Une guerre sans limites : 119 civils tués dont 45 enfants.

13/05/2002
Rapport
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La FIDH appelle à la protection de la population civile.

La FIDH (Fédération Internationale des Droits de l’Homme) dénonce la tragédie humanitaire qui se déroule dans le département du Chocó, dont sont responsables les FARC-EP, les groupes paramilitaires et l’Etat colombien.

Le Nord du département du Chocó a été le théâtre d’affrontements armés entre les FARC-EP et les groupes paramilitaires. Depuis le 21 avril dernier, le Diocèse de Quibdó, plusieurs organisations des droits de l’homme ainsi que l’église catholique ont dénoncé l’incursion d’un détachement paramilitaire autoproclamé "Bloque Elmer Cárdenas" à Bojayá et à Vigíia del Fuerte. Une telle incursion s’est produite sans aucune réaction de la force publique afin de protéger la population civile. Les affrontements armés entre les groupes paramilitaires et la guérilla à Vigíia del Puente, ont débuté le 1er mai.

DE LA RESPONSABILITÉ DES FARC.

Dans ce contexte, le jeudi 2 mai un combat s’est déroulé entre les FARC-EP et les groupes d’Auto-Défenses dans la localité de Bellavista de la commune de Bojayá (département du Chocó). Dans le temple San Pablo Apóstol de cette localité, un groupe considérable de civils s’était abrité, afin de fuir les affrontements. La majorité d’entre eux, étaient des femmes et des enfants Afro-Colombiens. L’attaque par un projectile de fabrication artisanale, s’est soldée par l’assassinat de 119 réfugiés, dont 45 enfants en bas âge, dans cette enceinte religieuse.

Dans ce contexte, la FIDH condamne fermement et sans aucune réserve le massacre perpétré par le " Bloque " José María Cordoue des FARC, qui ont reconnu leurs responsabilités dans cet acte criminel. La FIDH souligne que ces faits sont qualifiables de crime de guerre conformément à l’article 8 du Statut de Rome instaurant la CPI.
Le fait de ne pas posséder d’armes sophistiquées, de même le fait que les paramilitaires aient pris comme bouclier humain la population civile, ne constitue en aucune façon une justification ni une excuse au meurtre sans discrimination de 119 de civils.

Nous avons à plusieurs reprises dénoncé l’utilisation des bombes- cylindres par les FARC-EP dans les prises d’otages de population, ces armes affecté en d’ innombrables occasions des vies et des biens civils ; les FARC , en dépit de la reconnaissance du caractère criminelle de cette arme , poursuivent son utilisation sans considération à l’égard des victimes innocentes qu’elles provoquent.

La FIDH souligne la poursuite des affrontements armés, contribuant ainsi à l’aggravation de la crise humanitaire dans la zone. Selon le directeur de la Pastorale Sociale du Diocèse de Quibdó depuis le 21 avril, 45 mille personnes seraient privées d’accès à l’alimentation.
Selon un communiqué du même diocèse, la poursuite des hostilités risque d’entraîner le déplacement de vingt mille paysans de l’Atrato Medio.

Le massacre de Bojayá démontre que la population civile, et en particulier sa frange la plus vulnérable et défavorisée, les Communautés Afro- colombiennes et les populations indigènes, constituent les principales victimes du conflit armé en Colombie. Cette situation est d’autant plus grave lorsque les acteurs en conflit les utilisent comme bouclier humain. Ces faits démontrent l’absence de toute considération morale des acteurs en conflits en Colombie et, par conséquent, la nécessité pour les parties de s’engager à respecter un minimum les normes humanitaires.

DE LA RESPONSABILITÉ DE l’ÉTAT COLOMBIEN

Le 25 avril, avant la perpétration du massacre de Bojayá, le Defenseur du Peuple a alerté les autorités compétentes par son Système d’Alertes Précoces (SAT). De même que plusieurs associations des droits de l’homme et organismes de l’Eglise Catholique de la zone. Le massacre de Bojayá démontre une fois de plus que l’Etat colombien ne remplit pas son devoir dm protection envers la population.

La FIDH considère l’attitude du gouvernement d’autant plus préoccupante que les opérations militaires aériennes, fluviales et terrestres se poursuivent, provoquant de nombreuses victimes au sein de la population civile, comme le diocèse de Quibdó l’a maintes fois dénoncé. Quelques jours après le massacre, les forces armées Colombienne ont accentué la crise humanitaire en procédant à des bombardements et des survols, autour des communes touchées ; mettant ainsi en grave danger les populations de Bella Vista, Vigía del Fuerte, Napipi y Murindó et augmentant par ailleurs le problème des déplacements forcés.

La FIDH dénonce, également les Forces Armées Colombienne, en particulier la Brigade XVIII de l’Armée, qui permettent les agissements en toute impunité des groupes paramilitaires dans la région de l’Urabá. La permissivité et la connivence des Forces Armées avec ces groupes, est dénoncée quotidiennement par la majorité des organismes internationaux de protection et de défense des droits de l’homme, comme ce fut les cas très récemment lors de la 58ème session de la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies. Dans la situation présente, les Forces Armées ne dissimulent aucunement cette complicité. En effet, en dépit de l’arrivée de l’Armée dans les communes de Bojayá et Vigía del Fuerte, les paramilitaires poursuivent leurs actions dans ces communes comme l’a fait savoir le Bureau de la Haut commissaire aux Droits de l’Homme des Nations Unies en Colombie.

Face à cette situation alarmante en Colombie, la FIDH demande instamment :

 Une cessation immédiate des hostilités dans le département du Chocó, permettant ainsi l’assistance humanitaire aux victimes.

 L’adoption effective de toutes les mesures nécessaires afin de protéger la population civile. En particulier, nous incitons les parties au conflit à signer un Accord portant sur les Droits de l’Homme et le Droit International Humanitaire.

 L’adoption de mesures immédiates permettant l’arrivée de l’aide humanitaire dans la zone et dans le but que les victimes du conflit armé puissent disposer d’une attention médicale et alimentaire plus que nécessaire. Les populations déplacées en raison des affrontements armés ont droit à une attention particulière et urgente.

 Une enquête approfondie des faits survenus à Bojayá permettra d’établir avec rigueur les responsabilités diverses : celles des auteurs des faits ainsi que l’inaction des autorités gouvernementales dans cette tragédie. La FIDH demande instamment le jugement des responsables par une juridiction indépendante, impartiale et qui assure toutes les garanties du Droit à un processus juste. Dans le but que cette enquête produise les effets souhaités, nous incitons les autorités à garantir la sécurité, l’impartialité et l’indépendance de toutes les institutions et des personnes responsables chargés de mener cette enquête.

 Une collaboration entière afin que le Bureau de la Haut Commissaire aux Droits de l’Homme des Nations Unies en Colombie puisse accomplir pleinement sa mission dans la zone et rendre dès que possible un rapport public sur les faits survenus. Cette enquête devra également déterminer les responsabilités incombant d’une part la guérilla des FARC-EP et d’autre part l’État colombien, en particulier ses Forces Armées, pour leur implication décisive dans la promotion de groupes paramilitaires.

 La FIDH incite, une fois de plus l’Etat colombien à ratifier le statut de la Cour Pénale Internationale.

 Enfin la FIDH insiste sur le fait que la seule issue possible au conflit social et armé en Colombie, est une négociation politique et appelle l’ensemble des candidats à l’élection présidentielle à assumer les recommandations du Congrès Paix et Pays qui vient d’avoir lieu dans la ville de Bogota.

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