Une pancarte photographiée le 18 décembre 2015 à Nairobi portant la mention "Je suis Burundi"

L'autorisation de la Cour pénale internationale pour une enquête sur le Burundi concerne des faits de "meurtre et tentative de meurtre, emprisonnement, torture, le viol, disparition forcée et persécution".

afp.com/TONY KARUMBA

Les troubles au Burundi vont-ils faire l'objet de condamnations? Les juges de la Cour pénale internationale (CPI) ont autorisé l'ouverture d'une enquête sur des crimes contre l'humanité présumés qui auraient fait au moins 1200 morts dans le pays africain ces dernières années. La décision, critiquée par le gouvernement burundais, a été rendue sous scellés le 25 octobre dernier, deux jours avant que le Burundi ne devienne le premier Etat à quitter la CPI.

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"[La Cour] a autorisé le procureur [...] à ouvrir une enquête sur des crimes relevant de la compétence de la Cour qui auraient été commis au Burundi ou par des ressortissants burundais à l'extérieur de leur pays depuis le 26 avril 2015 et jusqu'au 26 octobre 2017", a-t-elle annoncé ce jeudi dans un communiqué.

Une enquête pour meurtres, tortures, viols..."

L'autorisation concerne "notamment: le meurtre et la tentative de meurtre, l'emprisonnement ou la privation grave de liberté, la torture, le viol, la disparition forcée et la persécution". Ce pays de la région des Grands Lacs est plongé dans une grave crise depuis que le président Pierre Nkurunziza a annoncé en 2015 sa candidature à un troisième mandat, qu'il a obtenu après une élection boycottée par l'opposition.

Les violences qui ont accompagné cette crise auraient engendré, outre la mort de plus d'un millier de personnes, la détention illégale et la torture de milliers d'autres, des centaines de disparitions ainsi que le déplacement de plus de 400 000 personnes entre avril 2015 et mai 2017, d'après les estimations de la Cour basée à La Haye.

Des crimes commis par des agents de l'Etat?

Ces crimes auraient été commis par des agents de l'État, "dont la police nationale burundaise, le service national de renseignement et des unités de l'armée burundaise" opérant "conjointement avec des membres des Imbonerakure, la ligue des jeunes du parti au pouvoir", a affirmé la Cour pénale internationale.

Le retrait du Burundi de la CPI a pris effet le 27 octobre, mais celle-ci reste "compétente à l'égard de crimes qui auraient été commis pendant que le Burundi était un Etat partie au Statut de Rome", traité fondateur de la Cour, période durant laquelle Bujumbura reconnaissait sa juridiction, a-t-elle souligné. "Le Burundi est tenu de coopérer avec la Cour dans le cadre de cette enquête car celle-ci a été autorisée le 25 octobre 2017, avant la date à laquelle le retrait a pris effet", ont insisté les juges.

"La CPI vient de se tirer une balle dans le pied"

Le gouvernement burundais a de son côté immédiatement dénoncé l'ouverture de cette enquête. "La CPI, corrompue, vient de se tirer encore une balle dans le pied", a réagi le responsable de la communication présidentielle Willy Nyamitwe sur Twitter. "La tricherie saute aux yeux. Sans doute que le Burundi sortira vainqueur de cette bataille, c'est la dernière carte de l'Occident."

Alors que Bujumbura dénonce une autorisation "antidatée", la Cour explique avoir voulu permettre à la procureure Fatou Bensouda de "préparer et mettre en oeuvre des mesures de protection" envers "les victimes et les témoins potentiels".

"Une décision courageuse", FIDH

La procureure pourra étendre son enquête avant ou après les dates annoncées "si certaines conditions juridiques sont remplies" et l'élargir à d'autres crimes tels que les crimes de guerre et/ou le génocide. Si elle recueille suffisamment de preuves, Mme Bensouda demandera aux juges "de délivrer soit des citations à comparaître soit des mandats d'arrêt".

La Fédération internationale des ligues des Droits de l'Homme (FIDH) a salué une "décision courageuse alors que l'enquête annoncée sera semée d'embûches, en raison de l'opposition violente d'un régime en pleine dérive autoritaire".

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