Ouverture du procès des meurtriers de Hrant Dink : une occasion de pointer les véritables responsabilités et de prévenir de futurs crimes racistes

02/07/2007
Communiqué
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Le 2 juillet 2007, s’ouvrira à Istanbul le procès des meurtriers présumés du journaliste turc, Hrant Dink. Assassiné le 19 janvier 2007, en pleine rue, devant son bureau à Istanbul, ce journaliste d’origine arménienne était en première ligne du mouvement en faveur des réformes démocratiques en Turquie. Fervent défenseur de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, il incarnait le dialogue entre Turcs et Arméniens. La FIDH avait vivement interpellé les autorités turques afin qu’elles recherchent activement les exécutants et les commanditaires de ce crime et, à l ’occasion de son 36ème Congrès, demandé à la justice turque de mener une enquête transparente et approfondie afin d’établir toutes les responsabilités dans l’assassinat de Hrant Dink.

En raison de l’âge du présumé meurtrier, Ogün Samast, 17 ans, les audiences se tiendront à huis clos. Selon l’acte d’accusation, il devra répondre de nombreuses charges, dont celles d’"homicide avec préméditation" et d’"appartenance à une organisation terroriste". Les procureurs requièrent contre lui une peine allant entre 18 et 24 ans de prison. Il encourt une peine supplémentaire de 8,5 à 18 ans de prison pour appartenance à une organisation terroriste et port d’arme illégal. Les deux instigateurs présumés de l’assassinat, Erhan Tuncel et Yasin Hayal, risquent la réclusion à perpétuité. Le premier est passible en outre d’une peine allant de 22,5 à 48 ans de prison notamment pour avoir dirigé une organisation terroriste et le second, âgé de 26 ans, d’une peine supplémentaire de 18 à 30 ans de prison pour le même motif ainsi que pour avoir fourni l’argent et l’arme du crime. Des peines allant de 7,5 à 35 ans de prison ont été requises contre les 15 autres accusés, tous originaires de Trabzon, pour complicité de meurtre et appartenance à un groupe terroriste.

L’enquête criminelle, menée par deux procureurs et les services de police de la division anti-terroriste d’Istanbul, a révélé des complicités et des négligences au sein de l’appareil d’Etat, notamment dans les services de police et de gendarmerie. La police de Trabzon aurait ainsi informé Ankara et Istanbul, dès février 2006, des plans de ce groupe pour tuer Hrant Dink. Ces éléments n’auraient pas été pris au sérieux. Le gouverneur et le chef de la police de Trabzon ont été mutés, et le chef des renseignements de la police d’Istanbul, Ahmet Ilhan Güler, a été suspendu de ses fonctions, une procédure d’enquête a également été entreprise à son encontre. Quant au numéro un de la police d’Istanbul, Celalettin Cerrah, qui avait un moment nié toute "dimension politique ou organisation derrière ce crime", il a fait l’objet d’une enquête préliminaire stoppée sur décision du gouverneur d’Istanbul, celui-ci ne voyant aucune justification à une telle enquête. Les avocats de Hrant Dink ont fait appel de cette décision. La procédure est toujours en cours.

L’enquête a également établi des liens entre le groupe terroriste et une organisation politique ultranationaliste, le Parti de la Grande Union, et son mouvement de jeunesse, ‘Foyers Alperen’. Les avocats réclament l’examen détaillé de ces relations pendant le procès.

Les médias turcs ont en outre mis en lumière que plusieurs personnes auraient été exclues du cadre des investigations. Ils ont révélé que deux personnes, l’une appartenant aux services secrets de la Gendarmerie et l’autre à la Police de Trabzon, auraient eu des contacts répétés avec les suspects. Des dizaines de contacts téléphoniques avec Ogün Samast, le principal accusé, auraient été enregistrés pendant la période précédant le meurtre. Cependant, seule une partie de ces conversations aurait été transmise aux procureurs en charge de l’enquête.

La FIDH rappelle qu’il est indispensable que le procès se déroule dans des conditions de sécurité et de transparence, permettant à la justice de travailler sereinement. La FIDH demande également à ce que la lumière soit faite sur toutes les responsabilités directes et indirectes qui ont conduit à cet assassinat et les commanditaires véritables soient identifiés, quels qu’ils soient.

La FIDH réitère, dans cette perspective, son total soutien aux avocats de la famille Dink et porte toute son attention et ses espoirs sur la justice turque afin que toutes les questions soulevées dans ce crime soient élucidées, notamment la possible implication des services de police et de gendarmerie mais aussi les défaillances de l’Etat et du pouvoir politique à protéger un citoyen qui vivait sous la menace de manière notoire.

Contact presse : Karine Appy + 33 1 43 55 14 12 / + 33 1 43 55 25 18

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