Droits de l’Homme dans le Sud Est kurde : une situation alarmante malgré d’importantes réformes législatives

30/07/2003
Rapport
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A la suite d’une mission d’enquête internationale menée en mai 2003 dans le Sud Est de la Turquie, la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), publie un rapport dénonçant l’échec de la mise en oeuvre des réformes juridiques récemment adoptées dans le cadre du processus d’adhésion à l’Union européennen afin de se conformer aux critères politiques de Copenhague. Le rapport est présenté aujourd’hui même à la Direction générale de l’élargissement de la Commission européenne.

Le rapport souligne que la levée de la loi sur l’état d’urgence (OHAL) dans le Sud-Est de la Turquie le 30 novembre 2002 n’a pas empéché la situation de sérieusement se détériorer en 2003.

Des violations graves des droits de l’Homme- notamment actes de torture, disparitions forcées et exécutions extra-judiciaires- demeurent impunies. Le rapport dénonce l’impunité comme la principale cause des violations des droits de l’Homme perpétrées dans le Sud Est de la Turquie. En outre, de sérieux obstacles subsistent quant au retour dans leur village de milliers de personnes déplacées internes durant les 15 ans de conflit dans cette région.

Par ailleurs, le rapport de la FIDH révèle de sérieuses atteintes à la liberté d’expression, à la liberté de réunion et d’association pacifiques de la part des autorités judiciaires et des gouverneurs de provinces. Ainsi, malgré la réfome législative récemment adoptée, le droit de diffusion en langue kurde demeure manifestement théorique.

Les défenseurs des droits de l’Homme appelant à un réglement pacifique de la question kurde font l’objet d’un véritable harcèlement judiciaire. A titre d’exemple, 47 poursuites et procès ont étés intentés contre le Président de la section de Bingöl de l’Association des droits de l’Homme (IDH). La FIDH s’inquiète, en outre, des lourdes restrictions relatives aux activités des syndicats et des partis politiques, notamment du DEHAP (Parti démocratique du peuple).

Dans le cadre des discussions de pré-adhésion entre la Turquie et l’Union européenne, la FIDH demande aux plus hautes autorités turques de :

 Mettre en œuvre les récentes réformes legislatives adoptées depuis octobre 2001, et ainsi veiller à l’application effective de la nouvelle législation par le pouvoir judiciare et la bureaucratie ;
 Mener des enquêtes effectives et impartiales dans les cas de violations de droits de l’Homme et ainsi mettre fin à l’impunité ;
 Garantir les libertés d’expression, de réunion pacifique et d’association dans le Sud Est, et notamment mettre fin au harcèlement et aux poursuites judiciares contre les défenseurs des droits de l’Homme. En particulier, la FIDH appelle la Turquie à abroger les articles du Code pénal turc, y compris les articles 312, 159 et 169, utilisés pour poursuivre et condamner les défenseurs des droits de l’Homme qui militent pouir une solution politique, démocratique et pacifique de la question kurde en Turquie ;
 Réformer en profondeur le système judiciaire turc et notamment abolir les Cours de Sûreté de l’Etat (DGM).

A cet égard, la FIDH a constaté des résistances manifestes du pouvoir judiciaire à mettre en œuvre les réformes. La FIDH, qui a mandaté des observateurs judiciares à plusieurs audiences du nouveau procès des anciens deputes kurdes, Leyla Zana, Selim Sadak, Hadid Dicle et Orhan Dogan, condamnés à 15 de prison en 1994 pour "appartenance à organisation illégale", considère que ce procès ne présente pas les garanties d’un procès équitable, telles que définies par le Conseil de l’Europe et l’Union européenne. Alors que le gouvernement turc a annoncé sa décision de mettre en œuvre une réforme approfondie du système judiciaire turc, à travers le 7ème paquet de réfome d’harmonisation cet été, la FIDH appelle une fois encore les autorités turques à garantir à ces anciens députés un procès équitable, impartial et public et à les libérer dans les plus brefs délais.

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