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François Hollande au Maroc pour « une nouvelle phase de partenariat »

La France et le Maroc veulent démontrer, à l’occasion de la visite de François Hollande ce week-end à Tanger, que leurs relations sont désormais au beau fixe après une brouille qui aura duré une année.

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Publié le 19 septembre 2015 à 00h51, modifié le 19 septembre 2015 à 22h18

Temps de Lecture 6 min.

Le chef de l’Etat a été accueilli par le roi Mohammed VI à sa descente d’avion à Tanger.

Une visite « de travail et d’amitié ». C’est ainsi que l’entourage du président n’a eu de cesse de présenter le déplacement qu’effectue François Hollande au Maroc, samedi 19 et dimanche 20 septembre. Le chef de l’Etat a été accueilli par le roi Mohammed VI à sa descente d’avion à Tanger. « Je voulais que la France et le Maroc puissent entrer dans une nouvelle phase de partenariat », a indiqué le président français.

« Nous avons une volonté commune d’agir en Afrique et également de lutter contre le terrorisme, qui reste notre plus grande priorité ».

Les deux pays ont déjà signé un accord pour la formation d’imams français au Maroc au sein de l’Institut Mohammed VI, avec l’objectif d’en faire un rempart contre la radicalisation. Selon la déclaration co-signée par le ministre français des affaires étrangères, Laurent Fabius, et le ministre marocain des affaires islamiques, Ahmed Toufiq, des imams français recevront une formation théologique de deux ans à Rabat, qui sera complétée par une formation civique, reprenant les principes de la République, dispensée en France. « Une solution transitoire », précise-t-on du côté français, en attendant que la France ait la capacité d’offrir une telle formation.

L’Institut de formation des imams Mohammed VI, qui a ouvert ses portes en mars 2015 à Rabat, est une des pierres angulaires de la diplomatie religieuse menée par le Maroc, qui met en avant la pratique d’ un « islam du juste milieu ». Dès 2013, Mohammed VI, commandeur des croyants, avait répondu positivement à la demande du Mali de former une partie de ses imams. D’autres pays avaient alors formulé la même demande, conduisant le Maroc à ouvrir un institut dédié qui accueille aujourd’hui quelque 600 étudiants. Côté français, un premier contingent d’une cinquantaine d’imams devrait recevoir cette formation en 2015.

Visites et dîners à Tanger, « la ville préférée du roi »

La visite intervient quelques mois après la fin de la crise diplomatique qui avait empoisonné les relations entre les deux pays pendant une année. En février 2014, Rabat avait en effet suspendu sa coopération judiciaire avec Paris, après qu’une juge d’instruction eut adressé une convocation au chef du contre-espionnage marocain, Abdellatif Hammouchi, visé en France par plusieurs plaintes pour torture. Une année et de nombreuses médiations ont été nécessaires pour sortir de cette brouille : en février 2015, les ministres de la justice des deux pays ont signé un protocole additionnel à la convention d’entraide judiciaire existante.

Dénoncé en France par des ONG et des magistrats, qui y ont vu une remise en cause du secret de l’instruction et de la compétence universelle de la France, l’accord a été adopté cet été par les deux chambres du Parlement français. « La brouille a pris fin il y a plusieurs mois, mais symboliquement, cette visite va marquer le fait que la page est bel et bien tournée », souligne l’historien Pierre Vermeren, spécialiste du Maghreb.

Le président, qui sera notamment accompagné de Laurent Fabius et Ségolène Royal, sera accueilli par le monarque marocain à l’aéroport de Tanger. Au programme : des entretiens bilatéraux, mais aussi la visite de plusieurs chantiers emblématiques du développement de la ville et de la présence de grands groupes français : le port de Tanger MED, troisième plus important d’Afrique, et la ligne à grande vitesse Tanger-Casablanca, actuellement en construction. Les deux chefs d’Etat partageront deux repas, l’un au cours d’une réception, l’autre privé. Une proximité voulue de part et d’autre pour marquer les relations personnelles entre les deux hommes, tient-on à préciser à Paris.

