LA FIDH soutient "SONITA" de Rokhsareh Ghaem Maghami

19/10/2016
Evénement

C’est l’un des grands désespoirs de notre époque, fondé sur les pires préjugés : pouvoir vendre des femmes ou filles y compris très jeunes à des hommes souvent beaucoup plus âgés qu’elles sous prétexte qu’elles n’ont pas leur mot à dire sur leur sort et seraient destinées à demeurer à vie au foyer, en cuisines.

Sonita, jeune afghane clandestine en Iran, ne vit que pour la musique et en particulier le rap. Elle veut enregistrer avec un ami, Ahmed, un morceau, « Fiancée à vendre » mais se heurte à l’interdiction pour les femmes de chanter en soliste en Iran depuis la révolution de 1979. Mais ce n’est pas la seule menace qui la guette : l’autre est celle du retour en Afghanistan où l’un de ses frères veut la marier de force pour 9000 dollars qui lui permettraient à son tour de prendre femme, ou plutôt de l’acheter. D’après l’UNICEF, on estime actuellement à plus de 700 millions le nombre de femmes mariées pendant leur enfance. Plus d’un tiers l’ont été avant 15 ans.

Un jour, sa mère vient la voir en Iran avec pour mission de la ramener. L’obstacle est surmonté : l’équipe de tournage du film qui suit Sonita acquitte la somme des 2000 dollars et lui permet de pouvoir demeurer six mois supplémentaires en Iran. La tradition recule d’autant, et le sursis obtenu entrouvre une lucarne sur l’espoir, car pendant ce délai Sonita, l’hirondelle (traduction de son prénom), va prendre son envol en tournant enfin le clip de sa chanson, moment de bravoure du film qui joue avec le maquillage qui dégouline sur les joues de la jeune fille grimée en robe de mariée, comme si elle venait d’être souillée en étant vendue, chantant sa douleur, son incompréhension, son soulèvement au cœur même de la représentation de ce qui devrait signifier sa soumission. C’est aussi la réponse cinglante aux tenants de la domination masculine qui pensent que pour une femme « trouver un mari c’est comme trouver un bon job ».
Sa vidéo vue quelques milliers de fois sur internet lui entrouvre la possibilité de se voir octroyer une bourse grâce à laquelle elle pourra étudier la musique aux Etats Unis. Mais elle devra se risquer au retour en Afghanistan pour y faire établir un extrait de naissance et y obtenir un passeport, avec la crainte d’être retenue là-bas. Quand elle verra sa mère à Herat, Sonita ne lui dira pas qu’elle est sur le point de partir si loin. Le retour au pays natal est suffocant, sur fond d’attentats qu’on découvre au petit matin en regardant la télévision à l’hôtel de Kaboul, de contrôles. Pourtant elle ressort du bureaux des passeports avec le sésame

Et la leçon ultime de Sonita, outre la révolte contre le silence des traditions néfastes, est bien celle-là : il faut savoir résister et ne pas perdre ses rêves en chemin, avec sa persévérance intacte, ce refus d’être l’objet des hommes et avec encore plus de chances d’aboutir quand une cinéaste s’implique jusqu’à devenir pendant trois années le témoin filmeur de cette histoire vraie, qui aboutit au meilleur : la liberté individuelle, loin des théologiens aveugles. Nul doute que cette implication subjective et partisane de la cinéaste, dont le documentaire creuse encore la brèche ouverte par un autre documentaire, No Land’s Song sur des femmes chanteuses iraniennes que nous avions également relayé cette année, a donné plus de solidité et de possibilités d’aboutir aux rêves de Sonita !

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