Équateur : Recrudescence de la criminalisation de la protestation sociale dans des contextes de projets d’extraction

Publication d’un Rapport

La FIDH et ses organisations membres en Équateur, la CEDHU et la INREDH publient et présentent aujourd’hui à Quito un rapport(en espagnol) analysant le phénomène de la criminalisation de la protestation sociale en Équateur. Le rapport intitulé (titre) demande notamment à l’État de reconnaître l’importance de la liberté d’expression et la légitimité des actions pacifiques de dénonciation, d’opposition et d’observation relatives à des projets d’extraction minière liés aux problématiques de la gestion du territoire ou de la gestion publique. Il examine les violations de la Convention américaine relative aux droits humains (CADH) par l’État équatorien au cours de procédures judiciaires visant plusieurs dirigeants communautaires et défenseurs des droits humains en Équateur.

Ce rapport est présenté aujourd’hui à l’occasion de la Journée Internationale des Droits de l’Homme, et dans le cadre de grandes manifestations contre l’approbation d’amendements constitutionnels qui incluent la réélection présidentielle indéfinie.

La criminalisation de la protestation sociale en Amérique latine ne cesse de s’intensifier ; en Équateur, cette pratique est utilisée afin de faire obstacle à l’action des dirigeants sociaux et afin de les intimider et de les stigmatiser lorsqu’ils se mobilisent contre des projets industriels ou pour défendre leurs territoires. Six ans après la reconnaissance de « l’utilisation indue de la justice comme méthode de persécution contre les leaders sociaux – défenseurs des droits humains » par l’Assemblée Nationale Constituante, on observe aujourd’hui une recrudescence de ce phénomène en Équateur. C’est pourquoi la FIDH et ses organisations membres ont décidé d’enquêter sur trois cas emblématiques.

« Des entreprises et l’État équatorien ont poursuivi au pénal des leaders communautaires et des défenseurs des droits humains qui protestaient légitimement pour la défense de leurs droits et de leurs territoires », ont signalé les organisations. « Il est nécessaire, et prioritaire, d’en finir avec le préjugé selon lequel la défense des droits humains est un crime en soi. De même, il est urgent que l’administration de la justice renforce son indépendance par rapport aux déclarations stigmatisantes du gouvernement et des entreprises »

Le rapport se base essentiellement sur trois cas. Javier Ramírez, l’un des dirigeants de la communauté de Junín, s’opposait à l’exploitation minière de cuivre et de molybdène dans la région d’Íntag (province d’Imbabura), où la Compagnie Nationale des Mines (ENAMI) cherche actuellement à démarrer des activités d’extraction. C’est pour cette raison que Javier Ramírez, ainsi que son frère, ont été traduits en justice et, après dix mois de détention, condamnés pour délit de rébellion.

Pepe Acacho, membre de l’Assemblée nationale et représentant de la province amazonienne de Zamora-Chinchipe, a participé en 2009 aux manifestions nationales contre la Loi sur l‘Eau et la Loi sur l’Exploitation Minière. Il a été accusé d’être l’instigateur de l’assassinat d’un de ses camarades. Il a été condamné à douze ans de prison pour terrorisme. Il est pour l’instant en liberté, dans l’attente de l’examen par la Cour Nationale de Justice du recours en cassation.

Manuel Trujillo, président de la communauté de San Pablo Amalí (province de Bolívar), où l’entreprise Hidrotambo S.A. construit la centrale hydro-électrique de San José del Tambo, a été poursuivi judiciarement pour des chefs d’accusation incluant violence et destruction de biens, sabotage, terrorisme et rébellion. Après avoir fait l’objet de trente procédures judiciaires, il a été amnistié en 2008. Malgré tout, à l’heure actuelle et depuis un an, il doit se présenter chaque semaine auprès des autorités judiciaires sans que sa situation soit résolue.

On constate ainsi des violations de garanties judiciaires ; de l’égalité devant la loi et du droit à un procès équitable ; des libertés d’expression et de participation ; et des droits politiques — autant de droits consacrés par la CADH. Ce ne sont pas les seuls cas de criminalisation de la protestation sociale en Équateur.

Les organismes signataires considèrent également très préoccupante la réduction de l’espace d’action de la société civile.

Finalement, la FIDH rejette l’amendement de la Constitution qui réduit les garanties démocratiques, telles que l’interdiction de la réélection présidentielle indéfinie. Ces dispositions étaient une victoire contre les dictatures qui ont gouverné la région pendant des décennies.

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