Agressions contre les défenseurs à Saint-Pétersbourg : la coupable négligence de l’Etat russe

03/03/2006
Rapport
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Publication d’un rapport de mission internationale d’enquête

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), dans le cadre de leur programme conjoint, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, publient aujourd’hui un rapport de mission d’enquête intitulé Fédération de Russie : agressions contre les défenseurs des droits de l’Homme, la coupable négligence de l’Etat russe.

Ce rapport est le fruit d’une mission mandatée à Saint-Pétersbourg en juin 2005, dans un contexte d’hostilité croissante contre les défenseurs des droits de l’Homme, qui s’est traduit, depuis ces deux dernières années, par la multiplication d’agressions contre les défenseurs - y compris des assassinats -, et par de nombreuses attaques contre les locaux des associations. Ce climat d’hostilité s’inscrit dans le cadre d’une montée de la xénophobie, du racisme et de l’antisémitisme en Russie, qui vise les étrangers et les minorités, et, de fait, les défenseurs de leurs droits.

Ce phénomène, très présent à Saint-Pétersbourg, ne concerne pas seulement les groupes extrémistes mais est également présent au sein des administrations publiques, du système politique et même de l’institution judiciaire. La mission visait par conséquent à analyser la réponse publique à ces agressions, en faisant la lumière sur le fonctionnement des organes de maintien de l’ordre et de l’administration pour comprendre l’impunité dont bénéficient les auteurs de ces attaques. En effet, le refus d’enquêter donne souvent carte blanche aux auteurs de ces violations. De même, la tendance à assimiler les délits contre les défenseurs à des crimes de droit commun et la timidité des juges contribuent à ce climat d’impunité, ainsi que l’absence de protection des témoins et des experts qui les conduit, dans ce climat, à refuser de témoigner.

Par ailleurs, plutôt que de garantir leur sécurité et de créer les conditions favorables à leur action, les autorités russes, par des discours diffamatoires, alimentent les violations à leur encontre. De même, la récente loi portant amendement « à certaines lois de la Fédération de Russie », adoptée le 23 décembre 2005, pose de sérieuses restrictions à la liberté d’association en Russie et témoigne d’une réelle volonté d’ostraciser et de verrouiller la société civile indépendante (Voir Note explicative de l’Observatoire, 20 janvier 2006).

Les défenseurs sont enfin de plus en plus marginalisés au sens où ils ont perdu, lors des dernières élections parlementaires, en décembre 2003, les rares relais politiques qu’ils avaient au sein de la Douma. D’autre part, la presse, muselée, ne leur offre quasiment plus d’espace d’expression.

Dans ses recommandations, l’Observatoire demande notamment aux autorités russes de :

 garantir, en toutes circonstances, l’intégrité physique et psychologique des défenseurs des droits de l’Homme et mettre un terme immédiat à tout acte de violence ou de harcèlement à leur encontre ;
 assurer la protection des experts dans les affaires liées au respect des minorités et à l’incitation à la haine raciale, par le biais, notamment, de la création d’un statut spécifique de l’expert. Se conformer, à cet égard, à l’article 9.3 de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, selon lequel « chacun a le droit d’offrir et prêter une assistance juridique professionnelle qualifiée ou tout autre conseil et appui pertinents pour la défense des droits de l’homme et des libertés fondamentales » ;
 assurer la conduite d’enquêtes complètes et impartiales dans les cas d’assassinats, d’attaques et de harcèlement visant les défenseurs des droits de l’Homme, afin d’identifier les auteurs de ces actes, de les traduire en justice et de les sanctionner selon les lois en vigueur, ce, notamment, conformément à l’article 9.5 de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, selon lequel « l’Etat doit mener une enquête rapide et impartiale ou veiller à ce qu’une procédure d’instruction soit engagée lorsqu’il existe des raisons de croire qu’une violation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales s’est produite dans un territoire relevant de sa juridiction » ;
 mettre un terme à tout acte de diffamation, y compris au niveau officiel, à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme ;
 mettre en place un système de protection à distance des locaux associatifs et du domicile des défenseurs menacés et garantir la prise en charge des frais de protection par les pouvoirs publics ;
 Se conformer en toutes circonstances aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme et du document de la Réunion de Copenhague de la 2ème Conférence sur la Dimension humaine de la Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) (1990), et respecter en toutes circonstances les principes et dispositions figurant dans les instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l’Homme ratifiés par la Fédération de Russie et garantissant notamment les libertés d’association, de réunion, de manifestation, d’expression et d’opinion, en particulier la Convention européenne des droits de l’Homme, et le Pacte international relatif aux droits civils et politique.

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