la fin du Sommet.
Comme l’a déclaré le Haut commissaire aux droits de l’homme (HCDH) l’année dernière :
En cette décennie décisive pour la mise en œuvre des ODD, les droits humains ne sont pas seulement la voie à emprunter, mais ils sont le moyen intelligent d’accélérer la progression vers un développement plus équitable et durable. Le développement ne se résume pas aux conditions matérielles ... c’est également donner une voix aux populations ... qu’elles puissent participer activement à la conception de solutions qui leur sont propres et qu’elles puissent façonner la politique de développement. ... Donner du pouvoir aux individus, implique de se départir de solutions purement technocratiques et de ne pas les traiter comme les objets passifs d’actions charitables. Les individus sont mis en capacités lorsqu’ils sont en mesure de faire valoir leurs droits et de construire les décisions, les politiques, les règles et les conditions qui affectent leur vie
Les ODD étant centraux aux objectifs du Sommet, la participation des communautés et l’attention portée aux droits humains sont nécessairement des éléments essentiels. Il convient en conséquence d’adapter l’ordre du jour et les résultats attendus. De notre point de vue :
1. Les droits humains doivent pouvoir investir l’ordre du jour et être dûment portés par une participation et une représentation effective. Tels que prévus, il semble que la conférence dédiée aux chercheurs et le Sommet public manquent à offrir un espace spécifique aux défenseurs des droits humains et aux représentants des communautés. Pourtant, les principes de participation et d’engagement à protéger davantage l’espace ouvert à la société civile sont reconnus de longue date comme des composants clés d’un développement effectif et durable. Les organisations locales, les communautés et les organisations de défense des droits humains devraient donc être impliquées dans l’organisation de l’évènement.
Leur contribution à l’agenda et leur participation effective au sommet devraient être assurées. Réunir autour de la table les défenseurs et les communautés directement affectées par les activités des banques publiques de développement devraient en effet être une priorité.
2. Les principes d’une approche du développement fondée sur les droits humains et pilotée par les communautés doivent être inclus dans le programme et dans les résultats attendus du sommet, qu’il s’agisse des documents de recherche ou des déclarations collectives. Nous encourageons les gouvernements et les Banques publiques de développement à s’engager expressément à adopter et renforcer les principes d’une approche du développement fondée sur les droits humains et pilotée par les communautés. Ces principes doivent être renforcés à tous points de vue, qu’il s’agisse des questions de mandat, de gouvernance, de politiques et pratiques, de culture interne, de mesures d’incitation, de projets et d’activités, ou de la manière dont les banques et les gouvernement travaillent avec les autres acteurs clés.
Ces engagements devraient conduire à des améliorations, parmi lesquelles la réalisation des objectifs suivants :
(a) Participation libre et entière, des communautés directement affectées, à l’ensemble des projets et activités soutenues par les BPD et consentement libre, préalable et informé des populations autochtones. Des approches innovantes doivent être développées pour répondre tant à la fermeture progressive de l’espace utile dont dispose la société civile, qu’aux risques et défis auxquels sont confrontés les communautés et les défenseurs des droits humains pour participer effectivement, et de manière significative, aux décisions qui ont un impact sur leur vie, leurs moyens de subsistance, leur environnement et leurs ressources. Des politiques de « tolérance zéro » contre les menaces et les représailles par les Banques publiques de développement et leurs clients devraient être une exigence minimale, fondamentale et essentielle.
(b) Identification des investissements qui sont conformes aux normes internationales en matière de droits humains, de climat et d’ODD, réorientation des investissements vers un développement qui respecte ces normes et veille à rencontrer les priorités et les besoins des personnes marginalisées.
(c) Amélioration des politiques sociales et environnementales via l’inclusion des normes relatives aux droits humains. Les BPD et leurs clients devraient se reconnaître expressément comme liés par les principes et normes inscrits dans les conventions internationales de protection des droits humains. Les politiques et procédures de sauvegarde devraient garantir que les activités financées directement ou indirectement par les BPD respectent les droits humains, ne contribuent pas à des violations en la matière, mais conduisent, en lieu place, à un développement équitable et inclusif qui profite à tous.
(d) Développement et amélioration des mécanismes de transparence, suivi, surveillance, réclamation et responsabilité pour prévenir et parer les atteintes aux droits humains du fait des activités et les investissements des BPD.
(e) Adoption des mesures visant à assurer que les clients et partenaires du secteur privé adoptent des normes élevées en matière de droits humains et d’environnement, et n’éludent pas l’impôt
(f) Élaboration d’orientations communes aux BPDs quant aux obligations ex ante de vigilance due et d’études d’impacts en matière de droits de humains applicables aux projets d’investissements et aux soutiens apportés aux politiques ou programmes de réformes économiques. Cela comprend l’identification des risques contextuels et spécifiques, des stratégies de prévention et d’atténuation, et l’accès aux remèdes conformément aux normes internationales en matière de droits humains. Il s’agit également de veiller à ce que ces évaluations soient élaborées en étroite consultation avec les communautés affectées et soient réalisées de manière itérative sur base de l’évolution des conditions et des nouvelles informations.
(g) Élaboration d’approches coordonnées qui soient de nature à garantir que les activités soutenues par les BPD n’aggravent pas la dette ou ne contribuent pas à des réductions des dépenses publiques de nature impacter négativement sur les droits humains ou sur l’accès aux services essentiels pour les plus vulnérables.
Comme l’a rappelé le HCDH, une gouvernance efficace pour le développement durable exige une gouvernance non discriminatoire, inclusive, participative et responsable.
La décennie la plus décisive pour la mise en œuvre des ODD étant devant nous - et dans le contexte de crises sanitaires, environnementales, économiques et sociales croisées - il sera essentiel de renforcer l’intégration et la cohérence entre les objectifs de développement et de droits humains :
Les droits humains … sont le moyen intelligent d’accélérer la progression vers un développement plus équitable et durable.
Les banques publiques de développement devraient assurer à la société civile, aux communautés et aux défenseurs des droits humains une participation effective aux différentes phases (appréciation, conception, mise en œuvre, suivi et évaluation) de leurs activités et projets, ainsi à leurs processus de décision. Pour ces raisons, l’ordre du jour et les résultats du Sommet devraient dûment refléter le caractère essentiel pour un développement effectif et durable d’un développement fondé sur les droits humains et piloté par les communautés.
Restant à votre disposition pour de plus amples informations