La Banque de l’UE semble sur le point de manquer à devenir un prêteur responsable

La Banque européenne d’investissement (BEI) clôture aujourd’hui la consultation publique entreprise en vue de la révision de son cadre de durabilité environnementale et sociale (CDES). De nombreuses organisations de la société civile (OSC) ont envoyé aujourd’hui leurs contributions écrites. Elles font part de leur déception et appellent à des améliorations concrètes pour garantir que la banque puisse agir en tant que prêteur responsable à l’avenir.

Le Cadre de durabilité environnementale et sociale (CDES) doit guider toutes les opérations de la banque et assurer qu’elle « contribue activement au développement durable et à la croissance inclusive » *.

Or, bien que la BEI se soit engagée à intensifier l’impact positif de ses opérations, le projet de CDES qu’elle propose est lacunaire. Les OSC soulignent en particulier à quel point les considérations relatives aux droits humains sont insuffisantes.

En 2020, une étude du CEE Bankwatch Network et de Counter Balance a révélé les nombreuses violations des droits humains et impacts environnementaux liées aux projets financés, du Kenya à la Géorgie et à la Bosnie-Herzégovine. Au Népal, une enquête récente a reconnu le bien fondé des réclamations faites par les communautés locales affectées par un projet financé en contravention avec les propres normes environnementales et sociales de la BEI.

Le mois dernier, faisant écho aux demandes de la société civile, le Parlement européen a exhorté la banque à « renforcer son suivi des projets conduits en dehors de l’UE » et à respecter son « devoir de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme ». Les deux rapports parlementaires ont également demandé à la BEI d’accroître sa présence sur le terrain et d’avoir davantage de personnel qui se concentre sur les questions de développement. Le parlement commande ainsi que la banque se donne les moyens de respecter le principe selon lequel il est impératif de « ne pas nuire » dans le cadre de ses opérations.

Pourtant, la banque n’a suivi aucune de ces recommandations. La BEI refuse toujours d’effectuer une diligence raisonnable en matière de droits humains et a rejeté les demandes des OSC pour un processus de consultation ouvert et efficace.

Si le projet de CDES est adopté tel quel, la réalisation des engagements sociaux et environnementaux de la BEI seraient compromis et la banque serait à la traîne comparée à ses homologues. Sans une diligence raisonnable et des responsabilités clairement définies, la BEI pourrait ne proposer rien de mieux que la moyenne des banques commerciales. La banque de l’UE perdrait de vue sa mission publique qui est d’assurer de réels bénéfices aux personnes affectées par ses opérations.

La BEI est le bras financier de l’Union européenne et est actuellement en train de se transformer en « Banque européenne pour le climat ». Par ailleurs, elle étudie la possibilité d’intensifier ses opérations de développement hors d’Europe. Son pouvoir macroéconomique s’accroit, la banque étant au cœur du financement du Green Deal européen et des plans de relance de l’UE pour faire face aux impacts économiques de la pandémie de Covid-19.

Xavier Sol, directeur de Counter Balance, a déclaré : « Au cours des dernières années, la BEI a pris des engagements précieux sur le climat et est devenue une institution financière majeure. Pourtant, alors qu’elle est loin d’honorer ses promesses, ce qu’elle propose maintenant, c’est un ensemble de normes environnementales et sociales défaillantes, la BEI se délestant en outre largement de ses responsabilités sur ses clients. Il est urgent que le président de la BEI, Monsieur Hoyer, et les actionnaires de la banque inversent cette tendance et veillent à ce que la BEI devienne un prêteur responsable et fasse preuve de diligence raisonnable ».

Aleksandra Antonowicz-Cyglicka, coordonnatrice des droits humains et du soutien communautaire
à CEE Bankwatch Network, a déclaré : « En tant qu’organe de l’UE, la BEI doit défendre les droits humains. Elle ne peut être impliquée dans des projets qui violent les droits fondamentaux, sous peine de nuire à la crédibilité internationale de l’UE. Tel que proposé, le Cadre de durabilité environnementale et sociale ne protège pas les droits humains. Nous attendons de la direction de la BEI qu’elle améliore sa diligence raisonnable en matière de droits humains et qu’elle renforce ses exigences à l’égard des promoteurs de projets ».

Gaelle Dusepulchre, Représentante permanente de la FIDH auprès de l’UE a déclaré : « les droits humains et le principe de développement mené par les Communautés devraient fonder les opérations de la BEI. Le manque de responsabilités claires de la BEI et de ses clients à respecter les droits humains est une réelle source de préoccupation. La Banque doit élaborer une politique globale en matière de droits humains. Cette politique doit mettre les politiques et les opérations de la Banque en conformité avec ses obligations. Il s’agit d’un élément déterminant afin que ses opérations puissent bénéficier véritablement à ceux auxquels elles sont supposées bénéficier : la population ».

Catherine Gatundu, responsable des moyens de subsistance et du climat chez Action Aid, a déclaré : « Compte tenu des ambitions climatiques et de développement de la BEI, il est absolument essentiel que les femmes et les communautés soient entendues lorsque les décisions affectent leur vie et leur environnement. Des mesures urgentes sont nécessaires pour que ce processus de révision du CDES et toutes les décisions d’investissement qui s’en suivront, soient inclusifs et utiles, également pour les personnes vivant dans les pays du Sud ».

Ouafa Haddioui, coordinatrice de programme chez Arab Watch Coalition, a déclaré : « Alors que de nombreux pays dans lesquels opère de la BEI sont confrontés à une crise des droits humains, la proposition de la BEI manque encore de progrès substantiels. Les conséquences pour les populations pourront être importantes ». Elle ajoute « que la consultation publique, étant menée exclusivement dans les langues officielles de l’UE, ait largement exclu les communautés locales, doit également être déploré ».

— Notes pour les éditeurs –

* Le CDES est composé d’une politique et de 11 normes couvrant une variété de sujets tels que la participation du public, les droits des peuples autochtones ou la protection de la biodiversité.
* Plusieurs contributions conjointes d’OSC sont disponibles en anglais :
Sur la politique environnementale et sociale de la BEI
Sur le thème transversal des droits humains
Sur la norme sur l’engagement des parties prenantes
Sur la norme sur la biodiversité
Sur la norme sur les intermédiaires financiers

Lire la suite