Résolution urgente sur la situation des défenseur.e.s des droits humains et les organisations de la société civile en Palestine

Brahim Guedich via Wikicommons

Le 22 mars 2022. Le Bureau international de la Fédération internationale pour les droits humains publie une résolution urgente sur la situation des défenseur.e.s des droits humains et les organisations de la société civile en Palestine.

Vu la campagne de dénigrement et les attaques institutionnalisées actuellement menées par Israël à l’encontre des défenseur.e.s des droits humains en Palestine qui visent à priver le peuple palestinien de son droit à la liberté de réunion et d’association en incriminant les organisations de la société civile dont les actions en faveur des droits humains et la prestation de services sociaux sont indispensables.

Vu les graves répercussions que peuvent avoir les mesures prises par le ministre israélien de la Défense lorsqu’il classe les six organisations palestiniennes de la société civile et de défense des droits humains : Addameer Prisoner Support and Human Rights Association (Addameer), Al-Haq Law in the Service of Man (Al-Haq), Bisan Center for Research and Development ; Defence for Children International-Palestine (DCI-P), l’Union des comités de travail agricole (UAWC) et Union of Palestinian Women’s Committees (UPWC), parmi les « organisations terroristes », en vertu de sa loi nationale antiterroriste de 2016, et comme « organisations illégales » en vertu de l’ordonnance militaire dans les territoires palestiniens occupés.

Exprimant son soutien total aux six organisations précitées et aux organisations indépendantes de défense des droits humains qui luttent pour établir la responsabilité des auteurs.rices de violations des droits humains en Palestine et du droit international perpétrées dans le cadre de l’occupation actuelle des territoires palestiniens occupés et de l’apartheid contre le peuple palestinien dans son ensemble.

Saluant la décision de la Cour pénale internationale (CPI) de reconnaître sa compétence dans les territoires palestiniens occupés, ainsi que l’enquête en cours menée par la CPI sur les violations du Statut de Rome de la Cour pénale internationale commises pendant l’occupation des territoires palestiniens par Israël.

Saluant la publication par le Rapporteur spécial d’un rapport historique concluant qu’Israël se rend coupable du crime d’apartheid en adoptant tout un arsenal de mesures répressives en vue de soumettre et de contrôler les Palestinien.ne.s. Parmi celles-ci figurent : la détention arbitraire, le recours abusif à la force, la torture et les sanctions collectives, la persécution des organisations et des défenseur.e.s des droits humains et la violence structurelle qui prive les Palestinien.ne.s d’exercer pleinement leurs droits fondamentaux.

Soulignant que les États et les acteurs étatiques sont tenus de rendre des comptes pour avoir porté atteinte au droit international, notamment en commettant des violations du Statut de Rome, des atteintes graves aux Conventions de Genève, à la Convention sur l’Apartheid, et à d’autres textes du droit international des traités, et pour avoir porté atteinte au droit international humanitaire coutumier, au droit pénal et au droit relatif aux droits humains.

Rappelant que les États et les acteurs étatiques sont tenus de rendre des comptes pour toutes actions visant à harceler, opprimer, intimider ou entraver par tous les moyens les activités menées par les défenseur.e.s des droits humains et les organisations de la société civile, et rappelant l’importance de lutter contre l’impunité des États responsables de violations des droits fondamentaux.

Condamnant fermement les politiques, les pratiques et les lois israéliennes visant à harceler les défenseur.e.s des droits humains et les organisations de la société civile, telles que : la détention arbitraire, le recours à la torture et à d’autres mauvais traitements, l’incitation à la haine et la rhétorique haineuse institutionnalisées, la révocation des statuts de résidents, les expulsions, la surveillance en masse grâce à l’utilisation du logiciel espion Pégasus du groupe israélien NSO Group Technologies installé sur les téléphones portables des défenseur.e.s des droits humains palestinien.ne.s, et toutes autres formes de mesures coercitives ou punitives qui sont contraires aux principes fondamentaux des droits humains.

Se déclarant profondément inquiet concernant les lois, les politiques et les pratiques discriminatoires mises en place par Israël dans le but de soumettre le peuple palestinien et de porter atteinte au droit du peuple palestinien à l’autodétermination reconnu à l’échelle internationale, telles que les détentions administratives, les déplacements forcés, les sanctions collectives, le pillage des ressources naturelles, les démolitions de logements, les révocations des statuts de résidents, le recours à la torture et à d’autres formes de traitements dégradants et inhumains qui relèvent de violations des droits humains, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, comme l’apartheid.

