Une meilleure coordination et une indépendance renforcée de la justice contre la corruption transnationale en Amérique latine

Communiqué commun

Paris, le 2 mars 2017. Conjointement avec ses organisations membres, la FIDH exprime son inquiétude concernant la corruption grave qui sévit en Amérique latine, comme l’illustre entre autres l’affaire Odebrecht qui implique les plus hautes sphères de la société dans plusieurs pays de la région. Ils demandent l’indépendance de la justice et transparence dans la lutte contre ce fléau.

Odebrecht est une entreprise de construction brésilienne qui participe à des projets d’infrastructure dans différents pays depuis 1979. Utiles au développement national qui garantit les droits économiques, sociaux et culturels des citoyens, ces projets ont été entachés de graves faits de corruption. Ils ont coûté plus du double du budget initial, entraînant un surcoût considérable imputé aux fonds publics et portant atteinte à la démocratie et à la protection des droits humains.

Le Brésil, le Venezuela, la République dominicaine, le Panama, l’Argentine, l’Équateur, le Pérou, le Guatemala, la Colombie et le Mexique sont touchés par la corruption. Des présidents en exercice, anciens présidents, ministres, sénateurs et directeurs d’organismes publics sont notamment impliqués.

Bon nombre d’entreprises sont impliquées dans des actes de corruption transnationaux en Amérique latine, c’est pourquoi il est urgent de définir un mécanisme de coopération entre les procureurs et les systèmes judiciaires nationaux qui soit fondé sur des réglementations régionales et internationales. [1] Ces réglementations permettront de mener une action efficace et garantiront impartialité et indépendance face aux gouvernements et aux groupes d’influence qui tireraient parti du ralentissement des enquêtes.

La dernière réunion des procureurs des États impliqués qui a récemment eu lieu à Brasilia [2], a reflété la nécessité de mettre en œuvre une coordination et une coopération approfondies et de promouvoir des équipes d’investigation multilatérales et bilatérales. La restitution des actifs et la réparation intégrale des dommages engendrés par les contrevenants, notamment le paiement d’amendes (selon la loi en vigueur dans chaque pays) doivent être exigés.

Ces efforts réalisés au niveau régional devront être accompagnés de politiques publiques efficaces sur le long terme pour lutter contre la corruption, notamment le renforcement ou la création de mécanismes incitant à la transparence dans la gestion de fonds publics.

En parallèle, il faut encourager les organisations de la société civile à poursuivre leur rôle de surveillance et de dénonciation des actes de corruption, à se mobiliser et à manifester leur désaccord face à ce type de pratiques.

Contexte :

Le 22 décembre 2016, le ministère de la Justice des États-Unis a précisé qu’Odebrecht avait distribué 788 millions de dollars de pots-de-vin dans 12 pays en échange de contrats dans le cadre de projets d’infrastructure depuis 2001. Cette manœuvre s’est répétée pendant plus de 15 ans avec le versement de plus de 3 milliards de dollars de pots-de-vin et de corruption. Au Brésil, 349 millions de dollars ont été versés. Selon le rapport du ministère de la Justice des États-Unis, Odebrecht disposait d’un service interne dédié à l’exécution de ce type de transactions, une preuve de la nature systémique de ces activités. [3]

Aujourd’hui, l’entreprise a écopé de l’amende la plus importante ayant jamais été infligée à une entreprise pour corruption : 3,5 milliards de dollars, à verser aux autorités brésiliennes, américaines et suisse. Les organisations signataires déplorent qu’en échange du paiement de l’amende, Odebrecht soit toujours autorisé à rester dans ces pays et à participer aux futurs projets de travaux publics. Elles demandent également que l’enquête ne se limite pas à ces dernières années mais couvre l’ensemble de ses années d’exercices depuis le début des activités de l’entreprise. Nous espérons que les enquêtes à venir aboutiront à une prise de position ferme pour lutter contre ce type de méfaits.

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