Les membres de la communauté mapuche arrêtés au Chili doivent être remis en liberté immédiatement

01/07/2020
Lettre ouverte
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Photo : Agencia Uno

Paris - La FIDH demande la libération immédiate des quatre membres de la communauté mapuche arrêtés le 8 juin à Traiguen, au Chili. Leur détention arbitraire est injustifiée et met en évidence une politique de répression et de contrôle sociétal visant à miner la vie des membres de la communauté mapuche, et témoigne notamment de la persécution de la famille Pichún, dont les membres sont victimes de stigmatisation et de montages judiciaires depuis 2000.

Les membres de la communauté Mapuche Carlos Pichún Collonao, son fils de 12 ans, et trois autres membres de la communauté Temulemu, Eduardo Márquez Inal, Cristofer Pino Curin et Víctor Marileo Ancapi, ont été interceptés par trois patrouilles de police et obligés de sortir de leur véhicule. Par la suite ils ont été menottés, arrêtés et accusés, entre autres, de transporter des armes de gros calibre. Le fils de Carlos Pichún a été abandonné à son sort par les forces de police et laissé seul au milieu de la route, sans protection ni soins comme le précisent les normes internationales de protection de l’enfance.

Actuellement, les quatre membres de la communauté mapuche sont toujours sous mandat d’arrêt depuis quatre mois dans la prison de Temuco, et le 18 juin ils se sont vus refuser le changement du mandat d’arrêt en assignation à résidence et la possibilité de recevoir des visites de leurs familles. Carlos Pichún est dans une situation sanitaire délicate, et son état pourrait être aggravé par les conditions précaires dans lesquelles il est détenu.

Nous rappelons que, parce qu’ils appartiennent au peuple mapuche, ils bénéficient d’une protection spéciale en vertu des normes internationales relatives aux droits de l’homme, notamment la Convention 169 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), en particulier les articles 9 et 10 qui stipulent que, dans le cas des peuples autochtones, les États doivent donner la préférence à des types de peines autres que l’emprisonnement, compte tenu de leurs pratiques et coutumes culturelles.

Il est important de rappeler que la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme a condamné l’État Chilien pour discrimination raciale lors de la condamnation du Lonko Pascual Pichún, pour application de la loi antiterroriste comme un outil disproportionné de poursuites pénales à son encontre.

Par ailleurs, la FIDH demande à l’État chilien de cesser toutes actions et méthodes répressives à l’encontre des communautés mapuches et, surtout, de celles qui prennent part à des mouvements de récupération des terres. La Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH) a mis en garde les États contre les risques de plus en plus importants auxquels sont confrontés les peuples indigènes de la région, et en particulier les conflits territoriaux et environnementaux liés aux activités extractives. [1] Les autorités nationales doivent protéger leurs citoyens et en particulier les groupes qui bénéficient de protections spéciales, tels que les peuples indigènes. Le système judiciaire doit garantir le respect du droit à une procédure régulière des quatre membres de la communauté mapuche.

Dans le contexte de la pandémie actuelle, la politique pénitentiaire doit mettre en œuvre des mesures préventives pour éviter l’apparition du virus et la surpopulation carcérale en appliquant des mesures alternatives à la limitation de la liberté, y compris la détention provisoire. Par conséquent, les quatre membres de la communauté mapuche doivent être libérés immédiatement. Les Règles Minimales des Nations Unies pour le Traitement des Prisonniers (règles Nelson Mandela) et la déclaration conjointe des Nations unies, de l’OMS, de l’ONUSIDA et du HCDH sur le covid-19 en prison ou dans d’autres centres de détention, du 13 mai 2020 [2] prévoient que les personnes privées de liberté doivent être protégées, car elles se trouvent dans une situation d’extrême vulnérabilité.

Il faut ici rappeler que, dans le contexte de la criminalisation de la protestation sociale mapuche au cours des 30 dernières années, un grand nombre de dirigeants et de membres du peuple mapuche se trouvent privés de liberté, étant soumis à de longues périodes de détention préventive et à des peines disproportionnées, ce qui, ajouté aux conditions sanitaires précaires des prisons, entraîne une importante menace pour leur vie et leur santé dans le contexte de la pandémie.

Compte tenu de ce qui précède, la FIDH demande à l’État chilien de mettre en œuvre les mesures suivantes :

• Une enquête impartiale qui tienne compte des principes de la présomption d’innocence, de la régularité de la procédure, et qui respecte strictement les principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité de la peine.
• Dans le contexte de la pandémie, nous exigeons que l’État chilien prenne des mesures de détention à domicile pour les prisonniers mapuches actuels qui sont sous mandat d’arrêt et en grève de la faim. Dans le cas des prisonniers chiliens, plus de 1500 prisonniers ont été remis en liberté dans tout le pays, mais aucun d’entre eux n’était mapuche, ce qui montre une attitude raciste de la part des autorités chiliennes.
• Garantir la protection du fils de Carlos Pichún, en demandant le respect et la protection de la vie et des droits des enfants et des adolescents mapuches victimes de la violence policière.
• Condamner les violations des droits des enfants mapuches, conformément aux recommandations de la CIDH, qui a rappelé à l’État chilien son obligation d’apporter une clarification judiciaire aux actes de violence, de punir les responsables et de réparer les conséquences de ces actes. [3]

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