11 juin 2025. L’appel du secrétaire d’État pour l’Irlande du Nord est soutenu par quatre départements au sein du gouvernement : la Défense, l’Intérieur, les Bureaux des Affaires étrangères et du Commonwealth (FCDO) et de l’Avocat général. Cet appel fait suite à des décisions antérieures prononcées par la Haute cour et la Cour d’appel d’Irlande du Nord en faveur de la divulgation du dossier au profit de la famille Thompson.
Cette affaire historique soulève des questions cruciales sur la politique du « ni confirmer, ni infirmer », utilisée par le gouvernement pour empêcher la divulgation d’information au nom de la sécurité nationale. Selon le Committee on Administration of Justice (CAJ), Amnesty International et Relatives for Justice (RFJ), cette politique sert souvent à dissimuler la culpabilité de l’État dans des atteintes aux droits humains.
Amnesty International a adressé une mise en garde pour dénoncer le secret d’État qui continue à entraver la recherche de la vérité et la responsabilité de crimes dans les affaires passées. Cette situation prolonge la souffrance des familles de victimes et porte atteinte à l’état de droit.
La veille de l’audience, le frère de Paul Thompson, Eugene Thompson, gravement malade, a déclaré : "Je me bats depuis des décennies pour connaître la vérité sur ce qui est arrivé à Paul. Le gouvernement ne devrait pas s’entêter à nous refuser les réponses que nous attendons. J’aurais aimé être présent au tribunal en personne pour réclamer justice au nom de Paul, mais ma santé ne me le permet pas. Je sais que les membres de ma famille seront là. Cette affaire aurait dû être résolue il y a bien longtemps. Les nombreux retards et les manœuvres d’obstruction du gouvernement nous obligent à continuer le combat. Nous n’aurions pas dû en arriver là. »
Avant sa mort, Margaret Thompson, la mère de Paul et Eugene, s’était rendue à la Chambre des communes pour solliciter une enquête publique sur l’assassinat de son fils. Eugene a ajouté : « ma mère a engagé notre combat pour la justice il y a plus de 31 ans. Elle est décédée depuis. J’espère que la Cour suprême du Royaume-Uni contribuera à tourner enfin cette page ».
Daniel Holder, directeur du CAJ, dont les avocat·es ont assuré la défense de la famille, a déclaré : « Eugene et sa famille cherchent depuis longtemps à obtenir justice et à connaître la vérité sur le meurtre de Paul, mais ont dû faire face aux nombreux retards et à l’obstruction de l’instruction. Il n’y a jamais eu de véritable enquête policière, et l’enquête judiciaire n’a toujours pas été bouclée, 31 ans plus tard. Cette affaire a de profondes répercussions pour les nombreuses familles endeuillées et l’état de droit. On ne peut tout de même pas dissimuler les faux pas de l’État ou l’implication de ses agent·es dans des assassinats ou d’autres violations des droits humains au nom de la sécurité nationale ».
Gráinne Teggart, directrice adjointe d’Amnesty International Royaume-Uni en Irlande du Nord, a déclaré : « Cette affaire est cruciale pour les secrets d’État liés à des crimes passés. Elle met en lumière ce qui ne va pas dans la façon dont le Royaume-Uni a abordé ces questions : un gouvernement plus soucieux de se protéger que de faire éclater la vérité. Elle révèle une culture de l’obstruction, là où même la demande d’un frère gravement malade et trois décisions de justice ne suffisent pas à lever le secret. L’obsession du gouvernement pour le secret continue de primer sur l’obligation de redevabilité, et les familles en paient le prix.
L’affaire Thompson est emblématique des échecs de la politique du Royaume-Uni sur les crimes du passé : un bilan sombre qui montre comment le secret d’État, les retards incessants et les blocages institutionnels privent les familles des victimes de leurs droits. Cela révèle très clairement le déséquilibre des pouvoirs : une famille qui cherche des réponses face à un gouvernement qui resserre ses rangs pour échapper à tout contrôle. On ne peut qu’être amèrement déçu·e de constater que le gouvernement persiste à refuser la vérité aux victimes, tout en prétendant vouloir aller de l’avant sur les crimes du passé ».
Irati Oleaga, de Relatives for Justice a indiqué : « la vie de Paul Thompson comptait. Tout comme la vérité sur sa mort. Tout autant que le courage de celles et ceux qui n’ont jamais cessé de la réclamer. Nous sommes aux côtés d’Eugene. Aux côtés de sa mère Margaret, dont l’absence pèse. Et aux côtés des nombreuses autres familles qui se voient toujours refuser la vérité, la justice et la reconnaissance. Leur persévérance face aux retards, aux refus et aux entraves délibérées témoigne de la force de la dignité humaine ».
Reyhan Yalcindag Baydemir, vice-présidente de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), qui assistera à l’audience en tant qu’observatrice internationale, a déclaré : « La justice est la seule voie possible pour les victimes de violations des droits humains. Refuser l’accès à l’information pour un meurtre entrave non seulement le droit à la vérité et à la redevabilité, mais porte également atteinte à la dignité des victimes et à la mémoire des personnes qui ont perdu la vie. Le gouvernement britannique doit faire face à ses responsabilités et s’acquitter de ses obligations internationales en mettant fin à la pratique du secret d’État qui porte atteinte à l’état de droit et perpétue l’impunité des responsables d’actes répréhensibles dans le passé ».