Salvador : audition contre la cybersurveillance illégale

Markus Spiske

Le Salvador, 28 mars 2022. À l’occasion d’une audition thématique devant la Commission Interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) le 16 mars 2022, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), avec l’Observatoire pour la protection des défenseur.e.s des droits humains et d’autres organisations internationales, ont pris position contre le contexte de la cybersurveillance illégale au Salvador.

Le 16 mars 2022 s’est organisée une audience thématique tenue devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), sur la situation des droits humains dans le contexte de la cybersurveillance au Salvador. En tant qu’organisations de défense des droits humains, nous nous félicitons que la Commission ait prévu cet espace pour mettre en exergue, à partir des témoignages de victimes personnellement concernées par ces attaques, le harcèlement numérique que subissent tant les journalistes et les communicant.e.s, que les activistes et les défenseur·es des droits humains au Salvador.

Nous observons avec inquiétude la détérioration progressive de la démocratie au Salvador, les attaques faites aux opposant.e.s au gouvernement et les alertes sans fin autour de l’utilisation du logiciel Pegasus pour espionner illégalement les journalistes, les défenseur.e.s des droits humains et les militant.e.s qui s’opposent au gouvernement.

En février 2021, cette situation avait déjà conduit la CIDH à adopter des mesures conservatoires de protection pour 34 membres identifié.e.s du journal numérique El Faro en raison du contexte défavorable à l’exercice du journalisme au Salvador. Ces personnes avaient en effet été victimes de harcèlement, menaces, intimidation et stigmatisation en raison de leur activité journalistique, principalement sur les réseaux sociaux.

Malgré cela, l’État salvadorien n’a adopté aucune mesure pour remédier à cette situation. En outre, nos organisations constatent que le contexte s’est aggravé et que l’espionnage illégal à l’encontre des Salvadorien.ne.s se poursuit.

Ces faits s’articulent avec d’autres agressions numériques enregistrées, qui comportent une claire composante misogyne. En effet, d’après les informations du Réseau salvadorien des femmes défenseures des droits humains (Red Salvadoreña de Defensoras de Derechos Humanos), le cyberharcèlement est la principale agression signalée par les défenseures des droits humains et les femmes journalistes. Le 27 mars 2022, une alerte a été lancée alerte pour signaler les menaces de mort, de violence sexuelle et d’attaques d’habitations et de centres de réunion envoyées aux organisations Colectiva Amorales et Majes Emputadas, en piratant leur numéro d’une membre de ces groupes.

Pour les raisons exposées ci-dessus, toute personne critiquant ou s’opposant au gouvernement du président Nayib Bukele se trouve dans une situation de vulnérabilité et de manque de protection. En outre, dans le contexte salvadorien actuel, il n’est pas garanti que les droits fondamentaux d’accès à la justice, aux procédures régulières et à la protection judiciaire soient respectés, ni que les contrepoids institutionnels nécessaires dans tout État de droit se feront valoir.

La liberté d’expression, le libre exercice du journalisme et la défense des droits humains sont des piliers fondamentaux de tout État démocratique. C’est pourquoi il est inacceptable que l’acquisition et l’utilisation d’un logiciel espion comme Pégasus serve d’outil contre les dissident.e.s de l’actuel gouvernement salvadorien. La défense des droits humains et le journalisme critique et indépendant renforcent l’institutionnalisation de la démocratie pour laquelle nous avons tant œuvré au Salvador.

Pour toutes ces raisons, nous espérons que l’État suivra cette fois les recommandations de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), et avancera de manière efficiente et effective sur les points suivants :
 l’arrêt immédiat de ces attaques ;
 la clarification impartiale des faits et l’imposition de sanctions aux responsables ;
 la protection intégrale des victimes de ces actes ; et
 la mise en place de conditions garantissant le libre exercice du journalisme, la pleine liberté d’expression et la défense des droits humains.

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