Table ronde : Invitation à la réflexion en vue de l’abolition de la peine de mort

24/01/2018
Evénement
AFP

En Tunisie, le parcours des militantes et militants pour l’abolition de la peine de mort est encore long. Ils continuent à le suivre avec beaucoup de courage et de détermination.
Les arguments solides et pertinents ne manquent pas, mais les voix contre l’abolition et pour l’application de cette peine cruelle sont de plus en plus fortes pendant les moments de crise et sous le choc des attentats terroristes.
En vue de l’abolition de cette peine cruelle, nos efforts, doivent être conjugués.

Cette rencontre se tiendra le vendredi, 26 janvier 2018 de 10h à 13h à l’hôtel Golden Tulipe El Mechtel (salle Diamant) en présence de la commission des libertés individuelles et de l’égalité.
En partenariat avec la CTCPM et la SNJT.

En 1977, seuls 16 pays avaient aboli la peine de mort. Quarante ans après, deux tiers des pays à travers le monde y ont renoncé dans la loi ou la pratique (146 Etats en 2017).
L’abolition suit le cours de l’histoire et progresse dans le but de soulager l’humanité de ce châtiment cruel.

La Tunisie, quant à elle, a franchi des pas significatifs dans cette direction et n’a procédé à aucune exécution depuis 1991. En 2012, le pays a également voté en faveur de la résolution des Nations Unies appelant à un moratoire universel sur l’application de la peine de mort et se classe ainsi parmi les pays ayant annulé cette peine dans la pratique. Toutefois, la Tunisie devrait s’armer encore plus de courage et de volonté politique pour abolir la peine capitale dans ses lois.

Les arguments en faveur de ce choix sont multiples mais peuvent être synthétisés dans les cinq points suivants :

 La peine de mort est une sanction irrévocable et ne peut être révisée si elle est appliquée à l’encontre de personnes innocentes à l’instar du jeune Maher Mannai condamné depuis 2004 à la peine de mort alors qu’il n’a jamais cessé de clamer son innocence. Il est, depuis, emprisonné mais de nouveaux éléments et témoignages sont apparus et le 26 octobre 2017 il a été décidé de revoir son dossier. Si la peine de mort avait été appliquée, il aurait été impossible de revenir en arrière pour prendre en considération les nouvelles données.

 La peine de mort est une sanction discriminatoire et injuste, elle est souvent prononcée à l’encontre des catégories les plus démunies et les plus vulnérables en Tunisie. Les peines de mort prononcées reflètent les disparités sociales et régionales flagrantes puisque les ouvriers, chômeurs et agriculteurs constituent 68% du total des condamnés à la peine capitale jusqu’en 2012 et sont pour la plupart originaires des zones marginalisées.

 La peine de mort est une sanction sélective qui relève de la vengeance, pas de la justice. En Tunisie, le nombre des personnes exécutées depuis l’indépendance est de 135 et la plupart ont subi la peine capitale pour des considérations politiques. Ainsi, l’abolition de la peine de mort devient une garante de la démocratie.

 La peine de mort est une sanction non dissuasive puisqu’il n’existe aucune preuve qui démontre que l’application de la peine capitale dissuade plus que les autres peines ni qu’elle ait un effet dissuasif sur les terroristes. Bien au contraire, plusieurs exemples dans la région prouvent que cette peine ne fait qu’alimenter le cycle de la violence. Le gouvernement irakien qui fait face à un grand défi de terrorisme n’a obtenu aucun résultat probant en recourant de manière intensive à la peine capitale depuis 2005. Par contre, l’Algérie observe un moratoire sur la peine de mort depuis le début de la fameuse décennie noire en 1993 et a ainsi contribué à mettre un frein aux activités des groupes terroristes takfiristes. Le Rwanda a également eu la volonté et le courage politiques pour abolir la peine de mort dépassant ainsi les conséquences et les douleurs de la guerre civile et du génocide qui ont fait un million de victimes. La justice demeure le moyen le plus efficace parce qu’elle prône la vie alors que le terrorisme et la peine capitale font l’apologie de la mort.

 La peine de mort viole le doit à la vie consacré et garanti dans la Constitution tunisienne (article 21). Le maintien de cette peine s’oppose au droit à la vie et l’Etat ne peut pas appeler à ne pas tuer en tuant lui-même en vertu de la loi. Une telle situation ne peut qu’attiser la haine et développer les désirs de vengeance.

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