Un signal d’autant plus fort que cette visite au Maroc a été précédée, mi- juin, par un déplacement du président français à Alger. François Hollande, soupçonné lors de son élection en 2012 d’être plus proche de l’Algérie que du Maroc, prend bien soin d’équilibrer ses relations avec les deux grands rivaux du Maghreb. La présence dans la délégation française de deux ministres d’origine marocaine, Najat Vallaud- Belkacem, ministre de l’éducation nationale, et Myriam el-Khomri, ministre du travail, devrait également être très bien perçue par les autorités marocaines.

Le choix de la ville de Tanger pour recevoir le président français n’est pas non plus anodin. « C’est la ville préférée du roi depuis toujours, souligne Pierre Vermeren. Il réside régulièrement au palais royal de Tanger. Il lui a consacré un important développement et ce qu’elle est devenue incarne la politique du roi : cette volonté physique d’arrimer le Maroc à l’Europe. » Alors que le nord du pays avait été abandonné sous le règne de Hassan II, Mohammed VI, depuis son accession au trône en 1999, a œuvré à son désenclavement. Tanger a notamment bénéficié d’imposantes infrastructures, investissements étrangers et programmes de rénovation urbaine.

Enfin, François Hollande et Mohammed VI poseront la première pierre d’un institut de formation aux métiers des énergies renouvelables, une priorité pour le Maroc qui s’est engagé à avoir 42 % d’énergies renouvelables dans son mix énergétique d’ici à 2020 et présidera la Cop22 en 2016, après Paris.

Une amitié à mettre en scène, et des dossiers de fond

« Faire trois visites de terrain avec le roi est sans précédent et montre que la récente dispute entre les deux pays est terminée », souligne un diplomate français.

« Depuis plusieurs mois déjà, on n’est plus dans la réconciliation mais dans la reprise d’une relation très dense et dans l’identification de nouveaux chantiers sur lesquels on peut travailler. »

« Il y a avec ce voyage la volonté de mettre en scène l’amitié entre les deux pays et leurs chefs d’Etat, mais au-delà, les véritables dossiers de fond ne manquent pas », souligne Pierre Vermeren, citant « le récent départ du chef du renseignement algérien, le général Toufik, la lutte contre le terrorisme, la question des combattants étrangers qui rejoignent l’Etat islamique en Syrie et en Irak, la guerre au Yémen, la situation au Sahara, ou encore le soutien de la France à la position marocaine sur le Sahara occidental ».

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Pour la France, l’enjeu de la visite sera aussi économique alors qu’elle n’est plus le premier partenaire commercial du royaume, une place depuis peu détenue par l’Espagne (Paris reste toutefois le premier partenaire économique). Des représentants de grandes entreprises françaises – dont la SNCF, Alstom, CMA-CGM, Renault ou encore Veolia – feront partie de la délégation française.

Critiques sur les droits de l’homme

A la veille de cette visite, les seules notes discordantes sont venues des ONG françaises. Plusieurs associations de défense des droits de l’homme, dont la FIDH, se sont ainsi inquiétées que ce déplacement ne soit l’occasion de décorer de la Légion d’honneur Abdellatif Hammouchi. En février, le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve avait lui-même annoncé que Paris remettrait prochainement au chef de la DGST marocaine les insignes d’officier de la Légion d’honneur pour son rôle dans la lutte contre le terrorisme. L’entourage du président a toutefois démenti la remise de cette décoration lors de la visite présidentielle.

De son côté, Reporters sans frontières, qui classe le Maroc 130e sur 180 pays pour la liberté de la presse, s’est dit « inquiète de la situation actuelle de la liberté d’information dans le pays, où la critique de sujets tabous tels que la monarchie ou l’intégrité territoriale peut amener à de lourdes condamnations ». L’organisation cite notamment le cas de l’universitaire et historien marocain, Maati Monjib, président de l’association Freedom Now pour la liberté de la presse, qui dénonce « un harcèlement » de la part des autorités et a entamé une grève de la faim de trois jours le 16 septembre.

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