Lettre ouverte pour le renforcement du mandat de la Mission de l’ONU en Syrie

11/07/2012
Communiqué
en fr

Lettre ouverte aux Ambassadeurs des Etats membres du Conseil de Sécurité des Nations-Unies

Cher Monsieur l’Ambassadeur,

Nous vous écrivons afin de vous appeler à renouveler le mandat de la Mission de Supervision des Nations Unies en Syrie (UNSMIS), et également à faire en sorte que cette Mission comporte un mandat fort dans le domaine des droits humains, lorsque l’avenir de l’UNSMIS sera débattu au Conseil de Sécurité, le 18 juillet prochain.

Après seize mois de ce conflit qui a fait plus de 14 000 morts, d’après le Centre de Documentation des Violations (CDV), organisation syrienne d’observation de la situation des droits humains, la situation en Syrie est plus critique que jamais. Le gouvernement syrien continue de perpétrer des violations des droits humains partout dans le pays, dans le cadre d’une politique d’attaques généralisées et systématiques à l’encontre de ses civils, accompagnées de détentions arbitraires et de torture. En sus des crimes contre l’humanité qu’elles commettent, les forces gouvernementales sont également responsables de violations du droit international humanitaire, incluant d’éventuels crimes de guerre. Pendant ce temps, les violations des droits humains, y compris d’éventuels crimes de guerre, par l’opposition armée augmentent malgré les initiatives diplomatiques destinées à mettre fin aux violences.

Nous croyons que la détérioration continue de la situation des droits humains s’explique en grande partie par le fait que les coupables de violations estiment qu’ils peuvent agir impunément, au vu des capacités limitées mises en place par la Communauté internationale pour observer les développements sur le terrain et enquêter de façon indépendante sur les événements. En effet, dans sa configuration actuelle, il a été même difficile pour l’UNSMIS d’observer les points spécifiques droits humains du plan en six points. Le renforcement de la composante droits humains permettrait, non seulement de se concentrer sur toutes les violations des droits pour lesquels le plan en six points a été fondé ; mais cela permettrait également à l’UNSMIS, en tant que « yeux et oreilles » impartiaux de la communauté internationale, d’apporter une protection à la population civile syrienne. Comme l’a indiqué Ban Ki-Moon dans son récent rapport sur la Mission, cette dernière « peut jouer un rôle important en soutenant le dialogue politique et la restauration de la confiance, en établissant les faits sur le terrain, et en rapportant clairement et objectivement les développements à la communauté internationale ».

Dans la situation syrienne, où les parties au conflit s’accusent mutuellement sans cesse des violations des Droits de l’homme commises, et utilisent ces accusations pour justifier toujours plus de violence, une force d’observation indépendante telle que l’UNSMIS est cruciale, afin d’apaiser les tensions et de parer la diffusion de fausses informations. Le potentiel de la Mission a été constaté à la suite du massacre d’Al-Houla, lorsque les observations de l’UNSMIS ont servi de source d’information crédible pour la communauté internationale, évitant ainsi les rapports contradictoires et l’escalade dans les accusations des différentes parties au conflit. Cependant, l’UNSMIS a rencontré d’importantes difficultés d’accès au site du massacre d’Al-Houla, et n’a malheureusement pas rapporté pleinement ses conclusions.

Bien évidemment, un appel pour une présence forte sur les droits humains nécessite que le Conseil de Sécurité exige de toutes les parties une pleine coopération, tout en leur indiquant clairement que tout manquement à cette exigence (notamment par des représailles à l’encontre des témoins ou des victimes) ne saurait être toléré.

Par conséquent, nous invitons vivement les membres du Conseil de Sécurité à renforcer les capacités de contrôle du respect des Droits de l’homme de l’UNSMIS dans le cadre d’une nouvelle configuration, qui selon les termes du rapport du Secrétaire Général Ban Ki-Moon du 6 juillet dernier, doit « renforcer l’attention portée à la voie politique et à la question des droits ». Comme l’a expliqué le Secrétaire Général, « des efforts continus sur les questions relatives aux détentions et aux droits viendraient compléter les fonctions principales d’engagement politique de la Mission et en bénéficieraient ».

Nous recommandons particulièrement les mesures suivantes :

 La résolution de renouvellement de l’UNSMIS doit inclure une composante Droits de l’homme forte et dotée d’effectifs adéquats, fournissant à la Mission une expertise suffisante, y compris avec des experts du droit des femmes et des enfants, et un équipement nécessaire pour documenter et faire état des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et autres graves violations des droits humains commises par toutes les parties. Les observateurs Droits de l’homme de l’ONU doivent disposer de capacités de réaction rapide pour enquêter sur des incidents spécifiques et avoir une présence permanente dans d’autres villes que Damas. De plus, de telles équipes – internationaux comme locaux– ont besoin de protection et de soutien adéquats afin de pouvoir travailler efficacement ;
Le Conseil de Sécurité doit demander à ce que la Syrie garantisse un accès total aux observateurs de l’UNSMIS et aux membres de la Commission d’Enquête Internationale Indépendante mandatés par le Conseil des Droits de l’Homme des Nations-unies ;
 Le Conseil de Sécurité doit particulièrement demander un accès total et sans condition de préavis de l’UNSMIS à tous les centres de détention, officiels ou non, qui sont souvent également des centres de torture, ainsi qu’un accès inconditionné à tous moments aux prisonniers politiques ; selon le rapport de Ban Ki Moon, « au 25 juin, l’UNSMIS avait reçu et vérifié des informations relatives à 2185 détenus et 97 lieux de détentions dans le pays. La mission a, à ce jour, obtenu accès, à une seule occasion, à un centre de détention à Dera’a » ;
 Le Conseil de Sécurité doit demander à l’UNSMIS de publier régulièrement et publiquement ses conclusions sur les violations des droits humains et fournir à la composante droits humains les capacités nécessaires pour ce faire.

Afin de faire cesser les abus graves à l’encontre des droits de l’ homme et du droit humanitaire international en Syrie, la communauté internationale doit également exiger des mesures fortes pour assurer la justice, la vérité et la réparation totale pour les victimes. Nous réitérons donc notre appel de longue date au Conseil de Sécurité, pour qu’il réfère la situation de la Syrie à la CPI (Cour Pénale Internationale).

Faire respecter les droits humains et travailler à la protection des civils en Syrie est un impératif qui va au-delà des différences politiques entre les membres du Conseil de Sécurité. Nous appelons le Conseil de Sécurité à assumer pleinement cette responsabilité partagée envers les civils syriens.

Salutations sincères,

Amnesty International, Cairo Institute for Human Rights Studies, Fédération internationale des ligues droits de l’Homme (FIDH), Human Rights Watch

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