Muhannad al-Hasani condamné à trois ans d’emprisonnement - le harcèlement à l’encontre des avocats et des défenseurs des droits de l’Homme continue

23/06/2010
Communiqué
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La Commission internationale de juristes (CIJ), le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH) et l’Observatoire pour la protection des droits de l’Homme - un programme conjoint de la Fédération internationale des ligues de droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) - condamnent le verdict rendu aujourd’hui par la Seconde Cour criminelle de Damas à l’encontre de M. Mohannad al-Hasani, avocat et défenseur des droits de l’Homme syrien reconnu, président de l’Organisation de défense des droits de l’Homme “Sawasiya” et lauréat 2010 du prix Martin Ennals pour les défenseurs des droits de l’Homme. M. al-Hasani a été reconnu coupable d’“affaiblissement du sentiment national et d’encouragement des sentiments racistes et sectaires” et de “diffusion de fausses nouvelles susceptibles de porter atteinte au moral de la Nation”, en vertu des articles 285, 286 et 287 du Code pénal, et condamné à trois ans de prison.

La CIJ, le REMDH et l’Observatoire ont envoyé à Damas un total de sept missions de haut niveau pour assister aux audiences du procès mené contre M. al-Hasani devant la Seconde Cour criminelle de Damas, qui se sont déroulées les 18 février, 10 mars, 6 avril, 4 mai, 27 mai, 10 juin et 23 juin 2010. Au cours de ces missions, les organisations mentionnées ont rencontré le président de la Seconde Cour criminelle de Damas, M. Khaled Hamoud, l’avocat général, Mme Amina Achamat, le président du Barreau de Syrie, M. Nizar Assakkef, ainsi que d’autres représentants des institutions judiciaires syriennes.

“Le procès de M. al-Hasani devant la Seconde Cour criminelle de Damas a été mené de manière sommaire, en violation manifeste des normes internationales du droit à un procès équitable, notamment le droit à la présomption d’innocence, les droits de la défense et le droit au respect de l’égalité des armes”, a affirmé Wilder Tayler, secrétaire général de la CIJ. “Le président du tribunal n’a pas autorisé les témoins de la défense à fournir des preuves et n’a pas exigé du Ministère public la présentation de preuves crédibles à l’appui des accusations contre M. al-Hasani”, a-t-il ajouté.

La poursuite puis la condamnation de M. al-Hasani en raison de ses activités professionnelles d’avocat, notamment l’observation et le suivi d’audiences publiques devant la Cour de sûreté de l’État, ainsi que les déclarations et rapports publiés par l’organisation de défense des droits de l’Homme “Sawasiya”, constitue une sanction de son exercice légitime du droit à la liberté d’expression et d’association, garanti par le Pacte international relatifs aux droits civils et politiques (PIDCP), dont la Syrie est un Etat partie.

“Les dispositions légales en vertu desquelles M. al-Hassani a été traduit en justice sont excessivement générales et vagues, et conduisent à la criminalisation de l’exercice du droit à la liberté d’expression et d’association en Syrie”, a déploré Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH. “Ceci, ajouté au fait que le procureur n’ait pas été en mesure de fournir de preuves crédibles que M. al-Hasani ait violé l’un de ces articles, met sérieusement en question l’équité de ce procès”, s’est-elle indignée.

Le procureur a fondé ses accusations sur trois rapports confidentiels élaborés par les services secrets généraux syriens. Alors que les avocats de la défense ont démontré que ces rapports étaient faux et que les charges retenues à l’encontre de M. al-Hasani étaient infondées, le procureur n’a pas retiré les charges pesant contre lui.

“En plaçant la charge de la preuve sur la défense au lieu de l’accusation, le président de la Seconde Cour criminelle de Damas a désavantagé la défense par rapport au ministère public”, a estimé M. Kamel Jendoubi, président du REMDH, avant d’ajouter : “cela constitue une violation du droit au respect de l’égalité des armes, ainsi qu’une violation des garanties du droit à un procès équitable”.

Non seulement le juge n’a pas demandé au procureur de présenter les preuves à l’appui des accusations formulées contre M. al-Hasani, mais il a également nié à la défense le droit d’appeler à la barre des témoins pour remettre en cause ces mêmes accusations.

“En vertu des normes internationales, l’accusé a droit à ce qu’on assure la présence et l’examen des témoins à décharge, dans les mêmes conditions que pour les témoins à charge”, a rappelé Eric Sottas, secrétaire général de l’OMCT. “En niant ce droit à la défense, le président de la cour a fait naître de sérieux doutes quant à l’équité des poursuites menées à l’encontre de M. al-Hasani”.

La condamnation de M. al-Hasani par la Cour Criminelle n’est pas susceptible d’appel sur le fond, et seuls les vices de procédures peuvent être examinés par la Cour de cassation. Cette restriction est une violation manifeste du droit à un appel, qui comporte le droit de contester toute condamnation devant un tribunal supérieur.

Nos organisations appellent ainsi les autorités syriennes à libérer M. al-Hasani de manière immédiate et inconditionnelle, son procès n’ayant pas été équitable ; à mettre un terme à tout acte de harcèlement à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme en Syrie, et à assurer que ceux-ci soient en mesure de mener à bien leurs activités librement et sans entraves, conformément à la Déclaration des Nations unies sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus (Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme).

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