Se déclarant préoccupé par les agissements de la communauté internationale – particulièrement l’Union européenne, ses institutions et ses États membres –, alors qu’elle suspend son soutien financier aux défenseur.e.s des droits humains et aux organisations de la société civile palestinien.ne.s qui ont été classé.e.s par Israël parmi les organisations « terroristes » sans aucune preuve tangible, et qu’elle ne reconnaît pas le caractère politique de la décision d’Israël, ni la persécution politique dont sont victimes les défenseur.e.s des droits humains et les organisations de la société civile dans les territoires palestiniens occupés, renforçant ainsi le régime d’apartheid sur le peuple palestinien.

Le Bureau de la FIDH, lors de sa réunion du 24 mars, enjoint l’État d’Israël de :

 revenir sur l’utilisation du terme « terroristes » qui est un acte portant atteinte aux libertés d’opinion et d’expression, à la liberté d’association, et relèvent d’un acte d’apartheid passible de poursuites en vertu de l’article 7, paragraphe 2, alinéa h du Statut de Rome ;
 abroger la loi antiterroriste de 2016 qui est en réalité utilisée pour institutionnaliser la persécution des défenseur.e.s des droits humains et asseoir sa domination coloniale sur le peuple palestinien et sur ses terres ;
 cesser immédiatement ses pratiques systématiques visant à intimider et à réduire au silence les défenseur.e.s des droits humains palestinien.ne.s, en violation de leur droit à la liberté d’expression, notamment en ayant recours à des détentions arbitraires, des actes de torture et d’autres mauvais traitements, à une rhétorique haineuse et incitation à la haine institutionnalisées, à la révocation des statuts de résidents, aux expulsions, et à toutes autres formes de mesures coercitives ou punitives ;
 mettre fin aux lois, aux politiques et aux pratiques qui relèvent du crime d’apartheid à l’encontre du peuple palestinien ; et soutenir les enquêtes de la CPI visant à établir la responsabilité des auteurs de violations des droits humains, de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de crime d’apartheid à l’encontre du peuple palestinien.

Le Bureau de la FIDH, lors de sa réunion du 24 mars, enjoint la communauté internationale de :

 condamner les mesures prises par l’État d’Israël pour classer les organisations palestiniennes de défense des droits humains, Addameer, Al-Haq, Bisan Center for Researchand Development, DCI-P, UAWC et UPWC parmi les organisations « terroristes » en vertu de leur loi nationale antiterroriste de 2016, et les « organisations illégales » en vertu de l’ordonnance militaire dans les territoires palestiniens occupés ;
 appeler les États tiers à faire pression sur le ministre israélien de la Défense afin qu’il revienne sur l’utilisation du terme « terroristes » pour désigner les défenseur.e.s des droits humains ; et dénoncer l’application de la loi antiterroriste de 2016 aux organisations de la société civile dans les territoires palestiniens occupés comme une interprétation abusive de la nationale israélienne relative aux territoires palestiniens occupés et contraire aux normes fondamentales en matière de droits humains ;
 appeler les États tiers et les bailleurs de fonds internationaux à continuer de financer et de soutenir les six organisations palestiniennes de la société civile et de déclarer publiquement leur soutien sans faille en dénonçant la campagne de dénigrement menée à leur encontre et le manque de preuve fournie par les autorités israéliennes ;
 appeler la Rapporteure spéciale des Nations unies sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte contre le terrorisme, Fionnuala Ní Aoláin, à étudier la conformité de la loi antiterroriste de 2016 avec le droit international en matière de droits humains et le droit international humanitaire ;
 reconnaître les violations des droits humains et du droit humanitaire perpétrées de longue date par Israël à l’encontre du peuple palestinien dans les territoires palestiniens occupés et en Israël, notamment l’apartheid actuel contre le peuple palestinien ;
 condamner ces violations des droits humains à l’échelle internationale, du droit pénal et du droit humanitaire commises par Israël à l’encontre des Palestiniens à la fois dans les territoires palestiniens occupés et en Israël ;
 infliger des sanctions à Israël pour sa responsabilité dans les violations des droits humains qu’elle commet actuellement. Imposer par ailleurs une interdiction sur les produits israéliens qui sont fabriqués et produits dans les territoires occupés, la suspension de toute forme de coopération dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, compte tenu de l’emploi abusif du terme « terroriste » par Israël, la suspension de l’accord de coopération entre l’Union européenne et Israël en application de la clause relative aux droits humains et la suspension de tout échange et coopération militaires avec Israël ;
 soutenir sans réserve l’enquête de la CPI sur les violations du Statut de Rome dans le contexte de l’occupation des territoires palestiniens occupés ;
 demander à la CPI d’enquêter sur les mesures, les politiques et les lois mises en place par Israël qui pourraient relever de crime d’apartheid tel qu’il est défini dans le Statut de Rome ainsi que dans la Convention sur l’apartheid, notamment sur la désignation de ces six organisations qui équivaut à des actes de persécution et d’apartheid.

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