Des ONGs des droits humains demandent à la CPI un examen préliminaire de la situation au Mexique

La FIDH, la CMDPDH et la CCDH ont présenté aujourd’hui au Bureau de la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI) un rapport sur les tortures, les privations graves de liberté et les disparitions forcées, commises entre 2006 et 2012 à Baja California par les forces armées et de sécurité de l’Etat.

Les informations figurant dans ce rapport établissent que ces faits constituent des crimes contre l’humanité relevant de la compétence de la CPI. Elles démontrent également le caractère systématique et généralisé de ces crimes, qui s’inscrivaient dans une politique gouvernementale mise en œuvre par les autorités militaires et policières. Les civils ont été pris pour cible afin de pouvoir afficher « des progrès et des succès » dans la lutte contre le crime organisé.

« Les crimes commis par les forces de sécurité au Mexique sont des crimes contre l’humanité qu’il convient de ne pas laisser impunis » a déclaré Karim Lahidji, président de la FIDH. « La CPI a compétence pour examiner ces crimes et, aux vues de l’impunité dont jouissent les plus hauts responsables, pour ouvrir une enquête » a-t-il ajouté.

Les informations présentées font apparaître que ces actes, commis par des autorités essentiellement militaires, obéissaient à un schéma bien précis : les civils étaient appréhendés à leur domicile sans mandat d’arrêt, torturés dans des infrastructures militaires, obligés à signer des feuilles blanches qui servaient ensuite à les incriminer ou à incriminer des tiers, et accusés à titre mensonger de détention d’armes ou de stupéfiants. Dans plusieurs cas, ils ont été présentés aux médias comme responsables. Tous ces faits se sont déroulés avec la connaissance, l’accord, voire la participation directe, des principaux responsables militaires et policiers de Baja California. Dans toutes les affaires documentées par les organisations, les victimes ont, faute de preuves, été disculpées des charges retenus contre elles. D’autres attendent encore l’issue des procédures engagées contre elles ; procédures entâchées de preuves contradictoires et discutables. Inversement, aucun militaire ou policier de haut rang n’a été poursuivi devant un tribunal pénal mexicain des crimes commis à l’encontre des civils, y compris d’actes de torture.

Les informations présentées au Bureau de la procureure illustrent cette pratique et concernent une centaine de victimes. Il s’agit de la seconde communication présentée au Bureau dde laprocureure de la CPI par la FIDH et la CMDPDH concernant des crimes contre l’humanité perpétrés au Mexique dans le cadre de la guerre dite « contre le narcotrafic ». Elle vient compléter une première communication qui avait été déposée en octobre 2012.

Les organisations estiment qu’il existe une base raisonnable pour croire que ces crimes commis au Mexique, qui n’ont fait l’objet d’aucune enquête ni sanction, relèvent de la compétence de la CPI. C’est pourquoi les organisations ont demandé au Bureau de la procureure de procéder, comme l’exige l’article 15 du Statut de Rome de la CPI, à un examen préliminaire des crimes contre l’humanité, de torture, de privation grave de liberté et de disparition forcée, afin de statuer sur l’ouverture éventuelle d’une enquête au Mexique.

« Face à l’absence de réponse des autorités mexicaines aux demandes de justice des victimes, la CPI constitue le dernier recours pour que ces crimes graves ne restent pas impunis au Mexique », a déclaré Paulina Vega, Vice-Présidente de la FIDH et membre du Comité de Direction de la CMDPDH.

« La population de Baja California a souffert, à titre collectif, de ces opérations qui visaient des citoyens innocents. Une enquête effective s’impose pour traduire en justice les plus hauts responsables, afin que ces crimes ne se reproduisent pas et que la torture ne fasse plus partie du mode opératoire des corps de sécurité de l’Etat » a déclaré Raúl Ramírez Baena, Directeur de la Commission citoyenne des droits de l’Homme du Nord Ouest.

Le Statut de Rome est entré en vigueur au Mexique le 1er janvier 2006. En décembre de la même année, le président Felipe Calderón a lancé sa stratégie de sécurité intitulée « guerre au narcotrafic », dans laquelle des fonctions propres à la police ont été dévolues aux forces militaires, sans que celles-ci ne soient encadrées. Cette stratégie s’est traduite par des niveaux élevés de violence de la part des forces armées et, par voie de représailles, de la part des groupes criminels organisés. Bien que le discours en matière de sécurité ait évolué depuis l’entrée en fonctions du président Peña Nieto en décembre 2012, les statistiques font apparaître que la violence perdure, que les crimes commis dans ce cadre n’ont fait l’objet d’aucune enquête et que les plus hauts responsables n’ont pas été sanctionnés.

Depuis 2006, d’après le président de la Commission nationale des droits de l’Homme, les plaintes pour tortures imputées aux forces armées et de sécurité ont augmenté de 500%. D’après les statistiques des autorités et celles du Groupe de travail sur les disparitions forcées des Nations unies, plusieurs milliers de personnes auraient disparu ; d’après les chiffres du Bureau du procureur général de la République, plus de 8.000 personnes auraient fait l’objet de « garde à vue à domicile » arbitraire ; et les exécutions arbitraires, d’après les statistiques du Rapporteur des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires à la suite de sa visite au Mexique en 2012, auraient fait plus de 70.000 victimes.

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